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Les Africains à l’AG de l’ONU : L’art de parler sans avoir …voix au chapitre

C’est l’un des six principaux organes de l’Organisation des Nations unies où chacun des 193 Etats membres a le même pouvoir : celui de vote et de parole. Et ils ne s’en privent pas, comme c’est le cas depuis hier avec l’ouverture du débat annuel de haut niveau de la 73e Assemblée générale, commencé une semaine plus tôt.

 

Depuis hier donc, les chefs d’Etat et de gouvernement, quand ce ne sont pas les ministres des Affaires étrangères  ou les ambassadeurs, défilent à la prestigieuse tribune pour  dresser, en quinze minutes chrono maximum, l’état du monde tel qu’ils le perçoivent et esquisser leurs  solutions des problèmes quand ils en ont.   En vertu d’une tradition qui date de 1947, le Brésil est le premier à prendre la parole, suivi du pays hôte -les Etats-Unis donc-, les autres suivant selon des critères où se mêlent  le niveau de représentation, les équilibres géographiques, l’ordre d’enregistrement de la demande d’intervention  et bien d’autres considérations objectives ou subjectives.

Thème officiel de cette session 2018, présidée par l’Equatorienne Maria Fernanda  Espinoza  Garcès (la quatrième femme seulement à qui échoit cet honneur), «Faire en sorte que l’ONU soit plus pertinente pour tous : leadership mondial et responsabilités partagées pour des sociétés pacifiques, équitables et durables ». Tout un programme !

Comment  implémenter dans la pratique une thématique aussi vaseuse alors que l’organisation internationale (dont la réforme est un véritable serpent de mer) s’est rarement autant mal portée  que depuis l’installation de Donald Trump dans le Bureau  ovale ?  Comment œuvrer pour la paix dans le monde alors que le Conseil de sécurité est bloqué par les cinq membres permanents (USA, Russie, France, Grande-Bretagne et Chine), devenus de véritables obstacles à la paix ?

 Comment venir en aide aux pays pauvres, lutter contre la pauvreté, promouvoir le développement durable et la santé quand le locataire de la Maison-Blanche, dès qu’il y a installé ses pénates, s’est attelé à détruire «l’ONU utile» en réduisant, sinon en supprimant, les contributions américaines aux budgets des organismes spécialisés et à assécher les financements d’ONG internationales intervenant dans des pays en développement ?

 Comment faire dans le multilatéralisme, qui est l’essence même de cette  vénérable Maison de verre de Manhattan, érigée sur les ruines  de la SDN et  qui fête ses 100 ans,   quand le locataire de la Maison-Blanche fait dans un unilatéralisme forcené, déclarant ici une guerre commerciale à l’Europe et à la Chine, détricotant là l’Accord sur le climat et celui sur le nucléaire iranien, laborieusement tissés, ou déménageant l’ambassade US en Israël de Tel Aviv à Jérusalem en violation flagrante d’une décision onusienne vieille de plusieurs décennies ? 

Le président français, Emmanuel Macron, a beau déclarer à la tribune de l’ONU qu’il ne croit pas à la raison du plus fort, force est de constater qu’il n’y peut pas grand-chose.  Après tout, c’est cette logique qui a toujours été le moteur des relations internationales, même si c’est avec beaucoup plus de brutalité avec l’homme qui twitte plus vite que son ombre.

Pour toutes ces raisons, l’AG n’aura jamais été aussi inutile qu’en ce moment si ce n’est pour donner au moins l’illusion aux petits pays, notamment africains, qu’ils participent à la marche du monde. Ici, tout le monde exerce son droit à la parole, mais l’écrasante majorité n’a pas vraiment voix au chapitre onusien. Et en vérité, pour de nombreuses délégations, aller à New York s’apparente à du tourisme diplomatique et à un voyage d’agrément, car ce n’est certainement pas dans cette foire annuelle que la crise oubliée de la Centrafrique, le grand bazar libyen, le terrorisme dans le bande sahélo-saharienne ou dans le delta du Niger trouveront des solutions. Paul Kagame, le président en exercice de l’Union africaine, dont on connaît l’«africanisme» sourcilleux, n’a-t-il du reste pas dit que les problèmes des Africains devaient se régler entre Africains?

 Pour le continent noir, la participation à cette AG aura donc été surtout marquée par des symboles : le sommet Nelson Mandela pour la paix qui s’est tenu en marge de cette grand-messe et le premier siège de la salle occupée par… le Mali, les autres pays suivant selon l’ordre alphabétique en anglais. Si ça peut nous consoler…

 

Ousséni Ilboudo

Dernière modification lemercredi, 26 septembre 2018 20:13

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