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Réconciliation au Kenya : Uhuru Kenyatta et Raila Odinga en pompiers VIP

 

Le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, et son farouche opposant, Raila Odinga, qui se serrent longuement dans les bras l’un de l’autre, c’est une scène inattendue que les deux hommes ont donné de voir. C’était hier à Nairobi, à l’occasion de la journée de « la prière nationale ». Organisée chaque année, cette cérémonie est un événement au cours duquel les leaders politiques kenyans sont invités à prier pour la nation.

 

 

Les politiques qui prient pour la nation, c’est assurément une vision originale, tant il est vrai qu’ailleurs, c’est plutôt la nation qui prie pour les politiques afin qu’ils aient la sagesse nécessaire d’assumer leurs charges. Au-delà de cet atypisme, « la prière nationale » kenyane cette année aura créé le buzz d’une classe politique qui fait son mea culpa public. De fait, avait-on à peine écarquillé les yeux pour voir Uhuru Kenyatta et Raila Odinga s’embrasser qu’il fallait ouvrir grandes les oreilles pour entendre leur confession : « Nous avons fait campagne l’un contre l’autre, nous avons dit des choses méchantes l’un envers l’autre et aujourd’hui, je demande pardon et souhaite présenter mes excuses », dixit Uhuru Kenyatta. Et Raila Odinga, d’embrayer : « Plus jamais un Kényan ne mourra à cause d’une élection ».

 

On croit rêver quant on sait que les violences postélectorales de 2017 ont fait près de 100 morts, une mare de larmes comparée à l’océan de sang qui a coulé des 2000 macchabées, 10 ans plus tôt, après l’élection de Mwai Kibaki à la présidence kenyane. Chose qui n’avait pas laissé indifférente, la Cour pénale internationale. A l’époque, un certain Uhuru Kenyatta et un certain Raila Odinga se regardaient en chiens de faïence. Héritiers des luttes claniques que se sont livrés leurs pères géniteurs, Kenyatta et Odinga ont voulu surfer sur les préférences tribales pour se bâtir chacun un destin national. Mal en a pris tout le pays où le reflexe ethnique a pris le pas sur l’unité nationale. Que ces deux leaders veuillent aujourd’hui rectifier le tir, on ne peut que s’en réjouir avec  l’espoir qu’ils ne s’embrassent pas avec des poignards cachés dans les manches !

 

En effet, de la politique et des politiciens, il ne faut jurer de rien. Des volte-faces aux retournements de vestes, que de surprises, les unes plus désagréables que les autres, le sérail d’ici et d’ailleurs ne nous a-t-il  donné de voir ? C’est  pourquoi on applaudit le miracle de la réconciliation entre Uhuru Kenyatta et Raila Odinga, non sans un brin de scepticisme. Entre un président qui veut soigner son image par la recherche de la stabilité pour le pays afin de pouvoir conduire à bien ses chantiers économiques et un opposant qui veut voir aboutir ses revendications, notamment celle d’une réforme structurelle qui limiterait les pouvoirs du président, qui va rouler qui dans la farine ? On attend de voir avec l’espoir d’être démenti par la suite des événements parce que la réconciliation nationale et l’unité du pays, affichées en bandoulière lors de cette journée de « la prière nationale », auront pris le dessus sur les ambitions inavouées. Et si alors le Kenya pouvait conjurer les démons du tribalisme et de l’intolérance politique, pour construire une démocratie apaisée, « la prière nationale » kényane de 2018 aura fait le miracle de transformer Uhuru Kenyatta et Raila Odinga de pyromanes de bas étage en pompiers VIP.

 

 

 

Zéphirin Kpoda

 

 

 

Dernière modification ledimanche, 03 juin 2018 18:46

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