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Procès putsch manqué : L’audience d’hier en 9 tableaux

L’interrogatoire d’Ousséini Faisal Nanéma, commencé le vendredi, s’est poursuivi le lundi 8 octobre 2018. Ce civil et administrateur de société poursuivi pour complicité de dégradation aggravée de biens et recel ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés. Ce natif de la province du Passoré, celui-là même qui, lors des évènements, avait baptisé le rond-point des Martyrs « Quartier général de soutien au CND », a fait de fracassantes déclarations : « Si c’est un coup d’Etat, Dieu merci », « La femme de l’ex-ministre Jérôme Bougouma a remis 500 000 FCFA pour libérer des prisonniers ». A la fin de son audition, l’accusé Adama Ouédraogo, dit Damiss, a été appelé à la barre. Il a juste eu le temps d’annoncer qu’il plaidait non coupable et l’audience a été suspendue pour reprendre ce matin. Nos reporters, San Evariste Barro, Hadepté Da et J. Benjamine Kaboré nous font la synthèse de cette journée d’audience en 9 tableaux.

 

Encadré 1

« Si c’est un coup d’Etat, Dieu merci »

 

Avec une démarche fébrile, mais un ton assuré, l’accusé Ousséini Faisal Nanéma s’est présenté devant la juridiction militaire que préside Seidou Ouédraogo. Après la vérification de son identité, il lui est demandé de raconter le déroulé de sa journée du 16 septembre 2015 et jours suivants. Mais avant tout propos, celui qui est né le 21 mai 1987 a tenu à s’incliner devant la mémoire de Salifou Diallo, son formateur politique, a-t-il déclaré.

Selon son récit, le 16 septembre 2015 vers 7h30 il a quitté son domicile pour son service, situé non loin de la clinique St-Jean. De là il s’est rendu vers 11h à un rendez-vous car il préparait ses papiers pour aller participer au Festival Ouaga-New York, où il était l’invité d’honneur. Il serait allé par la suite au siège du CDP pour aviser le président du parti, Eddie Komboïgo, de son déplacement prochain à New York.

Ce dernier étant occupé, il se serait entretenu avec sa « maman » Fatoumata Diendéré. Avec cette dernière, il a été convenu que celui qui est accusé de recel se rende dans la soirée du 16 au domicile du couple Diendéré afin qu’avec le soutien de dame Fatou, il obtienne un peu d’argent pour financer son séjour au pays de l’Oncle Sam.

Dans une diction parfois inaudible, l’accusé a tenté d’expliquer à la Cour que lorsqu’il a appris l’interruption du Conseil des ministres sur Facebook, il était dans un maquis. « J’ai dit, si c’est un coup d’Etat, Dieu merci… parce que la Transition faisait de l’exclusion ». Une poignée de minutes plus tard, c’est le frère du présumé coupable du coup d’Etat, Hippolyte Diendéré, qui l’a appelé pour en savoir davantage. « Il m’a dit qu’il paraît que c’est un coup d’Etat et qu’il espère que son frère n’est pas impliqué. Que si c’est le cas, il ne va pas le soutenir », a relaté celui qui se réclame neveu de Diendéré. Selon ses propos, il a indiqué au frère de Diendéré qu’il y a un adage bien de chez nous qui dit que « lorsque la main est pourrie, on ne le coupe pas jeter ».

Celui qui se réclame leader politique a ensuite précisé qu’il s’est précipité au siège du parti CDP « pour avoir des nouvelles, mais, il n’y avait rien. A en croire l’inculpé qui se dit très renseigné, c’est le lendemain 17 matin qu’il a appris à la télévision que le coup d’Etat était de son « oncle ». Et sur les réseaux sociaux, des gens appelaient à une mobilisation au rond-point des Martyrs pour soutenir ce coup du CND. Une partie de ceux qui sont sortis pour soutenir le coup sont allés chez Salifou Diallo pour brûler.  « Ne pouvant pas laisser faire, j’ai arrêté deux cargos qui passaient et j’ai expliqué la situation aux éléments du RSP, ils m’y ont amené et ont arrêté ces manifestants avant qu’ils ne mettent en œuvre leur projet », a détaillé l’administrateur de société. Il a par ailleurs regretté que ces manifestants aient au finish pu atteindre leur objectif le 18 septembre. Il n’a pas manqué de soutenir que ce jour-là, il n’y était pas là, sans quoi, le domicile de l’ancien président de l’Assemblée nationale n’allait pas être incendié.

