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Ouganda : Dinosaure despote contre jeune artiste rebelle

 

Yoweri Museveni, à bientôt 32 ans de pouvoir, n’est pas près de lâcher prise. Au contraire, après avoir fait modifier la Constitution ougandaise pour sauter le verrou de la limitation d’âge des candidats à l’élection présidentielle, il serre un peu plus la vis autour de son opposition. Le casus belli : des jets de pierres contre un convoi présidentiel le 13 août dernier. Il n’en fallait pas plus pour que la haute hiérarchie des forces de défense et de sécurité du pays ordonne l’arrestation des opposants les plus en vue, y compris le truculent Bobi Wine, de son vrai nom Robert Kyagulanyi Ssentamu. Mal lui en prit, car de Kampala à Washington en passant par Nairobi, Londres, etc., dans les milieux politiques, artistiques, des activistes des droits humains…, c’est l’indignation, la colère et les condamnations face à cette énième forfaiture du vieux despote de Kampala.

 

 

Outre les manifestations de rue, qui ont affecté la capitale ougandaise trois jours après l’arrestation du plus jeune député, 36 ans, par ailleurs artiste musicien  engagé et opposant le plus virulent au pouvoir de Yoweri Museveni, les réseaux sociaux ont été inondés de critiques acerbes contre le pouvoir de Kampala pendant que 88 personnalités du monde de la culture, hommes politiques ou défenseurs des droits humains, signaient une pétition demandant la libération immédiate de Bobi  Wine. Wole Soyinka, Femi Kuti, Angélique Kidjo, Toumani Diabaté et bien d’autres célébrités ont stigmatisé l’arbitraire des forces de défense et de sécurité en des termes sévères : « Nous condamnons fermement l’arrestation, l’emprisonnement et l’attaque vicieuse et potentiellement mortelle perpétrée par les forces gouvernementales ougandaises contre le chanteur et député ougandais populaire, l’honorable Robert Kyagulanyi  Ssentamu, dit Bobi Wine », ont-ils écrit dans la pétition, adressée en guise de lettre ouverte au président Museveni.

 

Et comme cette pression n’a pas suffi à faire libérer l’artiste, icône de l’opposition ougandaise, un cabinet international d’avocats basé à Londres a été commis à sa défense. Pour Nicholas Opiyo, activiste des droits humains, avocat associé à la défense de l’opposant, « Bobi Wine symbolise la détresse d’un grand nombre d’Ougandais… en l’arrêtant, les autorités ont violé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, traité ratifié par l’Ouganda …il a subi des tortures d’Etat. Son cas n’est donc pas limité à la justice ougandaise».

 

On le voit bien, dans cette affaire du vieux dinosaure et du jeune artiste rebelle, tel est pris qui croyait prendre. En effet le tollé, aussi bien aux niveaux national qu’international, est tel que les autorités ougandaises ont quelque peu desserré l’étau autour de l’opposant : ainsi, la Cour martiale devant laquelle il a été traduit hier a abandonné la charge de possession illégale d’armes qui pesait sur lui. Il sera néanmoins présenté à un juge civil dans une semaine, après des soins médicaux, pour répondre du chef d’accusation de trahison. C’est dire que l’artiste-opposant n’est pas encore tiré d’affaire. Le dinosaure a la dent dure. Les défenseurs des droits humains et de la démocratie ne doivent pas baisser la garde.

 

Le despote de Kampala n’est pas sans rappeler le dictateur d’Harare, récemment éconduit du pouvoir par un coup d’Etat atypique. L’Ouganda, qu’il a le culot de présenter comme sa bananeraie, a mal à son autoritarisme. Celui qui passait pour un despote éclairé à la différence du tyran  à l’esprit obtus que fut le tristement célèbre Idi Amin Dada, l’un de ces prédécesseurs, est atteint de la boulimie du pouvoir. Mais d’ici que la sourde indignation de la population mue en révolte ouverte, il y a un pas que les chicaneries actuelles contre l’opposition pourraient  aider à franchir.

 

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification ledimanche, 26 août 2018 17:32

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