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Expulsion de diplomates libyens de Grande-Bretagne : Du baume au cœur des insurgés

Les insurgés libyens, avec à leur tête  l’instance politique du Conseil national de transition (CNT), installée à Benghazi, viennent de marquer un point d’importance ; du moins symboliquement : la Grande-Bretagne vient de décider d’expulser de son territoire les derniers diplomates pro Kadhafi toujours présents sur son sol. Et dans la foulée, elle reconnaît désormais le CNT comme gouvernement libyen légitime. Pour être complet, la présente mesure d’expulsion vient achever une entreprise commencée il y a trois mois : le gouvernement britannique, juste peu de temps après l’attaque de sa représentation diplomatique à Tripoli, priait l’ambassadeur libyen en poste à Londres de rejoindre son pays.

 

La décision de Londres d’afficher sa préférence pour les insurgés libyens n’est pas vraiment une première, puisqu’elle  intervient après celles prises par une bonne vingtaine de pays d’opter pour l’organe du CNT au détriment du régime de Kadhafi ; mais on peut tout de même se demander pourquoi elle intervient maintenant. Le gouvernement britannique est sans doute, lui aussi, à l’instar de ceux des autres pays de l’Otan engagés dans les frappes en Libye,  agacé par cette guerre qui traîne en longueur et dont l’enlisement ne fait plus aucun doute.

 

Et puis, lorsqu’il s’est agi de prendre position pour ou contre le régime Kadhafi, une vieille affaire, que les britanniques ont en travers de la gorge, a dû peser de tout son poids : l’affaire Lockerbie, qui n’a jamais été oubliée ; ils sont légion, les Britanniques qui en tiennent Kadhafi pour responsable et qui ne lui pardonneront jamais les 270 morts de l’explosion du Boeing, au-dessus du village écossais, le 21 décembre 1988. La rancœur s’est d’ailleurs aggravée lorsqu’ils reconnurent celui qu’ils avaient tenu pour l’exécuteur de basse besogne de l’attentat et qu’ils avaient condamné à la prison à perpétuité avant de le libérer pour raison de santé, Al-Megrahi, apparaissant en public à Tripoli tout récemment à l’occasion d’un rassemblement de soutien à Mouammar Kadhafi.

Londres a donc coupé définitivement les ponts d’avec le régime Kadhafi, reconnaît désormais le CNT comme le seul gouvernement légitime du pays du Guide et l’invite à prendre ses quartiers à l’ambassade libyenne de Londres ; une victoire de plus engrangée par l’organe politique des insurgés, sans doute ; même si on ne voit pas vraiment ce qu’elle changera  sur le terrain. Ce qui est sûr, cependant, c’est que Kadhafi peut désormais dire adieu au contenu de tous les comptes qu’il avait ouverts en Grande-Bretagne. Ironie du sort, les fortunes qu’il y a amassées, au regard de la reconnaissance du CNT par la Grande-Bretagne, peuvent revenir aux insurgés qui le combattent et jurent de s’offrir son scalp tôt ou tard.

 

Mais de toute évidence, la détermination des rebelles libyens risque de ne pas suffire à cet effet. Pour preuve, l’ultimatum qu’ils avaient lancé à Kadhafi a expiré sans que le Guide ne débarrasse le plancher. Et justement, dans l’affaire de cet ultimatum d’ailleurs, on aura noté que les rebelles libyens auront péché par orgueil ; comment pouvaient-ils s’imaginer un seul instant que Kadhafi pouvait s’effacer au seul motif qu’ils lui avaient fixé une date butoir ? Mystère et boule de gomme ! Plus que jamais, Kadhafi résiste, plie mais ne casse pas et affiche une farouche détermination, au point de se déclarer prêt au sacrifice suprême pour défendre son régime.

Alors la guerre continue, avec son lot d’avancées et de retournements de situation ; tantôt ce sont les loyalistes qui gagnent puis perdent du terrain, tantôt ce sont les insurgés qui avancent puis cèdent les contrées conquises.

 

Cela a pour conséquence que l’enlisement tant redouté par l’Otan n’est plus du tout une simple vue de l’esprit. La coalition, qui se refuse à toute aventure sur le terrain des combats, peut se voir imposer une guerre d’usure qui, si elle épuise les belligérants des  deux camps, finira par susciter une réprobation certaine de l’opinion publique des pays qui conduisent les frappes en Libye. On ne voit pas comment le citoyen Tartempion de la campagne française, anglaise ou américaine pourrait se laisser convaincre très longtemps que le contribuable qu’il est a l’obligation de financer une guerre qui oppose des Libyens entre eux et  à laquelle il n’est ni de près ni de loin  mêlé.

Et pourtant, à l’allure où vont les choses, le conflit libyen promet de durer plus que prévu ; et peut-être même de prendre des allures imprévues ; à commencer par quelle attitude adopter bientôt, avec le début du jeune musulman. Va-t-on consentir à respecter la trêve de Dieu ou bien la coalition décidera-t-elle de passer outre pour pilonner l’armée et les infrastructures de Kadhafi ? C'est à se demander qui de Kadhafi, des insurgés ou de la coalition se trouve le plus  embarrassé à l’heure actuelle par la guerre en Libye ; et qui, le premier, cédera à l’usure.

 

Jean Claude Kongo

Dernière modification levendredi, 29 juillet 2011 10:02

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