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Lutte contre l’insécurité au Burkina : Me Paul Kéré à Roch et Blaise

Dans une lettre ouverte, dont nous avons fait cas dans notre édition n° 9711 du vendredi 12 octobre 2018, dans Une lettre pour Laye, Me Paul Kéré suggérait à Roch Marc Christian Kaboré de prendre langue avec Blaise Compaoré afin qu’ensemble ils trouvent une solution à l’insécurité au Burkina Faso. Aujourd’hui, l’avocat a fait parvenir à notre rédaction une copie de sa missive qu’il a adressée à l’ancien président du Faso qui vit, on le sait, en Côte d’Ivoire depuis 4 ans. Nous publions, à titre documentaire dans la présente, les deux correspondances.

 

 

 

Excellence Monsieur le Président du Faso,l’heure est grave pour notre beau pays, le Burkina Faso, en raison des nombreuses victimes civiles et militaires depuis votre élection le 29 décembre 2015 à la Magistrature suprême de notre pays. Il y a, selon le décompte officiel dévoilé par les services compétents, plus de 280 personnes mortes depuis votre accession à la présidence du Faso. Je ne souhaite surtout pas effectuer une quelconque comparaison avec d’autres régimes politiques au Burkina, mais simplement vous proposer une solution à ce problème sécuritaire qui est la préoccupation de tout le peuple burkinabè.

C’est trop ! Et trop, c’est trop ! « Enough », comme l’ont dit Shimon Perez et Yacer Arafat lors de leur accord de paix. Ce décompte macabre et funeste ne tient pas compte des victimes dont les corps n’ont pas été retrouvés. Je pèse mes mots pour ne pas attirer les foudres de quiconque et surtout pour ne pas jeter l’huile sur le feu ou ajouter le feu au feu !

Je ne suis pas de ceux qui vous font des déclarations tonitruantes du genre « nous allons terroriser les terroristes », loin s’en faut ! Même la plus grande armée du monde n’a pas pu empêcher la destruction des deux tours jumelles de New York. Alors !

Je souhaite simplement, à travers cette lettre ouverte, apporter ma contribution à la construction de l’édifice « la paix au Burkina Faso » et rechercher une solution de survie pour notre peuple qui n’est déjà pas favorisé par Dame Nature et ce, en ma qualité de citoyen lambda épris de paix et de justice sociale.

Mis à part les problèmes récurrents de développement socio-économique du Burkina Faso, dont vous n’êtes pas, bien sûr, le seul responsable, depuis l’accession de notre pays à l’indépendance dans les années 1960 à nos jours, je souhaite pour l’histoire et la postérité, en application des dispositions de l’article 8 de la Constitution, partager une possible solution qui nous permettrait de préserver la sécurité de nos compatriotes. Ce problème actuel de sécurité au Burkina Faso (qui sera nécessairement et sans doute le thème des prochaines campagnes électorales présidentielle, législatives et municipales 2020) se pose avec acuité dans notre pays : Comment faire ?

Voici, Excellence M. le Président du Faso et après moult réflexions avec un ami journaliste, la piste appropriée que je vous suggère de manière patriotique : aller courageusement rencontrer le Président Blaise Compaoré en République sœur de Côte d’Ivoire et lui dire ceci : « Excellence Monsieur le Président, notre pays traverse une crise sans précédent au niveau de la sécurité de nos compatriotes. Je suis ici pour vous rencontrer afin qu’ensemble, nous trouvions une solution rapide et raisonnable à notre problème de sécurité.

Je souhaite que vous nous suggériez des solutions appropriées afin que ce problème soit immédiatement enrayé et qu’un processus de réconciliation nationale de tous les Burkinabè soit engagé ici et maintenant. Je suis en attente de vos suggestions et propositions dans un délai de huit jours compte tenu de la gravité de la situation que nous traversons actuellement ».

Excellence Monsieur le Président du Faso, je suis conscient que cette approche ne sera pas unanimement appréciée par vos propres proches collaborateurs (lesquels trouveront que la situation actuelle leur convient parfaitement parce que la mort de nos concitoyens et des forces de défense et de sécurité ne porte pas atteinte à leurs frais de mission ou à leur caisse noire) ou certaines OSC, qui brillent actuellement par le « silence des gens de biens », et encore moins par certains de vos partisans insolents (qui considèrent que vous êtes déjà réélu en 2020) alors que la démarche que je vous propose est celle d’un homme libre, digne, d’un patriote prêt à sacrifier tous les intérêts égoïstes sur l’autel de la sauvegarde de l’intérêt supérieur de la nation.

