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Assassinat 13 jeunes Casamançais : L’armée fait …le bois

72 heures après le drame, l’émotion était encore vive à Dakar et dans tout le Sénégal où deux jours de deuil national ont été décrétés par le président, Macky Sall, à compter du lundi 8 janvier 2018.

Les drapeaux ont en effet été hissés pour rendre hommage à 13 jeunes gens, des civils originaires pour la plupart de quartiers périphériques de Ziguinchor, tués samedi par un groupe non encore identifié dans la forêt des Bayottes, frontalière de la Guinée-Bissau. L’attaque a également fait 9 blessés.

Qu’est-ce qui a bien pu provoquer un tel carnage ? Si, aux premières heures, l’on se perdait en conjectures dessus, trois jours après le drame, l’enquête, ouverte aussitôt, semble privilégier la piste d’un règlement de comptes pour le contrôle stratégique du bois dans cette partie du pays :

en effet, un juteux trafic des ressources de la forêt existe depuis plusieurs années dans cette partie du pays. Des membres de comités de vigilance installés par les villageois, face au silence complice des éléments des Eaux et forêts, prélèveraient un impôt sur la coupe du bois. Et c’est le refus des jeunes de verser cette manne qui aurait provoqué les foudres des trafiquants, lesquels ont, pour ainsi dire, fait parler la poudre.

L’hypothèse de la mafia du bois est d’autant plus plausible qu’on se rappelle que, déjà en novembre 2017, des habitants de la zone, mécontents du pillage de leurs ressources sylvicoles, avaient passé à tabac des jeunes, comme ceux de ce tragique samedi, venus  eux aussi ramasser du bois mort.

Les 13 suppliciés de Bayottes seraient donc probablement des victimes environnementales, si on peut le dire, même si en l’espèce, ce ne sont pas les éléments qui ont fauché, dans cette forêt, ces corps pleins de vie à la fleur de l’âge.  Ils cherchaient du bois mort, ils auront trouvé…la mort sur leur chemin. L’armée poursuivait hier le ratissage de la zone, pour ne pas dire faisait…le bois, pour débusquer les coupables de cette « barbarie ».

La situation est si grave qu’elle a nécessité, dès samedi, la convocation en urgence du Conseil national de sécurité avant l’envoi, dimanche, d’une délégation conduite par le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, à Ziguinchor.

Le premier flic du Sénégal est allé présenter les condoléances de l’Etat aux familles éplorées, mais aussi évaluer la situation sécuritaire et rencontrer les différents protagonistes de la crise qui secoue cette région du Sénégal coincée entre la Gambie et la Guinée-Bissau voilà maintenant une trentaine d’années et qui connaît depuis quelques années une certaine accalmie.

Ça aurait été partout ailleurs dans le pays que ce serait suffisamment grave pour que la puissance publique mette tout en œuvre pour retrouver les auteurs, ça l’est davantage en Casamance où la moindre étincelle peut rallumer un incendie qu’aucun président, de Senghor à Macky Sall en passant par Abdou Diouf et  Abdoulaye Wade (qui avait promis de régler le conflit en 100 jours), n’a pu éteindre.

Il ne manquait donc plus que cette histoire de bois mort remette, si on ose dire, le feu aux poudres alors que la chute il y a maintenant un an du dictateur gambien Yahya Jammeh avait suscité les espoirs de paix durable pour ne pas dire définitive.

Mais pour l’instant, ni les efforts de médiation  de la communauté catholique Sant’Egidio ni les milliards de francs CFA injectés dans la région par Macky Sall n’auront permis de sortir de cette situation de ni paix ni guerre. Le bout du tunnel est d’autant plus introuvable que la rébellion, représentée par le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), est tiraillée par des dissensions internes et morcelée en plusieurs factions.

Soupçonnée au début d’être l’auteur de ce regain de violence, le MFDC  a condamné hier cette attaque et demandé aux autorités sénégalaises d’orienter l’enquête vers «des responsables administratifs et militaires locaux ».

Le célèbre architecte Pierre Goudiaby Atepa, président du Collectif des cadres casamançais, qui œuvre au retour de la paix dans la région, a lui promis d’aider à retrouver les assaillants. « Nous sommes en train de réunir les éléments pour aider le gouvernement à retracer ce qui s'est vraiment passé pour que tous les responsables de cela soient identifiés et punis », a-t-il déclaré, n’excluant pas de donner des noms si besoin était.

 

Hugues Richard Sama

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