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Exposition photos d’Harouna Marané: Sous le hijab, il y a l’éternel féminin

Avec Sous le voile, Harouna Marané expose des photos de femmes voilées prises dans la ville de Ouagadougou. Et il leur donne la parole.  Dans la société actuelle, qui se raidit face aux signes ostentatoires de l’islam, les femmes voilées intriguent, effraient, suscitent des sentiments ambivalents. Cette expo soulève le voile sur ces femmes en noir.

 

 

La femme voilée dérange. Il y a moins d’une décennie, elles étaient une espèce rare dans le paysage burkinabè, puis, ces dernières années, elles ont commencé à se multiplier, à devenir plus nombreuses. Comme les oiseaux du film éponyme de Hitchcock qui envahissent peu à peu la ville, suscitant la panique des habitants. Ces femmes couvertes des pieds à la tête, ces ombres parfois sans visage dérangent.

 Ce voile  met à mal la laïcité  dans l’administration et dans l’école publiques. Ces femmes voilées  effraient à cause  des femmes voilées utilisées comme kamikazes par Boko Haram. Les féministes les considèrent comme des victimes forcées d’enterrer leur féminité dans ces linceuls noirs.

D’ailleurs les pourfendeurs de l’islam les brandissent comme la preuve que cette religion opprime la femme. Pourtant si tous les discours prolifèrent dans l’espace public, celui de l’institution religieuse à travers la voix des imams, celui des institutions républicaines garantes de la laïcité, et celui des féministes, on n’entend pas ces femmes-là. Elles sont objet de discours mais jamais sujets articulant,  énonciateurs de leur propre discours.

Sous le voile les montre et les fait parler. Dans la salle d’expo du Kunstraum 226, un espace alternatif de l’Institut Goeth, côté est de la gendarmerie nationale à Paspanga, à proximité de la pharmacie Trypano, une vingtaine de  photos en noir et blanc donnent à voir ces femmes dans leur vérité. De loin, elles sont des taches sombres ou des tours noires au milieu de la cohue urbaine, de près,  ce sont parfois de jeunes filles, devisant ou manipulant leurs smartphones. Elles sont comme toutes les femmes du monde. En effet, sous le voile intégral apparaît au bout d’un pied pédicuré un haut talon. Elles portent des lunettes tendance, des sacs à la mode, des bijoux de valeur. Certaines sont bien maquillées. D’autres non. Parfois même sur le visage  d’une jeune fille  s’épanouit un sourire aguicheur.

Deux jeunes filles montrent une vraie addiction aux smartphones. Il y a des mères qui accompagnent leur gosse à l’école. A travers la qualité des  voiles, on sent qu’elles sont de toutes les catégories sociales : ménagères, élèves et étudiantes, jeunes cadres. Sous le voile, il y a des femmes et des filles, des jeunes et des vieilles qui vivent, travaillent, aiment, souffrent, pleurent, rient. Des corps non niés mais entretenus. Des splendeurs et des désirs. Soustraits du regard des mâles par le paravent du voile. Elles sont femmes. Trop femmes. Simplement humaines.

Harouna Marané  voulait, à travers cette expo, faire changer le regard sur les femmes voilées. Pour cela, il a donné la parole à trois femmes qui expliquent que le port du voile est une recommandation du Coran. Son échantillon aurait été plus grand qu’il aurait certainement eu des motivations qui ne frayent pas au premier chef avec la religion. Des adolescentes porteraient le voile comme un signe de rébellion ou de transgression comme, il y a vingt ans, les ados fumaient des clopes ou portaient des T-shirt raccourcis aux ciseaux  pour exhiber le nombril. D’autres porteraient ces robes noires comme des par-dessus pour mettre leur coiffure et leurs habits à l’abri de la poussière de Ouagadougou. Arrivées à destination, elles s’en débarrasseraient comme d’une peau de serpent.

Le photographe a opté pour des clichés en noir et blanc, mais son expo montre que le voile ne peut être réduit à une position binaire.  Ni noir ou blanc. Ni pour ou contre. Il est vrai que cette expo ne changera pas le regard sur le voile, mais elle offre à voir et à entendre d’autres images, d’autres paroles sur le voile qui ne s’inscrivent pas dans les images et les paroles habituelles. En photographiant ces femmes voilées comme il photographierait n’importe quelle femme, il les dévoile. Et sous le voile, on découvre… l’Eternel féminin. Ou disons simplement des… femmes pour ne pas vexer les féministes et les Lacaniens.

Cette expo court jusqu’au 21 juin.

 

Saïdou Alcény Barry

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