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Procès du putsch manqué : Prières et jeûne chez les Guelwaré

Parmi les 84 personnes qui seront demain à la barre à l’ouverture du procès sur le putsch manqué de septembre 2015, il y a les accusés VIP comme les deux généraux et les autres, dont les visages et les noms sont souvent inconnus des Burkinabè. Minata Guelwaré, une militante du CDP, actuellement détenue à la MACA, fait certainement partie de cette seconde catégorie. A quelques jours du début des audiences, ses sœurs, que nous avons rencontrées le mercredi 21 février 2018, vivent dans l’angoisse et se tournent vers Dieu.

 

 

La fratrie Guelwaré, c’est deux frères et trois sœurs, dont Minata, qui ont vu le jour en Côte d’Ivoire, pays où se trouve toujours le noyau familial. Assétou, la benjamine, vit aujourd’hui à Kamboinssin, à la périphérie de Ouagadougou, avec son époux. La famille a emménagé dans le quartier il y a à peine cinq mois, dans une villa encore inachevée. En cet après-midi du 21 février 2018, ses enfants jouent au milieu du salon, recouvert de papier peint, où elle nous a installés. « Minata n’a pas mangé à cause de vous », nous lance la maîtresse des lieux, un sourire malicieux au coin des lèvres. Un reproche ? Pas vraiment. Comme tous les jours, cette ménagère qui dispose d’une autorisation de visite permanente se rend à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) pour apporter nourriture et réconfort à sa grande sœur, qui y est écrouée depuis le 13 octobre 2017 pour son implication présumée dans le coup d’Etat raté du général Gilbert Diendéré. Aujourd’hui, à cause du rendez-vous pris avec les journalistes, elle n’a pu apporter les victuailles quotidiennes à sa sœur. Mais Minata ne devrait pas pour autant crier famine dans sa cellule, s’empresse-t-elle d’assurer. Derrière les barreaux, les détenues se sont en effet organisées par groupes pour assurer une cuisine interne.

Quelques instants après le début de nos échanges, Assétou Guelwaré est rejointe par sa frangine Awa. Malgré son physique menu, cette employée de boulangerie est l’aînée des sœurs. C’est elle qui, en l’absence de ses frères, est habilitée à parler au nom de la famille de cette affaire où l’un des leurs est cité. C’est d’ailleurs elle que les gendarmes ont interrogée lorsqu’ils enquêtaient sur l’implication présumée de Minata. Comme elle l’a dit aux pandores, Awa répète que, même pour ses sœurs, Minata Guelwaré est un mystère. « Elle vivait seule à la Patte-d’oie. Chacun était de son côté. Quand on se voyait, on ne parlait que de choses basiques ». Jamais, raconte sa « grando », la présumée complice du coup d’Etat n’évoquait ses activités ni ses fréquentations. Elle ne sait d’ailleurs pas de quoi vivait sa « sœurette », dont la seule activité connue était son engagement au sein du CDP. Leurs relations étaient si distendues que ses sœurs ne se sont pas inquiétées outre mesure lorsque, après les événements de septembre 2015, Minata était devenue injoignable sur ses numéros téléphoniques. Assétou et Awa assurent aujourd’hui l’ignorer, mais leur sœur avait en réalité trouvé refuge en Côte d’Ivoire et un mandat d’arrêt international était émis contre elle. Elles ne sauront rien non plus de ses fréquents retours au pays pendant cet exil ivoirien.

 

Œcuménisme familial

 

Ses démêlés avec la justice ne seront connus de sa famille qu’après son arrestation, alors qu’elle était de retour d’un voyage, et son incarcération à la MACA. Sa grande sœur se souvient avoir été choquée par cette nouvelle : «Ça m’a rendue malade, j’étais perdue ». Comme tous les parents, les Guelwaré veulent croire en l’innocence de leur sœur.

Cette épreuve judiciaire a permis d’unifier la famille. Tout est fait pour que l’incarcérée ne se sente jamais seule avec les visites quotidiennes d’Assétou. Awa, quant à elle, se  rend à la MACA deux fois par semaine, et jamais la prisonnière n’évoque « l’affaire  du putsch». « Souvent, on sent qu’elle veut pleurer, mais elle se retient de le faire devant nous. Nous aussi on essaie de ne pas montrer notre tristesse. On n’a pas le choix, on est obligé de se soutenir », confie Awa, au bord des larmes.

Autant dire qu’avec l’imminence du début du procès, le cœur des deux femmes bat la chamade : « On a peur, on ne sait pas ce qui va se passer ; comme c’est un truc politique et qu’on n’a jamais fait de politique».

Celle qui va comparaître bientôt garde le moral haut. Protestante pratiquante, Minata Guelwaré s’est plongée dans la prière et le jeûne en entendant son procès. Dans cet œcuménisme familial qui a cours, comme un peu partout au Burkina, Awa et Assétou, musulmanes quant à elles, se privent aussi de nourriture et ne manquent pas de réciter quelques sourates pour que leur sœur s’en tire à bon compte. Elles seront à ses côtés tout au long du jugement qui s’annonce marathon. Assétou assure qu’elle s’y rendra tous les jours et sa grande sœur, quand son temps le lui permettra.

 

Hugues Richard Sama

Assiata Savadogo

 

 

Une pyromane ?

 

On sait finalement très peu de choses de cette militante du CDP. Depuis qu’elle a abandonné ses études en classe de terminale en 2013, on ne lui connaissait aucune activité à part son engagement politique. Elle s’illustrait au sein du mouvement associatif de l’ex-parti au pouvoir. Fervent  défenseur de l’inclusion alors que le débat sur l’exclusion de certains membres de l’ancienne majorité présidentielle faisait rage pendant la Transition, elle déclarait notamment au cours d’une conférence de presse le 21 août 2015 : «Tout le monde doit aller aux élections et laisser le soin au peuple de sanctionner.» Cette exclusion, traduite par le vote de la  loi dite Chérrif, a été l’un des arguments avancés par les apprentis- putschistes pour justifier leur pronunciamiento. Quel rôle Minata Guelwaré a-t-elle joué dans ces événements de septembre 2015 ? La justice lui reproche d’avoir soutenu le coup d’Etat à travers des communiqués radiophoniques ; plus grave encore, cette  célibataire de 36 ans mère d’un garçon de 14 ans se serait jointe à l’expédition incendiaire du RSP sur Zorgho pour réduire en cendres la radio Laafi, soupçonnée alors d’abriter la « radio de la résistance ». Et elle n’aurait pas fait qu’assister à la scène, selon les juges : ce serait elle qui aurait allumé le feu.  

 

H.R.S.

A.S.

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