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Procès putsch manqué : A nouveaux déports, nouveau report

 

Pour cause de déport d’avocats de la défense  le procès du putsch manqué avait été renvoyé au cours de l’audience du 6 avril au 9 mai 2018. Un temps nécessaire pour que des accusés puissent bénéficier des conseils d’avocats commis d’office par le bâtonnier. Ces derniers se sont présentés ce mercredi à l’audience mais ont demandé un délai de 3 semaines à un mois pour s’imprégner du dossier de 15 000 pages. Une requête acceptée par le tribunal qui a aussitôt renvoyé le procès au 25 mai. Les débats sur les multiples déports, les demandes de liberté provisoire et de voyage ont marqué cette audience qui a duré 5 heures  

 

 

Dès l’entame de l’audience à 9h05mn, le président Seydou Ouédraogo a fait savoir à l’assistance que le 11 avril dernier, le Bâtonnier avait commis d’office six avocats aux  fins d’assister les huit accusés restés sans conseils.  Ces derniers ont reconnu que le temps leur a été insuffisant pour prendre connaissance des dossiers. En effet, il n’est pas aisé de s’imprégner de ce dossier constitué de 15 000 pages selon l’un des commis d’office, Me Arnaud Sanprebre. «Ce n’est jamais chose aisée de prendre un procès  en cours. J’ai été commis le 11 avril, je me suis fait une idée du dossier. Mais un petit temps nous aiderait à mieux défendre nos clients  vu que dans cette affaire certains risquent de lourdes peines », a plaidé Me Idrissa Badini.

 

Abondant dans le même sens, Me Bazémo dit n’avoir reçu l’entier dossier que le 8 mai (veille de la reprise). « Pour un procès équitable, il serait mieux qu’on ait du temps pour mieux nous préparer », a-t-il soutenu. Du côté de la partie civile, aucun avocat n’y a trouvé à redire. C’est ainsi que le président du tribunal a demandé aux conseils de la défense combien de temps il leur faudrait. Une fourchette de 3 semaines à un mois a ainsi été  proposée par les hommes en noir. Si le procureur militaire, Alioune Zanré, n’est pas contre le principe d’un report, il a cependant souligné qu’un délai de deux semaines serait raisonnable.

 

Avant de rendre la décision, le président du tribunal a fait savoir qu’il avait reçu de nouvelles lettres de déport.

 

Elles ont été déposées par la SCPA Somé et Associés et Me Paul Kéré, le 8 mai au greffe du parquet militaire.

 

Il ressort que la SCPA Somé et Associés, pour convenance personnelle, a décidé de ne plus assurer la défense des accusés Sidi Omar, Yaméogo Herman et Diawara Fatoumata Thérèse. Quant à Me Paul Kéré, il a  quitté le navire pour ces mêmes raisons.  

 

Quelles peuvent être les conséquences de ces deux déports ? Il y a 8 accusés qui se retrouvent sans avocats. Il s’agit du Général Diendéré, de Baguian Abdoul Karim dit Lota, de l’Adjudant Ouékouri Kossè, du Sergent-chef Koussoubé, de Roger Joachim Damagma, du Sergent-chef Zerbo Laoko Mohamed, de Guelwaré Minata, de Fatoumata Diendéré et de Traoré Abdoul Karim. Il faut donc commettre à ces derniers de nouveaux conseils, qui vont sans doute demander un certain temps à leur tour, pour prendre connaissance du dossier.

 

Toutes choses qui ont révolté la partie civile qui n’a pas manqué de le faire savoir à la partie adverse. « Les déports semblent faire partie d’une stratégie organisée. On n’entre pas dans un palais comme dans un marché ou un restaurant », a déclaré Me Guy Hervé Kam. En s’appuyant sur l’article 40 du réglement UEMOA régissant la profession d’avocat, la partie civile estime que les déports ne sont pas des faits d’amusement et les lettres de la partie adverse devraient être accompagnées de la preuve que les avocats ont informé leurs clients en temps utile. Et le président du tribunal, visiblement agacé par la situation, de demander aux avocats de la défense qui projettent un éventuel déport de se signaler « hic et nunc ».

 

 

 

« Notre présence ou départ dépendra de la conduite des choses »

 

 

 

Tentant de recadrer le débat, Me Antoinette Ouédraogo a fait comprendre au président du tribunal  que sa  préocupation ne sied pas. A son confrère  

 

Guy Hervé Kam, elle a signifié qu’elle avait participé à la rédaction de l’article 40 du réglement UEMOA régissant la profession d’avocat, cité selon elle mal à propos : « Le texte a été mal lu (faisant référence à la lecture faite par Me Kam de la loi, ndlr). C’est une injure à toute la profession. Nous sommes là parce que nous avons accepté une mission. Nous partirons si nous voulons partir. Nous n’avons de compte à rendre à personne ! Chacun jouera sa partition en fonction de la musique qui sera proposée. Que la partie civile nous épargne de ses analyses tendant à nous diaboliser », s’est-elle offusquée.

