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Capitaine Abdoulaye Dao : « Je ne veux pas porter un bébé que je n’ai pas conçu »

Le capitaine Abdoulaye Dao, le commandant du Groupement des unités spéciales (GUS) de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), était encore à la barre le vendredi 21 septembre 2018 pour la suite de son audition. Sa défense n’a pas évolué, il nie tout en bloc. « Je ne veux pas porter un bébé que je n’ai pas conçu », a-t-il lancé. En outre, il n’a pas caché sa fierté de ses hommes, dont certains sont aussi incarcérés pour le putsch manqué. A ce propos, il a évoqué une opération du RSP au Mali pour stopper la progression des terroristes et les quatre crises qui ont secoué le RSP.

 

 

 

La salle des banquets, qui sert de prétoire au procès du putsch manqué, commence à réunir du beau monde depuis que les officiers ont commencé à défiler à la barre. Suspendue le mercredi, l’audience a repris le vendredi dans la matinée, toujours avec le capitaine Abdoulaye  Dao. A la reprise de son audition, le ministère public a interrogé l’accusé, lui demandant de définir certaines notions qu’il avait utilisées dans sa narration, comme «la politisation des éléments».

Mais avant de lui donner l’occasion de s’expliquer, le parquet a fait une observation : « Quand vous donnez la politisation des éléments comme étant la cause de leur indiscipline, nous sommes d’accord. Mais quand vous situez cette politisation au temps de la Transition, nous ne sommes pas d’accord avec vous. L’immixtion de la politique est antérieure à la Transition. Quand de hauts gradés ont des connexions avec des politiques, les éléments ne font que suivre les sillons tracés par les officiers.»

Dans ses explications, le ministère public, pour étayer ses propos, est revenu sur la crise de 2011, marquée par les mutineries. Il a affirmé que c’est le RSP qui a  commencé cette crise. Une assertion qui a fait grincer des dents dans le box des accusés, qui ne semblaient pas partager cet avis. 

Prenant la parole à son tour, le capitaine Dao a remercié Allah de lui avoir permis d’être de nouveau à la barre pour poursuivre son audition. Estimant que les observations du parquet sont profondes, il a souhaité ne pas y répondre. 

Mais le parquet est revenu lui signifier que le tribunal militaire, au-delà de la répression, permet au commandement de recadrer les choses pour le bien  de l’armée et de la république.

 

« Je ne sais pas comment ça s’est passé »

 

Poursuivant son interrogatoire, le parquet a demandé à l’accusé de  parler des civils qu’il aurait vus aux moments des faits. « Quand je suis arrivé, je crois que j’ai vu Karim Traoré de Perfectum et plus tard Me Mamadou Traoré », a-t-il répondu.  « Pouvez-vous nous dire pourquoi certains otages de la présidence se sont retrouvés au camp Naaba Koom II ? »  

A cette question, le capitaine a opposé un « je ne sais pas comment ça s’est passé ». Mais il s’est évertué à expliquer au tribunal qu’au  début des évènements, il était à Bobo-Dioulasso sans moyen de déplacement. Il a alors contacté le commandant de région, Gille Bationo, qui lui a signifié qu’il n’avait pas un véhicule de la gamme civile.

Quant au premier communiqué passé sur les ondes de la RTB, l’accusé a dit qu’il a cru que ça portait sur les conclusions de la rencontre de sa hiérarchie avec les chefs militaires et les Sages. En outre, il a une fois de plus soutenu avoir apporté le communiqué au colonel Bamba sans en prendre connaissance.

Sur ce, la parole a été donnée à son conseil qui avait beaucoup à dire au tribunal.

 

« Nous avons des hommes bien formés»

 

« Beaucoup de choses ont été dites. Un jour d’audition dédié au parquet au point que nous ne savons par où commencer », a fait remarquer Me Dieudonné Bonkoungou dès l’entame de ses propos avant de charger le parquet militaire. « Le parquet n’a pas trouvé de base d’interrogatoire que le P-V annulé. Monsieur le président, une infraction a été commise à votre audience. Est-ce que le capitaine Dao peut distinguer les éléments à charge ? Est-ce qu’il peut disséquer les arguments dont la base est ce P-V ? Est-ce que le parquet, qui nous invite chaque fois à lire l’arrêt de renvoi, ignore que ce P-V a été annulé ? Non ! » a dit l’avocat du capitaine. Poursuivant son adresse aux parquetiers, il a voulu savoir ce qu’ils avaient pour leur défense et ce que ça faisait d’être dans la peau de l’accusé.

