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Tanzanie : Le ferry-boat était un cercueil navigant

Combien étaient-ils au juste sur ce maudit ferry-boat qui reliait les îles d’Ukuwere et d’Ukara ce jeudi 20 septembre 2018 ? 200 ? 300 ? Peut-être plus ? Une chose est sûre, le décompte macabre montre à souhait  que le MV « Nyerere » transportait plus des 100 passagers que sa capacité lui autorisait.

De l’aveu du ministre tanzanien des Transports lui-même, « les personnes que nous avons pu sauver sont au nombre de quarante et une. Parmi les 209 corps récupérés, 172 ont été reconnus par leurs familles et 37 autres sont toujours en cours d’identification ». Faites le calcul : 209+41=250. Si on y ajoute le miraculé, l’ingénieur du navire retrouvé vivant samedi dans un compartiment aéré, le bilan, qui n’était encore que provisoire, va chercher dans les 250 victimes, soit deux fois et demie plus de personnes qu’il ne fallait à bord.

C’est sans doute l’une des causes qui l’ont fait chavirer au sud du lac Victoria, plongeant le pays du Mwalimu dans la consternation. L’une des causes  principales,  mais vraisemblablement pas la seule, sous réserve des résultats de l’enquête ouverte pour en connaître les raisons et situer les responsabilités. Parmi les nombreuses questions qui attendent des réponses, la part des passagers eux-mêmes qui, en se massant à l’avant du navire à l’approche du débarcadère, ont contribué à le déséquilibrer. Et, circonstances aggravantes, l’attitude du commandant ou de celui qui en tenait lieu, qui aurait raté une manœuvre,  concentré qu’il était, dit-on,  sur son portable au point de donner un coup de barre brutal et fatal. Le manque de moyens pour les secours a fait le reste,  transformant le méchant rafiot  en cimetière lacustre de centaines de pauvres hères pris dans un piège inextricable.

Et en même temps que les cris de détresse des malheureux, des flots remontent en surface une vieille polémique sur le laxisme des autorités en matière de sécurité. Et le président Magufuli, qui s’agite tant depuis la survenue du drame, ordonnant des arrestations et des emprisonnements  à tout-va, est au premier chef comptable de ce bordel généralisé. Cette tragédie tanzanienne doit rappeler à bon nombre de Sénégalais  une autre, beaucoup plus grande, celle du Joola qui avait sombré le 26 septembre 2002 au large de Ziguinchor, faisant  quelque 2000 morts, soit à ce jour le plus grand naufrage de l’histoire en temps de paix.

Certes  des catastrophes de ce type, on en voit sous toutes les latitudes, mais dans nos  « pays de merde », ici comme là, les mêmes causes produisent invariablement les mêmes effets, que ce soit sur terre, dans les airs ou sur mer : vétusté et mauvais entretien des moyens de transport, souvent  surchargés   avec, comme lame de fond,  l’incurie de la puissance publique et la corruption endémique qui ferme les yeux de policiers ou de gendarmes ripoux devant des cercueils ambulants, volants ou navigants affrétés par des compagnies « inch Allah».

On  ruse ainsi à qui mieux mieux avec les précautions  élémentaires de sûreté, souvent même avec la complicité des usagers quelquefois victimes de leurs propres turpitudes au motif qu’ils n’ont guère d’autre choix. Autant dire qu’on continuera pendant longtemps, en Tanzanie ou ailleurs sur le continent, à décréter des jours de deuil national et à mettre les drapeaux en berne tant qu’on ne s’attaquera pas courageusement aux racines du mal.

 

La Rédaction

Dernière modification lemardi, 25 septembre 2018 22:44

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