Menu

« Sécurité islamique » de Pouytenga« Les forces de l’ordre sont au courant »(Saydou Sana, président de l’association Nachroul islam)

La création d’une « sécurité islamique » à Pouytenga fait le buzz en ce moment sur la toile burkinabè. D’aucuns s’inquiètent que ces jeunes en tenue, béret vissé sur la tête, soient ou deviennent rapidement les membres d’une milice religieuse de la trempe de Boko Haram. Celui qu’on présente comme le père de cette initiative qui suscite de vives réactions en réfute pourtant la paternité. Saydou Sana, président de l’association Nachroul islam, puisque c’est de lui qu’il s’agit, explique que cette organisation est née de la volonté des jeunes du mouvement sunnite désireux de garantir la sécurité des engins lors des prêches et des prières de vendredi. La police et la gendarmerie étaient par ailleurs informées de leurs activités, a-t-il assuré. Il répond à la polémique dans cet entretien qu’il nous a accordé hier dans l’après-midi.

L’interview ayant été réalisée au téléphone, et traduite du mooré au français, la Rédaction s’excuse d’avance auprès des lecteurs et de l’intéressé pour les imperfections et erreurs d’interprétation liées à la traduction.

 

 

Pouvez-vous nous présenter l’Association islamique Nachroul islam de Pouytenga (AINP), que vous dirigez ?

 

Nachroul islam est une association qui existe depuis 2007 (Ndlr : elle a obtenu son récépissé en 2012). Notre objectif est de promouvoir l’islam et ses enseignements à travers des prêches.

 

Combien de membres comptez-vous ?

 

Il y a beaucoup d’adhérents, je ne peux pas donner de chiffre.

 

Depuis quelques jours, on a appris la création d’une « Sécurité islamique » qui serait une émanation de votre association. Qu’en est-il exactement ?

 

Cette structure dont vous parlez n’est pas le fruit de l’association Nachroul islam. Elle a été créée par le mouvement sunnite de Pouytenga et travaille pour tout le monde dès lors qu’un événement organisé est en lien avec l’islam. Elle apporte son aide aussi bien lors des activités du mouvement sunnite, de la communauté musulmane que de petites associations comme la nôtre.

 

Vous n’êtes donc pas le créateur de ce groupe ?

 

Comme je l’ai dit, ce sont des jeunes qui ont pris l’initiative de sa création. Certains parmi eux sont membres de l’association mais beaucoup ne le sont pas. Mais il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’une association formelle, c’est juste une forme d’organisation. Souvent, lors des prêches ou  même de la prière de vendredi, il n’y a personne pour garder les engins des fidèles. C’est pourquoi les jeunes ont décidé de désigner parmi eux des gens pour ranger les motos et veiller sur celles-ci. Ces mêmes jeunes s’organisent également pour nettoyer les mosquées  lorsqu’elles sont sales. Tout cela se faisait déjà il y a près de 10 ans, seulement l’activité  a pris de l’ampleur au fil des années.

 

On vous présente pourtant comme celui qui est le chef de ces jeunes !

 

Je suis à la tête de l’association Nachroul islam mais pas de la sécurité islamique. Le chef de la sécurité, c’est Ousséni Bagaya.

 

Si la Sécurité existe depuis 10 ans, pourquoi avoir décidé maintenant de vous doter de tenues de type militaire ?

 

Avant, les jeunes portaient des gilets fluorescents. Mais cette tenue était accessible à tout le monde, si bien que des gens payaient ce type de vêtement pour se joindre au groupe et lui prêter main-forte. Mais quand un travail est organisé, on ne peut pas fonctionner comme ça. Certes, parmi ceux qui s’infiltrent, il y a des gens aux bonnes intentions, mais des personnes malveillantes peuvent également se confondre aux autres. C’est cette situation qui a fait dire qu’il fallait trouver une tenue.

Il s’est trouvé justement que le 11 novembre 2017, on avait un prêche. Ce jour-là, la Sécurité de Cinkansé est venue aider la nôtre. Ses membres étaient vêtus de tenues comme celles que nous avons aujourd’hui. On a échangé avec eux  pour savoir comment ils avaient procédé. Ils nous ont signifié qu’ils en ont préalablement informé  la police et la gendarmerie et que les forces de l’ordre ont accepté qu’ils confectionnent leur tenue. Nos éléments de Sécurité aussi sont donc allés à la mairie, au commissariat et à la gendarmerie en emportant avec eux la tenue des gens de Cinkansé. Nos autorités n’y ayant pas vu d’inconvénient, on a fait confectionner nos tenues.

