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Révolte estudiantine au Sénégal: Un petit air de mai-68

 

Y aurait-il une malédiction du mois de mai au Sénégal ? Il y a de cela 50 ans, en écho à la révolte estudiantine française partie du campus de Nanterre et qui se transformera en véritable secousse sociopolitique sur fond de remise en cause de l’ordre établi, à des milliers de kilomètres de là, Dakar s’était aussi embrasée. Les étudiants de l’université, qui était encore foncièrement française, s’étaient en effet révoltés contre une réforme du baccalauréat associée à des mesures d’austérité qui auraient eu pour conséquence la diminution de la bourse. Déjà !

La réaction du président-poète fut particulièrement brutale. Il décréta l’état d’urgence et mobilisa l’armée qui avait reçu l’ordre de tirer.

Un demi-siècle plus tard, les universités sénégalaises sont de nouveau en ébullition après la mort de Fallou Sène, un étudiant en lettres de 25 ans tué ce mardi à l’université Gaston Berger de Saint-Louis au cours d’une manifestation pour réclamer le versement des bourses.

Il y a 50 ans, c’est un certain Omar Blondin Diop, véritable icone de la contestation estudiantine, qui mourut quelques années plus tard dans la prison de Gorée.

On ne sait pas si, comme c’était le cas en 1968, le pouvoir sénégalais va vaciller à la faveur de cette insurrection des campus, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la colère, elle, est loin d’être retombée : depuis l’épicentre de Saint-Louis, la contestation s’est d’ailleurs étendue à d’autres universités du pays, Bambey, Ziguinchor et aussi et surtout l’université Cheick- Anta-Diop de Dakar (UCAD). C’est une journée aux relents d’intifada que les habitants de la capitale ont vécue hier mercredi tandis qu’aux jets de pierres des manifestants répondaient les lacrymogènes des forces de l’ordre sur un campus dont tous les accès étaient bloqués et où l’on déplorait de nombreux blessés.

Ainsi, ni les appels au calme des autorités ni les condoléances présentées par le président Macky Sall à la famille du défunt ne semblent pouvoir apaiser cette colère, laquelle continue de gronder au sein d’une jeunesse qui dit ne plus rien attendre des autorités et encore moins du premier des Sénégalais qui leur avait promis qu’il n’y aurait plus de retard de  payement des bourses. La tension monte et pourrait très vite dépasser le seul cadre estudiantin, si ce n’est fait.

Déjà, le mouvement «Y en a marre» est entré dans la danse avec d’autres organisations de la société civile pour exiger non seulement la lumière sur ce drame, mais aussi et surtout la justice et qu’au besoin des têtes tombent. Il ne manquerait plus que l’opposition sénégalaise joue sa partition dans ce concert de récriminations. Déjà très remontée contre le pouvoir ces deniers temps à cause des procès à caractère politique intentés notamment contre l’ancien maire socialiste de la capitale, Khalifa Sall, et d’un de ses proches, Barthélemy Dias, elle ne se ferait pas prier pour le faire, et alors c’est à un vrai mai surchauffé comme jadis qu’on aurait droit au pays de la Téranga.

Le président sénégalais aurait donc tort de négliger cette poussée de fièvre qui  pourrait très vite devenir incontrôlable.

 

H. Marie Ouédraogo

Dernière modification lejeudi, 17 mai 2018 21:18

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