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Grève du 31 janvier : Le SYNTSHA comme le 32e RIC

 

 

«J’estime votre grève du 31 janvier à la fois abusive, incivique, infondée, égoïste, orgueilleuse et nuisible à tous égards.» Telle est la conclusion d’Issaka Luc Kourouma,  dans la lettre ouverte adressée au SG du  SYNTSHA qui va en grève pour soutenir un de ses membres, traîné à la barre pour non-assistance à personne en danger.

 

 

 

 

 

Monsieur le Secrétaire général,

 

Je vous ai entendus la semaine dernière affirmer sur les antennes d’une télévision de la place que votre syndicat ira en grève le 31 janvier prochain pour le fait qu’un de vos militants est attrait en justice pour non-assistance à personne en danger alors qu’il était en grève suite à un mot d’ordre lancé par votre syndicat. De ce fait vous considérez que ce procès est un procès contre votre syndicat. Selon vous c’est la raison qui vous pousse à aller en grève le 31 janvier prochain. Vos propos m’ayant laissé perplexe et pantois et n’étant pas sûr de vous avoir bien compris, je vous fais cette lettre pour mieux comprendre. Allez-vous en grève pour empêcher le procès de se tenir ou y allez-vous pour influencer le verdict ou est-ce pour apporter un simple soutien moral à votre camarade ? Il est important que vous éclairiez la lanterne de l’opinion parce que l’on a beau retourner dans tous les sens la question, le motif de votre grève demeure énigmatique.

 

Si c’est pour empêcher la tenue du procès, c’est vous mettre au-dessus de la justice, alors que nulle personne physique ou morale, y compris le SYNTSHA, ne surpasse la justice, car elle est le socle et le rempart de notre vivre-ensemble ; c’est elle qui fonde notre égalité et  évite à notre société d’être une jungle où le lion tue et bouffe impunément la biche faible, pauvre et sans défense.

 

 

 

Violence silencieuse sur notre justice

 

 

 

Si c’est pour empêcher la tenue du procès, c’est vous donner tort à l’avance et raison au plaignant. Car quand on va à un procès on le perd ou on le gagne ; autrement dit il y a la possibilité que votre camarade l’emporte. Dans ce cas pourquoi empêcher la tenue du procès si vous êtes convaincus du bon droit de votre militant ? Si c’est pour empêcher la tenue du procès, vous me rappelez le cas de ces militaires du 32e régiment d’infanterie commando de Fada N’Gourma qui avaient défoncé les portes de la prison de la ville pour libérer avec nos armes (les vôtres et les miennes) un des leurs, placé sous mandat de dépôt pour le viol d’une mineure de 14 ans. Ces militaires avaient estimé que leur compagnon d’armes était au-dessus de la justice et ne convenait pas à la prison. Forts de leur puissance meurtrière, ils ont libéré leur camarade au détriment de la fillette et de sa famille. On connaît les dégâts colossaux que cet acte a engendrés. Si l’objectif de la grève était de faire annuler le procès, votre action dans ce cas n’est pas différente de la leur sauf que la vôtre se situe en amont et la leur en aval d’un procès ; sauf qu’eux ont utilisé les armes de guerre et vous, l’arme de la grève. Cependant le fond demeure identique. Car chacun de vous aurait utilisé abusivement une arme publique et du public.

 

Si ce n’est pas pour empêcher le procès mais influencer son cours au profit de votre camarade, vous exercez là une corruption enrobée et une violence silencieuse sur notre justice ; ce qui ne saurait être en l’honneur d’un syndicat censé être le parangon de la morale et de la vertu comme le vôtre. Et dans ce cas votre grève serait des plus inciviques qui aient été et qui soient.

 

 

 

Egoïsme impitoyable

 

 

Si c’est pour exprimer une solidarité et un soutien moral à votre militant, l’usage d’une grève est exagéré et disproportionné d’autant que vous mettez en danger la vie de milliers de malades au profit d’un seul individu. Et dans ce cas, l’usage d’une grève ne serait ni plus ni moins que l’expression d’un impitoyable égoïsme vis-à-vis de tout un peuple. Et ce n’est pas exagéré de dire que c’est une sorte d’assassinat collectif des malades de ce pays que vous vous apprêtez à commettre.