Faisal Nanéma est également accusé de recel, mais il ne reconnaît pas cela non plus. Selon lui, il a juste acheté des objets « dits France au revoir » au rond-point des Martyrs, qu’il avait baptisé QG de soutien au CND. Il s’agissait d’un sac acquis à 5 000F, d’un fer à repasser à 12 500F et d’une statuette à 20 000F. À l’en croire, c’est lorsqu’il a appris le saccage du domicile de son parrain Salifou Diallo qu’il a compris que les objets qu’il venait d’acquérir provenaient de là. Mais il ne le regrette pas, bien au contraire : « Si j’avais su cela dès le départ, j’allais tout acheter et après aller remettre à Salifou Diallo », a-t-il indiqué avant d’ajouter que si c’est pour cela que l’on veut le condamner, il assume.

 

Encadré 2

Les 2 millions de Yayi Boni à Faisal

 

Celui qui est décoré de la médaille de chevalier de l’ordre du mérite burkinabè au titre du ministère des sports et des loisirs avec agrafe promoteur a, dans son récit,  lâché qu’il a reçu de la part de l’ancien président béninois Yayi Boni la somme de 2 millions de nos francs. Pourquoi un tel geste ? Eh bien, Faisal soutient qu’il connaît « très bien » Yayi Boni ainsi que le président sénégalais Macky Sall. Donc quand ils ont été dépêchés par la CEDEAO pour  faire la médiation, il se devait d’aller les saluer à leur hôtel. « Je suis allé à Laïco pour les voir mais les gardes ne voulaient pas me laisser entrer. Après, c’est Yayi qui m’a fait appeler par son aide de camp. Ce dernier m’a donné un rendez-vous », a-t-il dévoilé. A le suivre, il serait arrivé en retard au rendez-vous mais le président aurait laissé une enveloppe de 2 millions pour lui.

 

Encadré 3

L’homme qui connaît tout le monde

 

Durant son audition, on a eu l’impression que l’accusé connaît tout le monde et qu’il a des relations étroites avec tous ceux qui étaient aux affaires. A l’en croire, Blaise Compaoré, c’est son mentor ; Salifou Diallo son parrain, Fatou Diendéré sa tante, l’époux de cette dernière son oncle, Yacouba Issac Zida son cousin, Eddie Komboïgo son frère…

 

Encadré 4

« Messieurs les parquetiers, prenez bien vos notes ! »

 

Difficile de faire une remarque, une observation sans que l’accusé Faisal Nanéma ait quelque chose à dire. À tout bout de champ, il interrompt le parquet, soit pour rectifier ou donner d’autres informations souvent qui n’ont rien à voir avec le sujet. Il lui est même arrivé de « recadrer le parquet », ce fut le cas quand le ministère public s’est trompé en disant qu’il a acheté la statuette à 100 000FCFA. C’est aussi la même réplique lorsque la même question lui a été posée deux fois de suite. « Monsieur le procureur, je vais vous demander de bien prendre note », a-t-il déclaré, offusqué.

 

Encadré 5

« La femme de Jérôme Bougma a donné 500 000 FCFA pour libérer les prisonniers »

 

Dans son récit, Faisal Nanéma a fait cas de 500 000 FCFA qu’il aurait reçu de l’épouse de l’ancien ministre de la Sécurité Jérôme Bougma, Alima Kagoné, pour mobiliser les manifestants dans l’objectif d’aller libérer son époux et tous les autres prisonniers politiques de l’ancien gouvernement de Blaise Compaoré qui étaient incarcérés à la MACO lors du coup d’Etat. Selon les propos de l’accusé, il n’était pas partant pour cette « affaire », voilà pourquoi il a exigé la plus grosse part (300 000 FCFA) ou tout simplement le renvoi de la somme à l’envoyeur. Une décision qui est à l’opposé de tout car on dit couramment qu’« en politique, quand on prend l’argent, on ne le remet plus ».  

 

Encadré 6

« Salifou Diallo est mort mais n’est pas enterré… »

 

« Salif Diallo est mort mais n’est pas enterré pour moi », a soutenu à la barre Faisal Nanéma. Pour ce dernier, l’ancien président de l’Assemblée nationale ne sera enterré que le jour où il pourra s’incliner devant sa tombe et présenter ses condoléances à la famille. A l’en croire, la relation qui existe entre le défunt et lui date d’il y a belle lurette. Durant les trois ans que Salifou a été ambassadeur en Autriche, Nanéma scannait chaque matin tous les quotidiens et les lui faisait parvenir par mail. Mais aujourd’hui, c’est ce même Nanéma qui est accusé d’avoir joué à l’indicateur de son domicile aux pyromanes. Pour lui, même si d’aucuns critiquaient sa relation très étroite avec Salifou Diallo alors qu’ils sont de partis politiques différents, ce n’était pas un problème car « je ne m’en préoccupais pas parce que la relation humaine est plus importante que la politique ».