Réagissant à cette accusation, le parquet a tout simplement fait noter que la juridiction n’a pas été saisie de ce chef d’accusation. « Aucun arrêt de mise en accusation ne concerne le ministère public. On lui a demandé de défendre son client. Il ne faut pas qu’il se trompe de chemin ».

Le parquet a voulu que l’accusé, en tant que commandant des unités qui assurent la sécurité du chef de l’Etat, explique au tribunal, en cas de risque ou de menace pesant sur le président, quel protocole d’intervention il déploie.

« Nous avons des hommes bien formés dans le dispositif sécuritaire que nous appelons coquille de sécurité ; chacun a un rôle précis auquel il s’entraîne. Mais dans ce cas, ce n’est pas la même chose parce que la menace vient de l’intérieur même de la coquille », a expliqué le commandant du GUS. 

 

« Toute l’armée n’a pu libérer les autorités »

 

Après ses multiples explications, le parquet a estimé que le capitaine a gravement failli, car il n’était pas de son rôle de chercher des commodités pour les otages, mais de les extirper de leur geôle. « J’ai accompli mes missions. J’ai contribué de mon mieux à ce que les gens puissent regagner leurs domiciles… Je ne veux pas porter un bébé que je n’ai pas conçu. Je vais trop vite en besogne peut-être, mais il y a quelqu’un qui a déjà dit qu’il en assume la paternité », s’est-il défendu. Pour son autre avocat, Me Maria Barry, « le capitaine Dao ne pouvait s’opposer sauf s’il avait une milice. Toute l’armée n’a pu libérer les autorités et on demande à Dao seul de le faire ».

Toujours sur le P-V annulé, l’avocat a fait observer au tribunal que, parmi les questions posées à son client, 15 sont basées sur cette pièce retirée du dossier. Me Barry a ajouté que l’ordinateur transmis pour expertise n’appartient pas au capitaine Dao.  Poursuivant avec sa longue liste d’observations, elle a déclaré au parquet que l’expertise des portables et autres matériels avait été déjà faite par l’entreprise Sofnet. « Nous avons adressé une demande de restitution des scellés, mais mon client n’a pas reçu le portable de marque Samsung qui lui a été attribué », dénonce l’avocat.  Elle fait mention de la non-conformité des listes de témoins reçues en janvier et en mars. «Younoussa Sanfo s’est subtilement retrouvé sur cette liste », a-t-elle conclu avant de donner la parole à son client pour qu’il se prononce sur les crises traversées par le RSP.

 

Zida avait ses hommes au RSP

 

Bien avant lui, certains officiers à la barre ont fait cas des éléments incontrôlés qu’il y avait dans les rangs du RSP.  Selon ses dires, ces éléments prenaient des ordres ailleurs. « Certains soldats, avant de venir au camp, partaient prendre leurs ordres chez des autorités politico-militaires ». Une fois de plus, le nom de l’ex-Premier ministre Yacouba Isaac Zida a été cité (Lire encadré). Celui-ci est pointé du doigt dans une des crises que la sécurité présidentielle a vécues après le départ de Blaise Compaoré. Il est dit qu’il a tenté de décapiter le RSP de son commandement en finançant des éléments pour qu’ils sèment le trouble dans les rangs. Dao a déclaré que, dans ces manigances, il y en a un qui en a profité pour se glisser dans le trafic de drogue.

A la barre depuis le mercredi 19 septembre, il n’a pas tari d’éloges à l’endroit des hommes qui étaient sous son commandement. Pour étayer ses propos, il est allé jusqu’à donner des bribes d’informations sur certaines opérations qui n’étaient en tout cas pas connues du grand public (lire encadré). Alors qu’il s’exprimait longuement sur les quatre crises du RSP, son conseil Me Mireille Maria Barry, invoquant des bourdonnements d’oreilles, a demandé la suspension de l’audition de son client.

Sur ces entrefaites, l’audience a été suspendue et elle reprend ce lundi matin à 9 heures. 

