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Burundi : Quand Nkurunziza nous fait rêver !

 

«Coup de théâtre, surprise du chef, coup de bluff» : les exclamations ne manquent pas pour exprimer l’étonnement des observateurs de la scène politique burundaise après l’annonce surprise du président Pierre Nkurunziza de ne pas briguer un autre mandat présidentiel en 2020. L’homme fort de Bujumbura a fait cette annonce au cours de la cérémonie de présentation de la nouvelle Constitution du pays à la population ce jeudi matin.

 

 

Pourtant deux heures plus tôt, depuis son palais de Gitega au centre du Burundi, il avait promulgué cette nouvelle loi fondamentale qui remettait le compteur de ses mandats à la tête du Burundi à zéro avec alors la possibilité pour lui d’en briguer deux autres de 7 ans chacun. Cette perspective avait fait dire à plus d’un analyste que Pierre Nkurunziza voulait un bail à la présidence de son pays jusqu’en 2034. En effet, tout dans la conduite du processus référendaire avait donné de voir un Nkurunziza déterminé à se tailler une Constitution sur mesure en muselant ses opposants et toute voix discordante de la société civile burundaise. Quand on sait que son parti, le Conseil national pour la défense de la démocratie Forces de défense de la démocratie (CNDD/FDD), l’a élevé en mars 2018 au rang d’ « Imboneza Yamaho », c'est-à-dire « Grand Visionnaire » ou « Guide suprême éternel », le doute n’était plus permis sur ses intentions de perdurer au pouvoir. N’a-t-il pas, par ailleurs, fait ériger un monument, une pierre massive de 3 tonnes, qui symbolise selon lui le pacte entre le CNDD/FDD et Dieu pour conduire le peuple burundais vers le bien-être. Pour réussir cette mission messianique, les militants du CNDD sont invités à jeûner dans la prière tous les jeudis et à effectuer au « monument du pacte », un pèlerinage de trois jours par an. Eh bien, c’est à quelques encablures de ce « lieu de cultes et de prières » que Pierre Nkurunziza a annoncé, ce jeudi, jour de jeûne et de prières pour ses partisans du CNDD/FDD, qu’il abandonnerait les rênes de la présidence burundaise en 2020.

 

On le voit bien, ni le jour ni le lieu de cette déclaration n’ont été choisis au hasard. Le mythomane Nkurunziza est friand de symboles qui le rapprochent du Moïse biblique, guide du peuple Juif depuis sa sortie d’Egypte jusqu’à la Terre promise. Et si c’était pour copier le pasteur du peuple Hébreux, qui n’est pas entré dans la Terre promise, que le pasteur-président ne voudrait pas être candidat à sa succession, estimant qu’avec la promulgation de cette nouvelle Constitution le peuple burundais est enfin aux portes de sa terre promise? Quelle lubie ! Quel théâtre !

 

Oui, Nkurunziza jouerait à Moïse, pour se faire désirer, supplier par ses partisans de briguer d’autres mandats présidentiels afin de continuer ses « œuvres salvatrices » à la tête du Burundi. Ses dernières déclarations ne seraient qu’une théâtralisation de son rôle d’homme providentiel, désintéressé par le pouvoir mais qui accepterait bien l’appel du peuple et du devoir patriotique à rester aux commandes de l’Etat.

 

Il n’est donc pas exclu qu’à l’approche de l’élection présidentielle de 2020, les Imbonerakure et autres structures du CNDD/FDD envahissent la rue pour exprimer leur soutien au « Guide suprême », lui demandant d’être de nouveau candidat. Si alors le « gourou » ne résiste pas à ces supplications de ses affidés, il nous aura fait rêver pour rien et son opposition n’aura pas eu tort de parler d’ « un joli coup politique ».

 

 

 

Zéphirin Kpoda

 

Dernière modification ledimanche, 10 juin 2018 19:45

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