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Eddie président du CDP : Le parti échappe-t-il à Blaise Compaoré ?

Eddie Komboïgo, 39 voix contre 33 à son challenger, Boureima Badini. Les 72 membres du Bureau exécutif national du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), transformé à l’occasion de ce 7e congrès en collège électoral, ont donc tranché pour la continuité à la présidence du parti. L’expert-comptable a damé le pion, de peu, au magistrat, précédemment représentant spécial du facilitateur, Blaise Compaoré, dans la crise ivoirienne.

 

 Dans cette élection, une première au CDP, c’est le candidat le plus décidé, à la limite de la témérité, qui l’a emporté devant un adversaire que des observateurs internes au CDP ont décrit comme à la fois timoré et hésitant , à l’image d’un parachuté qui maîtrise mal sa descente. Boureima Badini a-t-il  été une erreur de casting des partisans de l’ « initiative Kadré Désiré Ouédraogo » et, au-delà, de Blaise Compaoré, pour occuper la présidence de l’ancien parti majoritaire ? On se pose légitimement la question quand on sait qu’il a fallu l’insistance de certains candidats qui avaient désisté en sa faveur pour que Badini fasse acte de candidature. L’inflation de candidatures qui a vu le nombre de prétendants  passer, en trois semaines, de trois à dix- neuf, avait-elle refroidi les ardeurs de celui qui passait  pour le filleul du père fondateur du CDP dans cette course à sa présidence ? Ou est-ce les allures d’un poker menteur de cette élection, où de vrais-faux candidats avaient beau jeu de se désister à la dernière minute en faveur des deux finalistes, qui ont  donné le tournis à Boureima Badini ? Quoiqu’il en soit, autre temps autres mœurs. La victoire, même étriquée, d’Eddie Komboïgo est  une preuve qu’il ne suffit plus que Blaise Compaoré claque du doigt pour que les cadres du parti qu’il a porté sur les fonts baptismaux lui obéissent. Depuis l’insurrection populaire et le coup d’Etat avorté de septembre 2015, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la politique au Burkina et, bien que certains cadres du CDP fassent des pèlerinages intéressés auprès du Président fondateur du parti, il ya comme un sentiment de loin des yeux loin du cœur qui s’installe petit à petit chez beaucoup d’autres. Sinon, le candidat choisi par le parrain des parrains aurait été adoubé par les congressistes sans vote nonobstant  les grincements de dents des autres prétendants. C’est pourquoi, a priori, cette élection serrée du président du CDP est le signe d’un temps nouveau. Celui d’une démocratie interne qui y prend ses quartiers même malgré la main feuillue du dieu Mammon qui, à ce que disent les perdants, aurait arrosé certains grands électeurs du vainqueur. Des problèmes conjoncturels d’intendance auraient donc  oblitéré leur conscience militante, réduisant  l’enjeu de la désignation du président du parti à qu’est-ce que je gagne, ici et maintenant, en espèces sonnantes et trébuchantes ou en strapontin dans les nouvelles instances du parti.

Dans cette invocation de Mammon, il aurait donc manqué des bénédictions au perdant. Chose surprenante qui  pourrait s’expliquer par le fait soit que  Blaise Compaoré n’a pas délié les cordons de la bourse soit qu’il a eu à faire à des intermédiaires peu probes. En tout cas, s’il est vrai que Boureima Badini aurait perdu par manque de moyens, et qu’au contraire Eddie Komboïgo aurait gagné par l’achat des consciences, cela relativise la belle leçon de démocratie que l’ancien parti majoritaire aurait pu donner à tous les états-majors des partis politiques burkinabè. C’est connu, d’un congrès à l’autre, les chefs de partis en imposent aux cadres, se faisant plébisciter à la direction dans un mode de désignation où le centralisme l’emporte sur la démocratie. Le parti et sa direction deviennent ainsi leur chasse-gardée dans une atmosphère de secte où il faut obéir au gourou, se taire ou aller voir ailleurs. Plus de démocratie  dans nos partis politiques aurait l’effet d’y limiter les frustrations, source de manque de motivation des militants, voire de scissions. Bravo donc au CDP pour avoir choisi de désigner son président par mode électif. Quelques soient les insuffisances qui auraient entaché cette première, on croise les doigts dans  l’espoir de voir l’initiative prospérer dans d’autres partis. La démocratie y gagne.

En attendant, les jours à venir nous diront si, à défaut du consensus, le mode électif qui s’est imposé pour choisir le président de l’ex-parti majoritaire va lui éviter l’implosion annoncée et si l’ « initiative Kadré Désiré Ouédraogo » a encore des chances de prospérer. Pour sûr, les perdants, quelque peu groggy par leur défaite, pourraient basculer dans l’immobilisme voire la démission du CDP. On parle déjà d’un parti en gestation porté par l’ancien Secrétaire à la trésorerie, Théodore Zambendé Sawadogo, mais pour l’instant, nous sommes loin d’un CDP qui implose en mille morceaux. Il appartient désormais  à son ancien-nouveau président de faire montre d’un génie managérial pour ne pas se comporter en chef de clan. Si le CDP échappe peu à peu à Blaise Compaoré, Eddie Komboïgo n’en contrôle pas non plus l’entièreté de l’appareil ; pas encore. Pour bien d’analystes, sa victoire à l’arracher indique qu’il reste le « Bon petit » du couple Diendéré qui, au congrès sans lustres de 2015, lui avait offert sur un plateau d’or la présidence du parti en l’absence d’un véritable challenger. Aujourd’hui le général Gilbert Diendéré se cherche dans les ennuis judiciaires qu’on lui connaît. Son épouse, en exil, est loin de revenir au Burkina. Alors si Eddie Komboïgo veut voir réaliser  son ambition présidentielle, il  devrait adopter  une prudence de caméléon : ne rien brusquer, avancer prudemment, savoir équilibrer les tendances et respecter les équilibres régionaux qui ont permis au parti de l’épi et de la daba d’avoir une bonne implantation sur le territoire national.

Quant à Blaise Compaoré, voir un candidat qu’il n’a pas cornaqué à la tête du CDP, c’est un camouflet. Ses tentatives, si tant est qu’elles existent, d’influencer encore le jeu politique national en prend un coup. Le rôle de président d’honneur à vie que les congressistes lui ont aménagé est un gadget symptomatique du chant de cygne pour le stratège-métronome de l’échiquier politique national qu’il a été. Mais sait-on jamais ?

La Rédaction

Dernière modification lemardi, 08 mai 2018 00:05

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