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Discours du président congolais : Kabila n’a pas dit ce qu’on voulait entendre

 

Pour traditionnel qu’il soit, rarement discours sur l’état de la nation aura été attendu avec autant d’impatience et d’interrogations. Car si l’exercice est régulier, ce n’est pas tous les jours qu’il intervient dans un contexte comme celui-là. Reportée par deux fois, l’élection présidentielle congolaise doit en principe se tenir le 23 décembre 2018. Et dans cette perspective, la date limite de dépôt des dossiers de candidature est fixée au 8 août prochain. Plus que quelques jours donc avant ce deadline, sans qu’on sache quelles sont les intentions réelles de Joseph Kabila. Dans ces conditions, nombreux sont ceux (députés, sénateurs, classe politique, diaspora, citoyen lambda…) qui s’attendaient à ce qu’il lève ne serait-ce qu’un petit coin de ce voile secret dont il couvre ses intentions.

 

 

 C’était visiblement mal connaître ce taiseux président qui n’a en effet pas pipé mot de ce sujet comme si, quelque part, il prenait un malin plaisir à laisser tout ce beau monde, ses partisans comme ses contempteurs, mijoter dans leur propre jus. Ce fut en fait une allocution tout ce qu’il y a de plus classique, avec un plaidoyer pro domo sur son propre bilan, avec les réalisations effectuées, les infrastructures érigées, la réunification, la question économique et sociale. A la fois tout donc et rien. Il faudra peut-être attendre quelques jours pour avoir le fin mot de ce discours. Car il a beau ruser avec les nerfs de ses concitoyens, ça va finir par se savoir et dans pas très longtemps.

 

En réalité, il n’y a que dans nos républiques bananières qu’on se pose ce genre de question alors que dans le cas d’espèce, et la Constitution congolaise, et l’accord de la Saint-Valentin interdisent à Petit-Kabila de jouer les prolongations, lui dont le mandat a déjà expiré depuis maintenant 18 mois, soit en fin 2016. Mais si tous les observateurs de la scène politique congolaise se posent toujours cette question, c’est bien parce que depuis plusieurs mois, les dévots de Mobutu Light envoient des sondes sur l’éventualité de ce 3e mandat. Certains cadres de son parti, le PPRD, dans un juridisme de mauvais aloi, affirment même sans ciller qu’en réalité, le renouvellement du bail de leur champion à la présidence est tout ce qu’il y a de conforme à la Constitution, arguant du fait que l’adoption du scrutin à deux tours au lieu du « 1 coup K.-O. » jusque-là en vigueur équivaudrait à ramener à zéro le compteur présidentiel. Un raisonnement spécieux, il faut le dire, et qui confine même au sophisme.

 

Mais à supposer même que l’héritier du Mzee franchisse le Rubicon, pour ne pas dire le fleuve Congo, en faisant acte de candidature, y a-t-il seulement dans cette autocrature qu’est la RDC des juges suffisamment courageux pour invalider une telle candidature ? Sans faire injure à l’institution judiciaire de ce vaste pays, on doute fort qu’il y en ait d’assez téméraires pour ramer à contre-courant des desiderata présidentiels. Mais n’allons pas trop vite en besogne, car qui nous dit qu’il ne nous réserve pas cette surprise du chef qui le ferait sortir par la grande porte, lui qui est entré par effraction dans l’histoire de la RDC, et qui risque fort d’être défenestré un jour, comme tant d’autres avant, s’il s’amuse à jouer le match de trop ?

 

 

Issa K. Barry

Dernière modification ledimanche, 22 juillet 2018 20:23

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