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Incendie du grand marché de Bamako : La rançon de l’incivisme et de l’anarchie

Réveil brutal et douloureux pour certains commerçants du grand marché de Bamako ce lundi matin : en effet, un gigantesque incendie s’est déclaré dans leurs boutiques, dans la nuit de dimanche à hier lundi vers 2 heures du matin. Les pompiers, vite accourus, n’ont pu empêcher qu’une grande partie des installations soit réduite en cendre. Les dégâts matériels sont énormes, évalués à  plusieurs centaines de millions de FCFA. Seule consolation pour les Bamakois et les autorités maliennes, pas de pertes en vie humaine et certaines boutiques  épargnées.

N’empêche que la frayeur  a  été grande, car ce site, appelé marché Rose, est au centre de la capitale malienne et le feu menaçait  les concessions aux alentours, vu les difficultés des sapeurs-pompiers à le circonscrire. Les causes de l’incendie restent inconnues, mais selon le premier constat  des soldats du feu, il serait parti du centre du marché et pourrait avoir été causé par un court-circuit. Quoi qu’il en soit, les commerçants arrivés sur les lieux pour aider à circonscrire le sinistre ne cachaient pas leur colère, exigeant des investigations plus poussées parce que c’est la troisième fois que ce marché est victime d’incendie en 14 ans : le premier incendie était survenu en 1993 et avait complètement détruit le marché, qui fut fermé alors pendant trois ans avant de rouvrir en 1996 après  qu’on a investi environ 1,5 milliard de FCFA dans sa reconstruction ; il sera toutefois victime d’un nouveau sinistre en 2014 dont les nombreuses victimes se remettaient  à peine. L’incendie de ce lundi matin est donc la catastrophe de trop pour les commerçants du marché Rose qui en veulent aux autorités communales pour leur incapacité à mettre de l’ordre dans la gestion de cet espace.

On les comprend, les victimes de cet énième incendie du marché central de Bamako non sans s’interroger sur leur propre responsabilité dans ces drames à répétition ! Qu’elles s’insurgent contre les moyens limités des pompiers, les bouches d’incendie sans eau, les ordures non évacuées, passe encore, mais quid des installations anarchiques avec des allées bouchées par  des étals incongrus, des ballots à l’emporte-pièce et des hangars  en matériaux rapidement inflammables ? On le voit bien, les torts de ces incendies à répétition sont partagés entre autorités gouvernementales, communales et  occupants du marché. Les premiers parce qu’ils ne donnent pas suffisamment de moyens aux soldats du feu, les deuxièmes pour le laxisme dans la gestion du désordre ambiant en ces lieux et  les derniers  pour leur incivisme notoire avec la forte propension à faire du marché une zone de non-droit où l’anarchie est la chose la mieux partagée.

Au demeurant, Bamako n’a pas l’exclusivité de ces marchés africains véritables foutoirs aux allures de dépotoirs où se disputent les immondices et les branchements électriques sauvages parce que bricolés à la va-vite. D’Abidjan à Douala en passant par Ouagadougou et Dakar, les marchés de nos villes sont de grands capharnaüms d’où l’ordre et la discipline ont foutu le camp, si jamais ils y ont existé. Les commerçants du Burkina, notamment ceux de Ouagadougou, ne disent-ils pas, quand on veut les sensibiliser au civisme en ces lieux, que « yaar » (marché en mooré) rime avec « yaaré », c'est-à-dire le désordre. C’est  pourquoi  les marchés qui brûlent en Afrique, on en trouve à la pelle : 2003 Rood Wooko à Ouagadougou, 2009 marché central de Douala, 2013 le grand marché de Bujumbura, 2015 le marché d’Antokpa à Cotonou, 2016 le marché Mont-Bouët à Libreville, septembre 2017 le marché d’Abobo à Abidjan, et on en oublie.

Tous ces incendies sont la rançon de l’incivisme et de l’anarchie qui y règnent.

 

Zéphirin Kpoda

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