Si la polémique est née, c’est parce que le 19 mars dernier, on avait un prêche. On est allé montrer notre tenue à la gendarmerie avant de la porter. Les photos que les gens ont vues sur les réseaux sociaux ont été prises ce jour-là à la préfecture. Quand les jeunes portaient la tenue, le préfet était juste à côté. Chaque fois, nos prêches ont lieu à la préfecture, pas ailleurs. Certains ont même pensé, à la vue des images, qu’on était dans un camp d’entraînement. Ce n’est pas le cas. C’est sur le lieu de travail que vous portez la tenue, quand vous finissez ce que vous avez à faire, vous l’enlevez  et la rangez.

 

Avec la situation sécuritaire actuelle, n’avez-vous pas craint, en vous dotant d’une tenue, que les gens fassent un amalgame ?

 

Si c’était une initiative nouvelle, j’aurais peut-être compris cet amalgame. Mais ce n’est pas le cas. La sécurité a toujours existé. Si c’est la tenue, les gens de Cinkansé ont aussi la leur ; vers Fada,  certains groupes ont leur tenue également. Ce n’est donc pas quelque chose de nouveau au Burkina.

 

Il semble que les membres de cette Sécurité islamique sont soumis à des entraînements réguliers ?

 

Rires. On n’a pas d’entraînements. Ce qu’il y a, c’est qu’on a une école medersa où on va souvent courir. On fait des exercices, juste pour le maintien de la forme. Si quelqu’un doit rester debout pendant des heures comme lors des grands prêches, il lui faut être en condition physique optimale. Ces membres se regroupent et partent courir. On a même signalé cela à la gendarmerie.

 

 

La « Sécurité islamique » est-elle armée pour mener sa mission?

 

Rires. Même des morceaux de bois, on n’en a  pas. Ce n’est pas un travail encore organisé, c’est juste la tenue qu’on a portée. Comme je vous l’avais dit, il était difficile de s’organiser avec les gilets, voilà pourquoi on  s’est inspiré du cas de Cinkansé. Si on avait de mauvaises intentions, on n’allait pas mettre des images sur Facebook. Quand tu veux cacher quelque chose, tu ne le publies pas sur les réseaux sociaux.

 

Sont-ils rémunérés pour leur activité ?

 

C’est eux-mêmes qui  se cotisent. Ce ne sont pas des désœuvrés, ce sont des commerçants. Et c’est lorsqu’il y a un prêche qu’ils se rencontrent. Même les prêches, c’est surtout eux qui  financent,  les habits qu’on a cousus, ce sont eux qui se sont cotisés pour les confectionner.

 

Votre « Sécurité islamique » ne s’apparente-t-elle pas aux groupes d’autodéfense Koglwéogo qui, eux aussi, sont mal accueillis par beaucoup de Burkinabè ?

 

Nous et les koglwéogo, ce n’est absolument pas la même chose. Les koglwéogo sont partout alors que nous, on travaille au niveau des mosquées et sur les lieux de prêche. On se limite à ces cadres. Quand on est allé à la gendarmerie, ils nous ont donné un numéro sur lequel on peut appeler si on repère un individu suspect autour des mosquées.  C’est un travail connu, nous n’avons rien à cacher. Les gendarmes ont même pris des photos des tenues pour les montrer à leurs collègues afin que, quand ceux-ci nous voient, ils nous reconnaissent.

 

Mais est-ce que depuis la polémique vous avez été interpellés par les autorités, notamment les forces de l’ordre ?

 

A Pouytenga, comme les gens connaissent le bien-fondé de notre initiative, on n’a encore rien entendu dans ce sens. Ce sont nos parents qui nous rapportent la polémique. Je suis analphabète, je n’utilise pas Facebook. C’est  à Ouagadougou seulement qu’il  y a la polémique. Cette initiative, comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas quelque chose de nouveau ici, à Pouytenga.

 

Le Burkina subit, depuis  quelques  années, des attaques terroristes d’individus affirmant agir au nom de l’islam. Qu’en dites-vous ?

 

Au Burkina, le mouvement sunnite a été le premier à avoir organisé un grand prêche pour parler de la question du terrorisme ; notre association a été la suivante. Nous avons parlé aux musulmans et montré aux jeunes que le terrorisme n’était pas une bonne chose et cela, depuis deux ans. Avant ça, je n’ai pas connaissance de prêches qui ont autant évoqué la question du terrorisme que les nôtres.

 

Interview réalisée par

Hugues Richard Sama

 

Encadré

Des bérets made in Nigeria

 

Comme vous venez de le lire dans cette interview, Saydou Sana nie la paternité et le leadership de la « Sécurité islamique ». Selon lui, le groupe aurait été formé par des jeunes du mouvement sunnite et Ousséni Bagaya en serait le leader. Ce dernier, que nous avons joint au téléphone, avait dans un premier temps assuré que c’était plutôt Saydou Sana qui en était le géniteur, avant de se raviser deux heures plus tard. Il explique qu’il s’agissait d’une incompréhension. Lui aussi affirme que la « Sécurité islamique » a été créée par le mouvement sunnite. Il précise être à la tête d’un groupe qui compte environ 80 personnes. A ses dires, les tenues ont été confectionnées au Burkina, et les bérets importés du Nigeria. Il disait ne pas savoir, pour autant, le coût de  cette nouvelle garde-robe.

 

H.R.S.

Commentaires   

0 #5 LoiseauDeMinerve 27-03-2018 08:13
Je conviens avec mes censeurs que le Burkina Faso est un pays, un océan béni. En effet, par la censure rigide, la bonhommie des uns et des autres, le saint LEVIATHAN a décidé d'élire domicile chez nous. Une de ses tête s'est révélée à Cinkansé, une autre à Pouytenga, et certainement par la grâce d'un certain dieu, la pieuvre envahira tout le Faso pour le bonheur des censeurs et des gentils bonhommes. Vive le Léviathan ! vive le Léviathan ! puisque vous êtes allergiques à ce que l'on s'oppose à ce paisible et gentils monstre
Citer
0 #4 Neilson 26-03-2018 13:10
Savent ils combien de gestionnaires de parkings Ouaga dispose? et pourtant aucun parkeur ne porte un uniforme. Que cette association demande au ministère un récépissé pour créer un parking un point barre. Lors des prêches à Ouaga , Bobo où à Ramatoulaye,
savent ils le nombre de fidèles qui y participent? et comment la sécurité des engins est assurée et par qui? .on, ça c'est quelqu'un qui a flairé un bon deal pour se faire des sous cadeau sur le dos des musulmans.
Citer
0 #3 Kôrô Yamyélé 26-03-2018 12:56
- Il faut mâter et disperser ces comédiens ! Il faut les interdire. Ils n'ont pas leur place à partir du moment où il y a la police et la gendarmerie á Pouytenga. Ce sont des faux-tyes en manque d'initiatives qui copie des choses ailleurs et viennent coller ici san réfléchir. Il existait un ''sécurité'' de ce genre dana la ville sainte de Touba au Sénégal, mais il n'y avait ni gendarmerie, ni police là-bas en sont temps et dès que ces institutions sont venues, cette fameuse police a disparu. A moins qu'un illuminé du type de managalila de Bani veuille bien ruser avec les gens pour transformer Pouytenga en ville sainte. Soyons vigilents !

Par Kôrô Yamyélé
Citer
0 #2 MEO 26-03-2018 12:12
Donc les jeunes ont cotisé pour payer les tenues mais même leur chef ne sait pas combien ces tenues ont coûté :-) Ils nous prennent pour des c...
Citer
0 #1 St Antoine 26-03-2018 09:46
A t-on besoin de porter une tenue avec un béret (tout ce accoutrement) pour assurer son service de sécurité dans une mosquée.ça commence toujours ainsi et après ça devient autre chose d'ici là qu'ils n'instaurent la charia dans cette zone et bonjour les dégats.Il faut que le ministre de la sécurité prenne rapidement ses responsabilités vis à vis de cette organisation.
Citer

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut