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Sexualité des personnes âgées : « Si à partir de 60 ans, un homme a au moins un rapport sexuel par semaine, ce n’est pas mal » (Dr Jean Gabriel Ouango, Pr titulaire de psychiatrie et de psychologie médicale, spécialiste en psycho-gériatrie)

Quand on est jeune, on fait l’amour à une fréquence plus ou moins régulière. Mais plus on prend de l’âge, plus le désir s’amenuise, ou alors c’est la mécanique (chez les hommes) qui s’enraye. Du coup, faire la bête à deux dos peut devenir pénible. Beaucoup voient ainsi leur sexualité s’arrêter entre 60 et 80 ans quand certains ne prennent pas une « retraite anticipée ». Pourtant, selon les sexologues, avoir des relations sexuelles est bien pour la santé. Mais qu’est-ce qui explique la difficulté qu’ont les personnes du 3e âge ? Comment s’y prendre ?

A l’occasion de la Journée internationale des personnes âgées, célébrée le 1er octobre, Carnet de santé veut faire « plaisir» aux papys et mamys en soulevant un pan de ce voile pudique qu’on ne saurait voir. Et c’est un papy, le Dr Jean Gabriel Ouango, Professeur titulaire de psychiatrie et de psychologie médicale à l’université Ouaga I Pr Ki-Zerbo, spécialiste en psycho-gériatrie (résolution des problèmes psychologiques et neurologiques des personnes âgées), qui en parle, sans tabou, dans cette interview réalisée le 1er octobre 2018 au Mess des officiers de Ouagadougou où, en compagnie de ses compagnons d’âge, il préparait une soirée dansante rétro. 

 

 

 

Aujourd’hui 1er octobre, votre association entend rendre hommage aux personnes âgées. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Oui. Nous sommes regroupés au sein de l’Association burkinabè de gériatrie et de gérontologie, filiale d’une association internationale francophone. Au Burkina, notre association mène des activités de sensibilisation à la situation sociale et sanitaire des personnes âgées (PA).

A l’occasion du 1er Octobre, fête des PA, nous avons prévu ce soir même une soirée récréative, gratuite, pour elles avec de la musique rétro. Ça va être intéressant.

 

Danser, c’est bien, mais faire l’amour est mieux ; or ce sujet est plutôt tabou pour les PA, en tout cas en Afrique.  

 

C’est vrai. Pourtant en 2013, nous avons fait une enquête où nous avons demandé aux PA si la sexualité constitue un intérêt pour elles. Plus de 80% ont dit oui. Mais principalement les hommes, les femmes représentaient 20 à 22%. Nous leur avons aussi demandé si elles avaient des rapports sexuels. Elles ont répondu oui. Nous avons cherché à savoir si elles avaient eu des rapports sexuels au cours de la semaine, et 80% ont répondu oui. C’est dire que la sexualité est un besoin. Mais au Burkina, quand vous avez un certain âge, vos enfants et petits-enfants ne supportent pas que vous alliez dans le sens de la sexualité. Pour la société burkinabè, à partir de 60 ans et plus, on ne doit plus faire ça. Même si vous êtes un couple, si vous êtes surpris par vos enfants, ils vous  boudent. Même quand on est seul, on parle de veuve joyeuse ou de vieux bandit. Notre société n’accepte pas la sexualité des PA ; pourtant il le faut et on peut avoir du sexe jusqu’à 80 ans. Tant qu’on n’a pas de cancer de la prostate, de cancer de la vessie ou des problèmes neurologiques importants, on peut y aller sans problème tant que l’envie ou le besoin existe. Mais la société condamne cela, et c’est douloureux pour ces personnes.

 

Est-ce que la sexualité joue sur la santé des personnes âgées ?

 

Oui. Le plaisir sexuel épanouit psychologiquement n’importe quel individu, qu’il soit jeune ou âgé. Beaucoup de couples ont des difficultés parce que l’un ou l’autre n’a plus d’envie sexuelle. Sur le plan physiologique, faire du sexe entraîne la production d’hormones en plus des testotérones (chez l’homme) et des progestérones (chez la femme). Et c’est ça qui, par exemple, entretient la peau.  Les dermatologues vous le diront.

La femme vit sa sexualité comme terminée dès  lors que ses règles s’arrêtent. Mais de plus en plus, les femmes ont des envies sexuelles, et l’homme ose plus souvent, même quand il est veuf. L’homme va se manifester, mais les femmes (50-60 ans) cachent cela, s’adonnant à la masturbation ou à la prière. Elle essaie de remplacer le sexe par autre chose.

 

A quelle fréquence et quel rythme une personne du 3e âge  doit-elle faire l’amour ?

 

Plus on avance en âge, moins les hormones sexuelles sont secrétées, donc les envies diminuent. Si, à partir de 60 ans, un homme a au moins un rapport sexuel par semaine, ce n’est pas mal.  Ça peut l’épanouir. S’il peut le faire 2, 3 fois, c’est très bien. A partir de 70-80 ans, une fois par mois, c’est bon. Il ne doit pas chercher à faire des performances, car ça peut le blesser. On voit qu’il y a des hommes qui achètent les poudres de perlimpinpin et autres aphrodisiaques pour être au top, mais ça crée des problèmes comme les insuffisances rénales. Il faut savoir que, pour que l’homme ait une érection, il faut que ses  vaisseaux sanguins soient bons, que son cœur fonctionne normalement. Mais plus on vieillit, plus les canaux qui conduisent le sang sont de plus en plus rétrécis. Donc les performances sexuelles diminuent forcément. Mais vous avez des PA de 80-90 qui peuvent faire 3 à 4 rapports  par semaine.

Concernant le rythme, par nuit, c’est très rare qu’ils en fassent plus de 2 fois, car l’obtention de l’érection devient difficile à leur âge.

 

Quand certains hommes âgés sortent avec de jeunes filles, communément appelées « crudités », d’aucuns pensent qu’ils le font  pour  rajeunir. Qu’en dites-vous ?

 

(Rires). Il faut comprendre que, quand la femme avance en âge, elle ne lubrifie pas bien et a mal lors des rapports sexuels. C’est pour cela d’ailleurs qu’à un certain âge, elle n’en a plus envie.

Si une PA sort avec une petite fille, c’est parfois pour une question d’image. Dans l’esprit de tous, la femme est représentée avec de beaux seins, de belles hanches alors qu’avec l’âge et la maternité, elle perd ses atouts ; c’est dire que les fantasmes restent, que les rêves ne disparaissent jamais ; quant au  rajeunissement il est lié aux cellules.

 

Nous n’avons pas de chiffres y relatifs, mais on dit que beaucoup de PA meurent d’épectase (au cours de l’acte sexuel) ; qu’est-ce qui explique cela ?

 

C’est possible, car, au cours des rapports sexuels, le rythme cardiaque s’accélère, donc il y a des risques d’AVC ou d’arrêt cardiaque si on a des problèmes de cœur ou si on est hypertendu.

 

 Quels conseils pratiques donnez-vous  aux PA ?

 

1-  Se faire suivre régulièrement par son cardiologue

2-  Se mettre dans la tête qu’on est une PA et qu’on ne peut plus faire de performances comme quand on était jeune. Si on fait trop de mouvements le dos peut faire mal, car faire l’amour, c’est faire du sport

3-  Soigner ses maladies, aussi banales soient-elles

4-  Ne pas abuser de l’alcool et des sucreries, car ils tuent la sexualité.

 

Interview réalisé par

Alima Séogo/Koanda

 

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