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Dialogue intertogolais : La potion ghanéenne sera-t-elle magique ?

Cette fois-ci, ça y est ! Les chevaux sont lâchés sur l’hippodrome, pour ne pas dire que les gladiateurs de la scène politique togolaise sont descendus dans l’arène de la négociation après un long et éprouvant combat de rue.  

 

A la suite de plusieurs mois de tension politique, de tractations tous azimuts et  de marches et contremarches qui ont entraîné des pertes en vie humaine, pouvoir et opposition togolais sont enfin réunis autour d’une même table au mythique hôtel du 2-Février pour tenter de trouver une porte de sortie de crise. Dans le délicat rôle de facilitateur : le président ghanéen, Nana Akufo Addo, qui a autant intérêt que les Togolais à ce que la situation ne dégénère pas en chaos puisque son pays en recevrait immédiatement les contrecoups, comme ce fut le cas au début des années 90.

C’est donc en frère, comme on le dit en Afrique, mais aussi en voisin prévoyant qu’il a assisté, hier lundi 19 février 2018 à Lomé, à l’ouverture des négociations.

Initialement limités aux protagonistes de la scène politique, à raison de sept délégués par camp, les pourparlers ont finalement été élargis au gouvernement qui y a dépêché fissa les ministres de la Justice, de la Sécurité, de l’Administration territoriale et celui de la Fonction publique. Faut-il y voir la preuve que la partie commence sous d’heureux augures quand on sait que l’opposition n’entendait pas du tout sentir la présence d’un quelconque membre de l’exécutif ? 

On veut bien être optimiste sur un dénouement heureux du dialogue.

Mais Dieu seul sait que le facilitateur n’aura pas du tout la tâche facile et devra donc user de toute son énergie, de trésor de patience et de persuasion pour arriver à des compromis sur des positions diamétralement opposées.

Immense s’annonce en effet la mission du médiateur ghanéen au regard des exigences que le chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, a déclinées dans son message prononcé à l’ouverture de la rencontre.

Jugez-en vous-mêmes !

Pour lui, le retour à la Constitution originelle de 1992, revendication matricielle non négociable, doit être suivi d’effets immédiats tout aussi non négociables :

-         Le départ de l’actuel chef de l’Etat, qui a déjà exercé deux mandats et la mise en place d’une Transition politique encadrée par une Charte de la Transition ayant valeur constitutionnelle ;

-         La mise sur pied de structures législatives et exécutives de transition chargées de mettre en œuvre la révision du cadre électoral, y compris l’instauration du droit de vote pour les Togolais de l’étranger, le déverrouillage des institutions de la République et l’organisation d’élections législatives, locales et présidentielles totalement libres, transparentes et démocratiques.

En clair, selon le premier responsable de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), le président Faure Gnassingbé ne devrait pas aller jusqu’à la fin de son mandat, prévue pour 2020 ; un impératif qui a certainement sonné comme une hérésie dans les rangs de l’Union pour la République (UNIR), le parti au pouvoir.

Surenchère maximaliste ou simple stratégie de négociation, la barre des exigences de l’opposition est placée si haut qu’on se demande si le pouvoir pourra la franchir, même avec l’aide du coach ghanéen.

En fait, on peut comprendre l’irrédentisme des opposants, fatigués de ces innombrables pourparlers sans lendemain, puisqu’ils sont aujourd’hui, tenez-vous bien, aux vingt-septièmes du genre.

Les vingt-six autres s’étaient soldés par des promesses solennelles non tenues, des engagements enflammés trahis et de belles résolutions vite jetées aux oubliettes. A l’image de l’Accord politique global signé le 20 août 2006 entre les acteurs politiques et la société civile sous la houlette du facilitateur Blaise Compaoré, l’ancien président burkinabè chassé du pouvoir le 31 octobre 2014 par une insurrection.

Si l’APG 2006, comme on l’appelle au Togo, avait été respecté, on n’en serait certainement pas là.

C’est instruits de ce parjure que les adversaires de Faure Gnassingbé ne veulent pas lui concéder le moindre répit. De peur de se faire rouler de nouveau dans la farine de tapioca.

On ne voudrait pas jouer les Cassandre, mais il faudra que l’apothicaire ghanéen sorte de son vase une potion magique à même de produire les effets escomptés.

Ira-t-il jusqu’à prescrire un traitement radical comme ne l’exclut pas Jean-Pierre Fabre qui a déclaré : « Il faut reconnaître la cause [NDLR : de la crise] avant de lui administrer le remède à même de garantir sa guérison, fût-ce un remède de cheval » ?

 

Alain Saint Robespierre

Dernière modification lemardi, 20 février 2018 21:44

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