Menu

Réajustement des prix des produits du tabac : A qui profite le clair-obscur ?

La guerre du tabac aura-t-elle lieu ? C’est la question qu’on ne peut s’empêcher de se poser, eu égard à la querelle de tranchées qui a cours depuis quelque temps entre les différents acteurs de ce secteur suite au réajustement des prix intervenu récemment. Suite à l’écrit de L. Marie Romuald Ouédraogo qui dénonçait dans notre livraison de lundi dernier « la grave entrave à la loi portant organisation de la concurrence au Burkina Faso », nous avons reçu ce papier d’«un ancien fumeur reconverti en militant antitabac », qui se demande à qui profite ce qu’il qualifie de clair-obscur.

 

Augmenter la taxe sur le tabac afin de lutter contre le tabagisme, en particulier dans le milieu des jeunes, très exposé au phénomène, et d’améliorer, par la même occasion, la recette fiscale du gouvernement burkinabè ; ce sont les deux principaux objectifs que vise la réforme de la fiscalité sur le tabac et les cigarettes.

Loin de surgir ex nihilo, cette initiative entre dans l’arsenal de la lutte antitabac portée par la convention cadre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Mais il faut dire qu’elle est surtout l’aboutissement de la volonté de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et du Fonds monétaire international (FMI) d’harmoniser les législations des Etats membres en matière de taxe sur le tabac.

C’est donc en toute logique que le Burkina Faso, à cheval sur le respect des normes internationales, a revu à la hausse la fiscalité sur les tabacs et cigarettes à la faveur de la révision du Code des impôts en décembre 2017. Pour permettre l’application efficiente de ces dispositions au « Pays des hommes intègres », le ministère du Commerce et de l’Industrie et celui de l’Economie et des Finances, dans un arrêté conjoint, ont procédé à une classification du tabac en trois catégories :

1-   cigarette bas de gamme

2-   cigarette gamme standard

3-   cigarette gamme de luxe

Pour aller au bout de leur logique, les départements ci-dessus cités ont fait correspondre à chaque catégorie des prix de vente homologués, et institué un prix minimum de 600 francs CFA le paquet de 20 cigarettes. Il faut noter que l’arrêté du 15 janvier 2018 s’appuie, du reste, sur l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi n°058-2017/AN portant Code général des impôts, code qui porte désormais la taxe sur les produits du tabac au taux unique de 45%.

C’est en toute responsabilité que la Direction générale du contrôle économique et de la répression des fraudes (DGCERF) a instruit les fabricants et importateurs de se soumettre à ce nouveau taux d’imposition qui induit la hausse des prix de vente au détail des produits du tabac de même qu’à la nouvelle réglementation en la matière.

Et comme l’adage conseille de «battre le fer pendant qu’il est chaud», la DGCERF, dans une note du mois de janvier 2018, a invité les fabricants et importateurs de tabac sur le territoire national à transmettre, délai de rigueur, le 30 janvier 2018 les dossiers de réajustement des prix de toutes les marques sans exception, de cigarettes, cigares et cigarillos. «J’attache du prix au respect de la nouvelle législation sur les produits du tabac et les dispositions réglementaires qui en découlent.»

Plus qu’un vœu, cette injonction marquait sans détour la volonté de l’autorité de faire respecter les nouvelles normes, pour non seulement rester dans les sillons de la lutte contre le tabagisme, mais aussi renflouer les caisses de l’Etat burkinabè, qui est confronté à bien des challenges. Raison pour laquelle des responsables et militants d’associations de lutte antitabac  se disent choqués par la lenteur, voire l’inaction, des ministères à faire appliquer les nouvelles directives.

Que se passe-t-il au niveau de l’autorité dont le clair-obscur qu’elle entretient permet à des importateurs de passer outre les nouvelles normes ? L’autorité a-t-elle reçu à date indiquée les dossiers de réajustement des prix des fabricants et importateurs ?

La grogne pourrait bientôt monter du sein des associations, qui voient en cette attitude du ministère du Commerce et de l’Industrie un retard dans le traitement du dossier du réajustement des prix des produits du tabac qui pourrait ressembler à de la complaisance. En tout état de cause, les industriels et les importateurs de tabac doivent comprendre que le Burkina Faso s’est doté d’un système de catégorisation qui permet de rehausser les prix des cigarettes et cigarillos afin de les rendre inaccessibles aux populations en général, en particulier à la frange vulnérable qu’est la jeunesse.

 

Par Joseph Emmanuel Lalsaga,

ancien fumeur reconverti en militant antitabac

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut