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Les deux faces de Winnie

La longue maladie aura finalement eu raison d’elle. L’ex-épouse de Nelson Mandela, Winnie Madikizela Mandela, est décédée le lundi 2 avril 2018 à l’âge de 81 ans.

 

Celle qui n’a jamais connu la paix depuis qu’elle s’est engagée très jeune dans la lutte contre l’apartheid est donc « partie en paix », comme l’a indiqué son porte-parole, Victor Dlamini. Celle que les Sud-Africains appelaient affectueusement « la mère de la nation » quitte définitivement les siens comme une héroïne maudite de la divinité grecque : honnie.

Première assistante sociale noire d’Afrique du Sud en 1955 après des études universitaires, elle épouse Nelson Mandela en 1958. De cette union, qui a duré 38 ans, sont nées deux filles. Mais de famille le couple n’en connaîtra pas. Après l’arrestation de son époux en 1962, l’assistante sociale abandonne l’hôpital de Soweto pour se lancer activement dans la lutte contre le régime raciste blanc.

Malgré les pressions de toutes sortes et la prison, elle n’abandonnera pas son combat contre la politique ségrégationniste et deviendra une cible privilégiée de la police de l’époque. Mais plus ça chauffe autour de Winnie, plus elle se radicalise. Au point que certaines de ses prises de position finissent par inquiéter le Congrès national africain (l’ANC).

Ainsi de son slogan « un Boer, une balle » ou de son discours du 13 avril 1985 à Munsieville où elle fait l’apologie du supplice du pneu enflammé autour du cou des « traîtres noirs ». «Avec nos boîtes d'allumettes et nos pneus enflammés, nous libérerons ce pays », avait-elle alors déclaré. La chrysalide s’est métamorphosée en papillon venimeux, s’il en est.

L’affaire Moketsi, du nom de l’adolescent de 14 ans enlevé par son garde du corps puis retrouvé mort, achève de ternir l’image de la pasionaria de la lutte contre l’apartheid. En 1991, elle est reconnue coupable de complicité dans l’enlèvement du jeune activiste de l’ANC soupçonné d’être un agent du régime blanc.

En 2003, la justice sud-africaine retient contre elle 43 accusations de fraude et 25 autres de vol.

En 1992, Mandela annonce sa séparation d’avec Winnie et le divorce est prononcé en 1996. Un climat d’animosité empreint dès lors les relations entre les deux. Elle fustige publiquement les positions de son ex-époux, qu’elle considère comme un traître à la cause des Noirs.

Malgré sa descente aux enfers et les nombreuses critiques dont elle était l’objet, « la résistante » est restée populaire auprès de nombreux Sud-Africains qui accusent Mandela d’ingratitude envers celle qui, malgré plusieurs décennies d’engagement politique aux côtés du futur premier président noir du pays, n’a pas eu l’honneur d’être première Dame.

Aussi, ce fut avec stupéfaction qu’ils apprirent que l’emblématique dirigeant de l’ANC n’a rien légué à son ex-épouse. Celle qui aura eu une vie controversée s’en est allée au moment où son pays et son parti, l’ANC, sont à la croisée des chemins. 

Alain Saint Robespierre

Dernière modification lemardi, 03 avril 2018 21:57

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