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Affaire ports de Conakry et de Lomé: Bolloré commence à boire la tasse

 

A l’issue de la garde à vue de l’homme d’affaires français Vincent Bolloré, trois scénarios se profilaient : les magistrats pouvaient le laisser sortir libre de leur bureau ; le considérer comme un témoin assisté ; ou alors le mettre en examen. C’est cette dernière option qui a finalement été retenue ce mercredi, les juges Serge Tournaire et Aude Buresi ayant estimé que des indices graves et concordants prouvent son implication dans des faits de « corruption d’agents publics étrangers ». L’industriel français patron du groupe Bolloré Africa Logistics est soupçonné d’avoir usé de ses activités de conseil en communication, à travers sa filiale Havas, pour l’obtention de la concession des ports de Conakry en Guinée et de Lomé au Togo. Hier encore, nous nous demandions si l’on verrait le nom de l’illustre breton s’afficher en bonne place au tableau de chasse de la justice hexagonale. On en est encore très loin puisqu’à ce stade de l’instruction et même s’il a été mis en examen, Vincent Bolloré est présumé innocent. D’ailleurs le groupe,  qui fait front derrière son P-DG, se défend de toute velléité de trafic d’influence, assurant que le lien qui tente d’être fait entre l’obtention des fameuses concessions portuaires et les opérations de communication est dénué de tout fondement économique et relève d’une méconnaissance lourde de ce secteur industriel. Un argument qui n’a pas réussi à convaincre les deux magistrats instructeurs.

L’étau se resserre donc sur le grand patron, qui commence à boire la tasse. Mais vu d’Afrique d'où le fleuron du CAC 40 tire près de 80% de son chiffre d’affaires, au-delà de cette mise en examen, on retiendra la leçon d’indépendance que vient d’administrer la justice en mettant le grappin sur l’une des plus grosses fortunes de France soupçonnée de corruption. Sous nos cieux africains, où de grosses pointures du milieu économique ou politique rusent avec les lois au vu et au su de tous, oser les interpeller relèverait du suicide pour « l’impertinent petit juge » qui s’y hasarderait.

Et maintenant que le P-DG de Bolloré Africa Logistics a été mis en examen pour avoir bénéficié illégalement de la concession des ports de Lomé et de Conakry, on pourrait s’attendre à ce que ses interlocuteurs africains, notamment Alpha Condé et Faure Gnassingbé, soient au moins entendus à défaut d’être considérés comme complices. Mais ce n’est pas demain la veille qu’ils le seront car en tant que chefs d’Etat en exercice, tous deux bénéficient de l’immunité de juridiction, qui les met à l’abri de toute poursuite judiciaire en France dans le cadre de cette affaire. Et on n’ose pas imaginer qu’après leurs mandats respectifs ils puissent être inquiétés de quelque manière que ce soit.

L’instruction suivra donc son cours au parquet de Nanterre et on se demande jusqu’où elle pourra encore mener les juges, d’autant plus qu’on sait qu’au-delà du business des ports, Bolloré détient des intérêts dans d’autres pays du continent. Cette mise en examen pourrait donc être le début d’un grand scandale franco-africain.

 

H. Marie Ouédraogo

Dernière modification lejeudi, 26 avril 2018 21:25

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