Mais au juste, Monsieur le Président du Faso, pensez-vous qu’il existe encore des Burkinabè qui ne sont ni de l’opposition ni de votre majorité et qui puissent vous faire des suggestions utiles pour l’intérêt supérieur de la Nation ? La réponse est évidemment Oui ! Les politiciens n’ont pas le monopole de l’amour de notre peuple, et ce peuple-là souffre actuellement. Aidez-le à se relever…

Croyez-moi, si vous faites une telle démarche, que je considère comme salutaire, le peuple burkinabè vous récompensera au centuple. N’attendez pas qu’il y ait davantage de pertes en vies humaines. Ce serait suicidaire… et tout le reste.

A tous ceux qui verraient cette invite au dialogue pour la paix comme une quelconque désignation de coupable des problèmes sécuritaires actuels de notre pays je demande de ne pas accorder une quelconque importance à ces spécialistes de la spéculation rampante et qui n’ont pour soubassement que la haine et l’ignorance de la géopolitique de notre pays.

Ne dit-on pas que celui qui a essayé de faire le bien et qui n’y a pas réussi vaut cent fois mieux que celui qui a tenté de faire le mal et y a réussi ! Je mesure à quel point cette démarche est une décision difficile à prendre…

Cependant, la vie d’un seul Burkinabè est à ce prix. Pensez à la douleur d’une femme qui enfante après neuf mois de gestation, qui ensuite nourrit au sein son enfant pendant plusieurs années, puis assure sa scolarité jusqu’à l’obtention d’un travail pour ensuite mourir dans des conditions inhumaines le plus souvent. Pensez vraiment aux familles des victimes…!

En espérant que vous aurez le courage de surmonter ces difficultés inimaginables et insurmontables, notamment l’avis contraire de certains de nos compatriotes qui n’ont comme maître mot que la haine viscérale de leurs frères et sœurs, j’ose espérer qu’en votre qualité de chef de l’Etat, capable et responsable, vous oserez le dialogue avec le Président Blaise Compaoré pour la paix dans notre pays. Ce ne serait pas un tabou et Dieu seul sait comment vous êtes plus proche du Président Blaise Compaoré de par vos liens tant politiques que d’alliance.

Je vous prie de croire, Excellence Monsieur le Président du Faso, à l’assurance de la plus grande estime en laquelle je vous tiens.

 

A Son Excellence Monsieur le Président Blaise Compaoré,

ex-président du Burkina Faso,

 

Excellence Monsieur le président du Burkina Faso et bien cher frère aîné,

 

C’est la première fois, depuis votre intelligente démission afin d’éviter un « bain de sang » inutile à notre peuple que je m’adresse à vous, même si, très souvent, je prends, à l’instar de nombreux autres Burkinabè anonymes, vos nouvelles en espérant que Dieu vous accorde, dans son infinie grâce, une longue vie et le bonheur familial.

A l’entame de la présente lettre qui vous est ouverte et aux Burkinabè entiers, je souhaite faire, « in limine », trois observations essentielles :

La première, lors de votre avant-dernier voyage à Paris, j’ai sollicité en vain de votre service du protocole à l’époque une audience pour vous dire en face ce que j’avais sur le cœur, à savoir vous dissuader simplement de modifier l’article 37 de la Constitution même si ladite modification était légalement admissible. Seuls son opportunité et le contexte politique étaient inconcevables.

En désespoir de cause, je m’étais résolu à vous adresser une lettre par la voie hiérarchique à travers l’ambassadeur de l’époque du Burkina Faso à Paris ainsi que par l’intermédiaire du premier responsable du département ministériel en charge des Réformes institutionnelles.

En vain! Et c’est vraiment dommage !

