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La religion : substitut d’une identité politique défaillante

Le repli identitaire prend aujourd’hui toutes les formes d’intégrisme et de fondamentalisme, pouvant aller jusqu’au fanatisme terroriste. Aucune religion n’est indemne de dérives violentes. Le christianisme, le judaïsme, l’islam, l’hindouisme et le sikhisme sont logés à la même enseigne. Dans maints endroits du monde, les religions se durcissent au nom de leur vérité propre, supposée refusée par les autres, mais aussi par réaction à un monde occidental qui, fasciné par son pouvoir technologique et économique, considère la religion et la morale comme le cadet de ses soucis et renvoie la pratique religieuse à la seule sphère privée.  C’est ainsi que l’islamisme veut instaurer la charia sur toutes les terres d’islam et s’en prend violemment à tous ceux qui s’opposent à cette idéologie. L’intégrisme prononce toujours un interdit de laïcité et reconstruit le passé comme un âge d’or où la religion apportait le bonheur. Il ne supporte pas les tièdes. La religion fournit ici le modèle de l’organisation sociale. Au demeurant, à nos yeux, il apparaît assez clairement que la religion devient toujours dangereuse quand elle quitte la sphère du spirituel pour se dégrader dans des idéologies économico-politiques.

 

De nos jours, un phénomène très contemporain est l’instrumentalisation du religieux par le politique : beaucoup de guerres dites « de religion » ne sont en fait que des batailles politiques qui se donnent un drapeau religieux. Le long conflit d’Irlande du Nord entre catholiques et protestants était d’abord un conflit social et politique entre deux populations qui n’avaient pas les mêmes avantages, l’une étant colonisée par l’autre. Les conflits entre chrétiens et musulmans au Nigeria semblent être du même ordre. Comme quoi, la religion peut facilement devenir une idéologie de combat qui permet de sacraliser des projets politiques et de rendre absolues des différences culturelles. Alors que les Etats-Unis ont une constitution laïque et pluraliste, leurs responsables actuels utilisent la foi chrétienne comme facteur de cohésion intérieure et clé de lecture manichéenne du monde extérieur. Très souvent, les religions sont victimes de leur capacité à mobiliser des personnes et des groupes. Mais, peut-être « à leur corps défendant », il leur arrive de prendre l’initiative et de devenir sources de violences par leur exclusivisme intransigeant.

Au fond, notre monde est traversé par deux lignes majeures de fracture religieuse : celle qui passe, en Europe, entre monde catholique et monde orthodoxe, et celle qui passe, en Afrique, au Proche-Orient et en Asie, entre monde musulman et monde chrétien. Ces cultures religieuses différentes peuvent alimenter de nouveaux conflits, à tel point qu’on a envie d’écrire que les guerres ethno-religieuses sont le véritable défi du XXIe siècle.  Ne craignons pas de le lire : nous vivons dans un monde terriblement violent. Et la violence est toujours une négation de la personne. Pour l’Afrique,  l’enjeu est vital : si nous ne réussissons pas à créer une coexistence pacifique entre les religions et aussi entre les cultures, nous  aurons sans doute du mal à nous développer. L’appel lancé à tous est celui-ci : travailler à rejeter les replis identitaires, qu’ils soient religieux ou ethniques, les rivalités et les conflits sanglants entre voisins ou entre peuples pour valoriser ce qu’ils peuvent s’apporter mutuellement comme richesses, car, sans paix, sans tolérance authentique, sans respect religieux mutuel et sans ouverture sincère à l’autre, nous ne pouvons pas survivre en tant que race humaine, ni mener, comme individus, une existence véritablement humaine. C’est, à coup sûr, ce que veulent nous rappeler aussi les organisateurs du Symposium international sur le dialogue des religions et des cultures qui s’ouvre demain à Ouagadougou.

 

  1. Jean-Paul Sagadou

Assomptionniste

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