 

Allant dans le même sens que sa devancière, Me Dieudonné Bonkoungou,  a ajouté : « Nous marchons avec vous si la marche est aisée sinon, on vous le fera savoir ». Pour lui, il faut que les règles de droit les plus élémentaires soient respectées « Nous voulons que le procès se tienne dans le respect de la loi. Ce n’est pas parce que nos clients sont accusés qu’ils sont dénués de tout droit », a-t-il fait remarquer.

 

Le parquet militaire a, quant à lui, soutenu que c’est l’enlisement du procès qui est recherché par certaines personnes.

 

Après une suspension de plus de 30mn, le juge Seydou Ouédraogo a décidé que le procès serait renvoyé au 25 mai 2018. Les nouveaux conseils dans ce procès, décidément fleuve, ont donc exactement 16 jours pour préparer leurs armes de défense.

 

Le bâtonnier doit profiter également de ce temps pour commettre des avocats à la défense des huit accusés qui en sont dépourvus.

 

 

 

« C’est mon avocat qui m’a induit en erreur »

 

 

 

Après avoir statué sur le report, le tribunal a appelé à la barre, 4 accusés, il s’agit respectivement  de : Abdoul Karim Baguian, Fayçal Nanéma, Abdou Compaoré qui ont des demandes de liberté provisoire et d’Adama Ouédraogo dit Damiss qui a déposé des demandes d’autorisation de sortie.

 

« C’est mon avocat qui m’a induit en erreur », c’est l’explication que l’accusé Abdoul Karim Baguian a donné au Tribunal pour justifier son absence du tribunal le 31 mars dernier, absence qui lui a coûté sa liberté provisoire.  Selon ce dernier, son ex-avocat, Me Paul Kéré, lui avait fait savoir que compte tenu du fait que des avocats de la défense s’étaient déportés la veille, le procès serait suspendu. Du coup, il n’avait pas pris la peine de se rendre au tribunal ce jour-là. Il a dit au président qu’il était de bonne foi et que si on lui accordait de nouveau la liberté provisoire, il n’aurait pas l’intention de se soustraire à la justice, ce d’autant plus qu’il  a fait plusieurs sortie du pays et est toujours revenu se signaler au parquet.

 

L’accusé Faïçal Nanéma justifie son absence à l’audience du samedi 31 mars par la prise d’un médicament contre des maux de dents qui l’aurait fait dormir. 

 

 

 

Damiss ne voyagera pas

 

 

 

Abdou Compaoré, en mission le jour de l’audience, a eu des démêlés avec ses chefs militaires. Il dit avoir informé son supérieur qui n’a pas réuni les conditions nécessaires à sa présence.

 

L’accusé Adama Ouédraogo dit « Damiss », pour sa part, avait demandé une autorisation de sortie du pays (pour rencontrer son médecin français qui séjournait du 14 au 30 mars à Abidjan). Mais il n’a pas eu gain de cause jusqu’à la reprise du procès. Il pointe du doigt le procureur militaire Alioune Zanré qui aurait rejeté une de ses demandes avant de se déclarer incompétent dès qu’il a écrit une lettre ouverte au Président du Faso. Notre confrère a insisté pour savoir pourquoi le parquet avait refusé sa demande alors qu’il était incompétent pour l’examiner.

 

Son avocat, Me Bambara, suggère une autre demande, la dernière en date étant caduque vu que le médecin a quitté Abidjan. Mais Damiss n’a pas réitéré sa demande, promettant se renseigner sur la position du spécialiste.

 

Après des tractations et plus d’une heure de pause, le tribunal a déclaré recevables les demandes d’Abdoul Karim Baguian et de Faïçal Nanéma  mais les a rejetées parce que mal fondées.

 

Quant à la demande de mise en liberté provisoire d’Abdou Compaoré, des informations complémentaires s’avèrent nécessaires. En ce qui concerne Adama Damiss, le tribunal s’est tout simplement déclaré incompétent. Il ne pourra donc pas voyager à moins d’un hypothétique rebondissement. Les avocats ont noté que le parquet outrepasse ses prérogatives notamment dans les actions de prise de corps alors que le procès ayant commencé, seul le président du tribunal détient la police des audiences.

 

C’est sur ces notes que la salle des banquets s’est vidée en attendant le 25 mai 2018.

 

 

 

Abdou Karim Sawadogo

 

J. Benjamine Kaboré

 

Dernière modification lejeudi, 17 mai 2018 15:27

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