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Sénégal : Korité à forte teneur politique

A quelque 8 mois de la prochaine élection présidentielle au Sénégal, le président Macky Sall  fait une offre de dialogue politique à ses opposants. En effet, avant de s’envoler pour 12 jours de vacances en Russie, villégiature agrémentée de matches de football de coupe du monde, le locataire du Palais de la République, a tendu la main à ses adversaires. Il a déclaré en substance en appeler à l’ensemble des forces vives de la nation à des concertations sur la gestion des futurs revenus gaziers et pétroliers mais aussi sur le besoin de concorde sociale. C’était à la sortie de la grande mosquée de Dakar à la fin de la prière marquant la fin du ramadan.

 

Pour une opération de com., cette annonce en est vraiment une qui fait dire à certains analystes qu’après le bâton fait de procès suivis d’emprisonnement et de fortes amendes, Macky Sall offre la carotte du dialogue ; et pas à n’importe quel moment. A l’évidence, le choix du jour de la célébration de l’Aïd el fitr ou Korité n’est pas dû à un hasard de calendrier. Macky Sall voudrait se montrer bon croyant, qui intègre dans sa vie et sa gouvernance des affaires publiques les valeurs de repentance, de pardon et  de solidarité qu’il n’agirait pas autrement. Dans un pays que l’on sait à plus de 90% musulman, cela compte. Il espère, on s’en doute, les mêmes dispositions d’esprit chez ses adversaires politiques et chez les dirigeants syndicaux, notamment estudiantins, pour aboutir à une trêve sociale et aller à des élections apaisées.

Cette main tendue du président Macky Sall n’est pas une première. Dès sa prise de fonction en 2012, il avait négocié et obtenu des syndicats une trêve sociale qui a été interrompue avec la dure grève des enseignants du secondaire courant premier trimestre 2018. Le monde scolaire était à peine sorti de ce débrayage des enseignants que les étudiants prenaient le relais avec des manifestations de rue pour retard de paiement de bourse. Ces manifestations estudiantines ont entraîné la mort d’un des leurs, chose qui avait surchauffé davantage le climat social. Outre ces grèves, la paix sociale au pays de la Teranga a aussi été mise à rude épreuve avec les procès d’abord de Khalifa Sall, ensuite de Barthélémy Dias. La condamnation de ces ténors du parti socialiste, ajoutée à celle de Karim Wade du parti démocratique, trois ans plus tôt, a contribué à ternir la réputation de démocrate républicain, ouvert et tolérant, dont se prévaut Macky Sall. Son offre de dialogue du jour du ramadan est une tentative de rattrapage de cette image fortement brouillée par les accusations d’une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Mission difficile pour ne pas dire impossible car le miracle du Korité n’aura pas lieu, tant les adversaires du président sénégalais sont convaincus de sa duplicité avec la justice pour écarter tout concurrent sérieux de la présidentielle de 2019. La preuve, le brûlot publié par Karim Wade 24 heures après l’appel du président Sall au dialogue.

En effet, dans une déclaration qui s’apparente à un véritable tract politique, Karim Wade s’en prend au successeur de son père qui aurait « érigé le mensonge et la manipulation en mode de gouvernance politique » avant de se présenter comme l’alternative crédible pour donner le change à une gouvernance « familiale et clanique ». Il a ainsi annoncé son prochain retour au pays  pour faire face à ses devoirs et mériter la confiance de ceux qui l’ont investi candidat à l’élection présidentielle. De la déclaration de Karim Wade à celle de Macky Sall, à chacune, opposition et majorité sénégalaise, son message de Korité dans une logique du berger à la bergère. Et si Karim Wade ne bluffe pas sur ses ambitions présidentielles, il est fort à parier qu’il aura de la peine à les réaliser en 2019. De son exil doré qatari, il n’ignore pas que s’il se risque à mettre pied à Dakar c’est pour intégrer aussitôt un des appartements VIP de la prison de Rebeuss où Khalifa Sall, l’autre présumé adversaire sérieux de Macky Sall à l’élection présidentielle, purge une peine de cinq ans pour « escroquerie sur des deniers publics ».

 Empruntons au langage populaire pour dire que « Karim parle pour parler » car, condamné en 2015 à six ans de prison et à quelque 200 millions d’euros d’amende pour enrichissement illicite, il est juridiquement barré de la liste des prétendants à la succession de Macky Sall. Certes, suivant les bons offices de l’émir du Qatar, il a été gracié en 2016 par son « bourreau » de la peine d’emprisonnement, mais il reste redevable des 200 millions d’euros d’amende. Par ailleurs, le tout n’est pas de peindre la gouvernance actuelle du pays en noir, il faut encore convaincre les Sénégalais qu’il fera mieux que son contempteur. A ce propos, quand il qualifie le pouvoir Sall de « familial et clanique », cela pourrait faire sourire beaucoup de Sénégalais qui n’ont pas oublié son hier quand, sous le magister de son président de père, il avait cumulé les postes de ministre des Affaires présidentielles avec la présidence de la commission d’organisation du sommet de la conférence islamique avant d’être bombardé ministre des Infrastructures, de l’Energie et des Transports. Une promotion stratosphérique qui lui avait valu le surnom de « ministre du ciel et de la terre », cela veut tout dire sur son omnipuissance sous le régime de son père. Il est alors disqualifié aujourd’hui pour accuser la majorité actuelle de gestion familiale et clanique.

Néanmoins son pamphlet contre le régime Sall aura ajouté du piquant à un Korité 2018 à forte teneur politique au Sénégal. Mais ainsi va la propagande politicienne : faire feu de tout bois pour convaincre les potentiels électeurs qu’on est plus crédible que l’adversaire d’en face.

La Rédaction

Dernière modification lelundi, 18 juin 2018 21:45

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