 

 

 

Monsieur le Secrétaire général,

 

Voyez-vous, tout excès nuit. Mieux que moi vous le savez parce que vous êtes de la santé. A ce titre vous savez que lorsque l’on abuse même d’un aliment bon et utile pour le corps, on en pâtit tôt ou tard. Laissez-moi vous dire en toute humilité que c’est le cas de cette grève que vous vous apprêtez à exercer le 31 janvier ; elle nuit à votre image, à votre raison et à la moralité de votre syndicat. Car l’on ne peut comprendre qu’au détriment de milliers de patients vous alliez en grève pour défendre la cause d’un présumé innocent qui pourrait à ce titre être acquitté. Je me surprends en effet à souhaiter que ce procès ait lieu et que votre militant soit acquitté. Dans ce cas, que direz-vous ? Que ferez-vous si d’aventure votre grève était cause d’une aggravation de maladie ou d’un quelconque autre décès ce jour-là ? Chose que l’on ne peut exclure. Serez-vous capable de ressusciter une vie ? La réponse étant évidente, souffrez que je vous fasse la morale ; quand on détient entre ses mains un domaine aussi sensible et aussi précieux que la santé (en d’autres termes la vie) de millions de gens, l’on ne devrait pas aller aussi facilement en grève pour le simple procès d’un compagnon de lutte. Chers syndicalistes, où se trouve votre compassion pour ce peuple qui souffre déjà et souffrira encore longtemps des nombreuses insuffisances de notre système de santé ? Si nous étions dans un pays tout à fait normal cette grève serait purement et simplement déclarée illégale et interdite. Mais quel pouvoir peut-il, de nos jours, aller contre la toute-puissance d’un syndicat comme le SYNSHA ? Ce n’est surtout pas le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré qui est malmené de façon impitoyable par les syndicats.

 

 

 

Monsieur le Secrétaire général,

 

Je vous aurais compris si vous aviez pris l’opinion à témoin de cela à travers un écrit ou une conférence de presse « explicative » de ce que vous qualifiez d’injustice à l’égard de votre camarade. Je vous aurais compris et soutenu si vous aviez organisé une collecte de fonds pour offrir à votre ami les services d’avocats érudits et émérites dont ne manque pas ce pays pour défendre votre cause. Pour le bien que les infirmiers, les médecins et l’ensemble des agents de la santé font journellement aux malades de ce pays et particulièrement à moi qui ai parfois une santé défaillante, j’aurais été l’un des tout premiers à y contribuer, fût-ce de façon modeste. Mais comprenez que je ne puisse pas approuver l’option que vous avez prise parce que j’estime votre grève du 31 janvier à la fois abusive, incivique, infondée, égoïste, orgueilleuse et nuisible à tous égards. Aussi à défaut de la maudire, permettez au moins que je la condamne de toute ma force, de toute ma pensée, de toute mon âme et de tout ce qui me reste comme santé.

 

En toute fraternité.

 

Issaka Luc Kourouma

 

 

 

(1) Le titre est du journal

 

Commentaires   

0 #4 Neilson 26-01-2018 18:57
Merci mr Kourouma pour cet écrit limpide, agréable à lire et à comprendre; et comme on dit chez nous, quand la vérité est dite, la tête est hochée instinctivement . Messieurs du SYNTSHA, s'il vous plaît, revoyez votre copie, ne devancez pas l'iguane dans l'eau, vous risquez de repartir bredouille.
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0 #3 sidsomdé 26-01-2018 16:43
les grèves sont devenus comme le marché du village; celui qui n'y va pas se sent rabaissé; jusque-là on n'avait pas bien vu le SYNTSHA au marché! l'occasion serait-elle la bonne?
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0 #2 Alex 26-01-2018 15:48
Votre article est clair et limpide comme l'eau de roche. Comme on le dit si souvent, vous avez une belle plume digne du fils ou du petit fils d'Ahmadou Kourouma. Ce que le Synsha fait n'est pas bien. Je me joins à vous pour dire que la grève du "31 janvier à la fois abusive, incivique, infondée, égoïste, orgueilleuse et nuisible à tous égards".
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0 #1 Nobga 26-01-2018 13:25
Amen! Ce ne sont plus des syndicalistes, mais des politiciens. Ces derniers ne connaissent pas ce que c'est que la morale!
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