Certes, ce qui est passé est passé et je vous suggère, si ce n’est déjà fait, ainsi qu’à tous les Burkinabè, de nous tourner tous désormais et résolument vers l’avenir de notre beau pays en ayant comme seule boussole et seul objectif l’intérêt supérieur du peuple burkinabè. L’erreur n’est jamais diabolique…

En revanche, la persistance dans l’erreur l’est. « Que celui qui n’a jamais péché lève le doigt »? Personne !

En second lieu, vous avez dû certainement lire ma lettre ouverte au Président actuel du Faso, votre ancien premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale, et beau-frère avec lequel vous avez partagé 25 ans de collaboration politique sans discontinuer ni désemparer, Son Excellence Monsieur le Président Roch Marc Christian Kaboré.

Le regretté Salif Diallo vous disait de lui, et c’est avéré, qu’il « n’est pas travailleur ». Pourtant, c’est lui qui préside aujourd’hui aux destinées de notre pays. Seul Dieu donne le pouvoir et personne d’autre !

Quoi qu’il en soit, il semble que l’idée même que le Président Kaboré vienne vous rencontrer à Abidjan, à Niangoloko ou à Ferkéssédougou soit largement partagée à l’heure actuelle par une grande majorité de nos compatriotes (90%). C’est un signe que les Burkinabè constituent un grand peuple, prompt au pardon, lent à la colère conformément aux écritures saintes du Coran et de la Bible, même si je ne suis pas un théologien. C’est peut-être un peuple béni de Dieu à côté du peuple choisi d’Israël.

La troisième et dernière observation avant mon propos tient au fait qu’après la publication de la lettre ouverte à votre successeur, un Burkinabè, tout aussi lambda que moi, m’a appelé pour me dire ceci : « Jeune frère, ne croyez pas que cette lettre au Président Kaboré, approuvée par une écrasante majorité de nos concitoyens, est le fruit de votre intelligence, mais, bien au contraire, celui du Saint-Esprit qui vous a visité». Il m’a ainsi ému en concluant qu’il avait « versé des larmes à la lecture de la lettre ». Par ailleurs, un autre compatriote burkinabè m’a persuadé de vous adresser également une lettre ouverte. Mais avant, je tenais à confesser à vous ainsi qu’à mes frères et sœurs burkinabè que j’ai « péché » par omission en ne vous ayant jamais rendu visite à Abidjan. « La boum ka mandé, ti Wend ka gulsè wakat yé, la Wend Yam ka nisalib raab yé ». En traduction de mooré facile, « rien ne se fait sans la volonté de Dieu et le temps de Dieu n’est pas le temps des hommes. »

Voici enfin le message du fin fond de mon cœur que je tiens à vous délivrer : Si le Président Roch Marc Christian Kaboré prenait, le cas échéant, l’initiative de vous rencontrer à Abidjan, je vous suggère, malgré la tentation, que les portes de votre maison soient grandement ouvertes et qu’il trouve auprès de vous la sève vivifiante du ciment de la paix sociale dans notre pays.

Certes, une minorité de trouble-fêtes (qu’il convient de tolérer parce qu’ils sont des nôtres) de part et d’autre tenteront vainement de saquer et de saboter cette belle initiative pour la paix dans notre pays. Et comme je l’ai antérieurement suggéré au Président Roch Marc Christian Kaboré, n’accordez aucune forme d’importance à ces renégats de la haine fraternelle qui n’ont d’autres objectifs que leur panse personnelle.

En effet, l’intérêt supérieur du peuple burkinabè est au-dessus de ces considérations bassement égoïstes et haineuses. Pour avoir joué un rôle de premier plan dans certaines médiations ouest-africaines, vous mesurez d’ores et déjà, à sa juste valeur j’en suis convaincu, la nécessité d’une telle rencontre fructueuse au cours de laquelle vous prodiguerez certainement des conseils précieux pour la paix au Burkina Faso. La mort des personnes civiles et de nos forces de défense et de sécurité est insoutenable pour notre peuple et aucune solution ne doit être négligée ou économisée.

En espérant une précieuse collaboration avec les autorités actuelles de notre pays en vue de la recherche de la paix pour la cohésion sociale dans notre pays, je vous prie de croire, Excellence Monsieur le Président, à l’assurance de la plus grande estime en laquelle je vous tiens.

 

Paul Kéré

Citoyen lambda

 

 

Dernière modification lelundi, 15 octobre 2018 23:03

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