 

Encadré 7

« L’encéphalopathe » de Safiatou Lopez

 

Le mis en cause n’a visiblement pas digéré le mot « encéphalopathe » employé par Safiatou Lopez dans l’un de ses procès-verbaux pour le caractériser et l’incriminer d’avoir participé au saccage de son domicile. Alors que ce P-V a été lu le vendredi dernier, celui qui bute souvent sur les mots et qui articule difficilement, a tenu mordicus à ce que le ministère public relise la même déclaration afin qu’il puisse la commenter et démontrer par A + B qu’ils ne le connaissaient pas.  Mais peine perdue puisque le parquet n’a pas satisfait à sa demande. Néanmoins, Faisal ou le « leader politique » a souhaité que Safiatou « recouvre la liberté pour continuer son rôle de contre-pouvoir lorsque nous (Ndlr : le CDP) reprendrons le pouvoir en 2020 ».

 

Encadré 8

Quand deux détenus en viennent aux mains

 

Rarement un accusé n’a autant fait rire le public tant par le balbutiement dans ses propos que ses déclarations souvent fracassantes. Faisal Nanéma l’a fait. Une de ses phrases choc a amené son conseil commis d’office, Arno Sanpebré, à vouloir se déporter. La raison ? Tout est parti de la lecture par le parquet militaire d’un procès-verbal de Dah Sami. Selon le Caporal, le 20 septembre à l’hôtel Laïco, le « leader politique » a porté la main sur Nicolas Kaboré qui était le garde du corps de Roch Marc Christian Kaboré (président du MPP d’alors). Selon Nanema Ousséini Faisal, la déclaration de Dah Sami est teintée de contrevérité car lors de son interrogatoire, le Caporal a affirmé être aux côtés de Gilbert Diendéré jusqu’au 21 septembre. Or, selon Nanema, le 20 septembre celui qu’il appelle affectueusement son oncle n’a pas mis les pieds à Laïco. Alors comment le caporal peut-il y être ? « Peut-être qu’il profitait du repos du Général pour aller faire autre chose.Voici un suspect sérieux qu’il ne faut pas laisser. Ce sont eux qui, en V8 et munis de kalachnikov, partaient en ville pour terroriser les populations », a dit celui qui affirme avoir commencé à fréquenter les gens du RSP depuis 2003. Rires étouffés dans la salle.

Dans la foulée, son avocat Arno Sanpebré a demandé une suspension de l’interrogatoire. A la reprise le Conseil a fait savoir qu’étant l’avocat des deux accusés, il aimerait se déporter sur les deux dossiers pour éviter un conflit d’intérêts. Ses confrères de la partie civile et ceux de la défense ont salué une décision sage et conforme à la déontologie du métier.  Le parquet militaire a interrogé l’accusé pour savoir si ce qu’il affirme est vrai ou bien s’il l’a fait par inimitié. Nanema a répondu qu’il a juste fait des « suppositions ». Pour le ministère public, il existe également une inimitié entre les deux accusés qui, à la MACA, se sont bagarrés.

Par rapport au désir de l’avocat de se déporter du dossier des deux coaccusés qui entretiennent une inimitié, c’est au bâtonnier de trancher sur la question. En attendant l’avis de Me Paulin Salembéré, l’interrogatoire de Faisal Nanema a été suspendu.

 

Encadré 9

Le Dossier de Damiss ouvert

 

Après la suspension de l’interrogatoire de Faisal Nanema, Adama Ouédraogo, dit Damiss, chef du desk politique de L’Observateur Paalga au moment des faits, a été appelé à la barre pour répondre de trois chefs d’inculpation : complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, responsable de la mort de 13 personnes et coups et blessures volontaires sur 42 personnes. L’actuel directeur de publication du journal « le Dossier », jamais condamné, a plaidé non coupable avant que son interrogatoire ne soit suspendu pour reprendre ce mardi matin.

 

San Evariste Barro

Hadepté Da

J Benjamine Kaboré

 

 

Dernière modification lemardi, 09 octobre 2018 16:48

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