 

San Evariste Barro

Lévi Constantin Konfé

Rabiatou Congo (Stagiaire)

 

 

Les crises au RSP

 

Depuis la chute du régime Compaoré, l’ex-RSP  a connu quatre crises. La première est celle de novembre 2014, au  lendemain  du départ de l’ancien président en Côte d’Ivoire. En décembre, la brouille était de retour dans le camp du RSP. Mais celle qui a le plus perduré et qui a abouti au coup d’Etat du 16 septembre 2015 est celle des 28 et 29 juin. A en croire le capitaine Dao, le RSP faisait face à une spirale de ragots. Selon ses affirmations, il aurait appris que le RSP voulait arrêter le Premier ministre Zida, et il a organisé ses hommes pour s’y opposer. D’après ses explications, Kafando avait une cérémonie au Centre Cardinal Paul Zoungrana.  Sur le chemin du retour à la présidence, le capitaine Dao a affirmé avoir reçu un coup de fil de Kéré qui l’informait que le chef d’état-major de la gendarmerie dit avoir eu vent d’une crise au sein du RSP.

« Après, j’ai reçu un SMS me convoquant avec d’autres officiers à la gendarmerie ».  Une fois à la gendarmerie, ces gradés ont été auditionnés sur la situation au RSP. Mais ils ont répondu que tout allait bien. Cependant, par le biais d’une radio, les soldats au camp ont appris que certains de leurs officiers étaient à la gendarmerie et ils ont alors commencé à se regrouper. La gendarmerie, mise au courant du mouvement de rassemblement, les a libérés.

Repartis au camp, ils  ont rassuré les hommes et chacun est rentré chez lui. « Je suis rentré à 18h. Dans la nuit, on m’a appelé pour me dire qu’il y avait de nouveau un mouvement au camp. Je suis parti avec le capitaine Zoumbri pour essayer de calmer les choses. Pendant qu’on échangeait au carré d’armes, quelques éléments en arme nous ont rafalés. Mais d’autres ont essayé de nous mettre en sécurité ».

Après cet évènement, des investigations ont été menées à l’issue desquelles des sommes importantes ont été découvertes dans des placards. « Il y en a certains qui avaient à peine 6 mois de service, mais roulaient dans  des véhicules de 10 millions». Une feuille de punition a été proposée pour ces éléments indélicats, mais il n’y a jamais eu de sanctions contre eux. Au contraire, ils ont été gratifiés à coups de millions par Zida ».

 

LCK & RC

 

 

La fierté de Dao pour ses hommes

 

A la barre, le capitaine Dao n’a pas hésité à vanter les qualités de ses hommes. Il dit en avoir formé les meilleurs, car il aime le travail bien fait. Le sergent Lahoko Mohamed Zerbo, premier garde du corps de Kafando, est, selon lui, le meilleur instructeur de l’Afrique de l’Ouest. A l’en croire, ces derniers seraient les meilleurs artilleurs tireurs et peuvent éclabousser une tête à une distance de 1000 m. « Voilà des gens qui, quand on les enferme dans une pièce et trace un cercle de la taille d’une pièce de 100 francs, peuvent y loger 5 à 6 balles au même endroit au point que  l’on croirait que c’est l’impact d’une seule balle».

Au tribunal il a rappelé cette mission bien accomplie au Mali par les hommes du GUS : « Au moment où il fallait stopper l’avancée terroriste, ils y ont été envoyés, ont joué le rôle de tête de pont et ça s’est bien passé », a déclaré le commandant des unités spéciales du RSP.

 

LCK & RC

Commentaires   

0 #2 article 37 25-09-2018 11:34
Fierté des hommes qui ont ensanglanté notre pays sans le moindre remord. C'est une honte de vouloir nous faire croire qu'ils ont des personnes indispensables pour notre pays. Chaque Burkinabè a sa place et aucun autre n'aura le droit de vie ou de mort sur autrui. Cette fierté constituer votre amertume le jour du verdict. A l'époque des hommes forts, à l'instant privé de liberté, chacun s'il est reconnu coupable méditera correctement son sort.
Pour ce coup de force, il y a bien des coupable quelque part. Un proverbe en mooré dit bien ''Entrer sans prendre, ne pas entrer justifie mieux qu'on a rien pris''
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0 #1 article 37 25-09-2018 08:47
Capitaine qui entre dans l'histoire par un coup d'état que tout le monde reconnait, le plus bête du monde. Avant le coup de force, rappelons nous que celui là même avait lu une déclaration à la télévision je ne sais plus de quoi il parlais, c'était avec un autre officier. Au lieu de rester la grande muette, ils se sont illustrés par une absence totale de réserve. Lorsqu'on a un tel rang, on doit se rappeler que c'est grâce au sacrifice d'un pays qu'on a atteint ce niveau. Il niera tout, mais les morts et les blessés le sont du fait de ce coup de force. Il a de bonne excuse mais en tant qu'officier, il a eu l'occasion de rester à Bobo pour organiser la risistance, mais il a tout fait pour rejoindre Ouaga.
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