Menu

RFI : Eddie sur Blaise

 

Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti de l’ancien président Blaise Compaoré, fait sa rentrée politique le dimanche 18 novembre 2018. A quelque deux jours de la tenue de cette importante rencontre du parti, son président, Eddie Komboïgo, a été, le jeudi 15 novembre, l’invité Afrique de RFI. Nous vous proposons l’intégralité de son entretien accordé à Christophe Boisbouvier.

 

 

Boisbouvier : Le temps de Blaise, c’était bien ou moins bien que maintenant ?

 

 

 

Komboïgo : Je pense que nous avons fait un grand bond en arrière sur tous les aspects : économique et politique. Ceux qui sont sortis, se disant insurgés, depuis le départ, ont cru avoir un changement qualitatif. Mais il faut reconnaître que la gestion d’antan était meilleure que celle d’aujourd’hui.

 

 

 

Boisbouvier : Vous dites que si les gens votent pour vous en 2020, il n’y aura plus d’attaques terroristes. Est-ce que ce n’est pas démagogique ?

 

 

 

Komboïgo : Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit simplement que pour arrêter ces forfaitures, ces attaques barbares dans nos frontières, il faut travailler à l’unité des Burkinabè dans un premier temps, à réconcilier le peuple pour qu’il puisse appuyer une armée forte, bien équipée, bien préparée pour ce genre de choses. Ce qu’il faut également, c’est travailler à ce qu’il y ait un renseignement conséquent et préventif. Il faut aussi travailler à occuper les jeunes qui sont appelés à faire cette basse besogne.

 

 

 

Boisbouvier : Au temps de Blaise Compaoré, le Burkina Faso faisait médiation entre Bamako et les rebelles du Nord au Mali. Ag Gali était reçu au Burkina par exemple. Est-ce qu’en échange, Blaise Compaoré n’avait pas négocié la sanctuarisation du Burkina ?

 

 

 

Komboïgo : Je pense qu’il faut poser la question à Blaise Compaoré. Moi, c’est Eddie Komboïgo. Je pense aussi qu’il n’existe aucun pays au monde qui ne cherche pas à développer son service de renseignement et à négocier, quand c’est nécessaire de négocier, pour avoir la paix. Je n’ai pas géré, j’étais seulement député en 2012-2013-2014. Je pense que ceux qui ont géré avec Blaise sont aujourd’hui au pouvoir. Alors si c’était le cas, ils auraient la solution.

 

 

 

Boisbouvier : Vous dites aussi qu’au temps de Blaise Compaoré, l’économie se portait mieux. Mais n’est-ce pas à cause de la détresse économique et sociale que les gens sont descendus dans la rue pour renverser Blaise Compaoré en fin octobre ?

 

 

 

Komboïgo : Il faut resituer les choses. Les gens sont descendus, demandant qu’il n’y ait plus de pouvoir à vie, qu’il n’y ait pas la révision de l’article 37 qui consacrait que Blaise Compaoré puisse reconduire un nouveau mandat. Après 27 ans, ils avaient certainement raison. Les autres disent que 27 ans de règne, c’est trop, à tort ou à raison. Mais nous constatons qu’aujourd’hui la relève que nous attendions qualitative, qu’elle fasse monter l’économie, donne de l’emploi aux jeunes, n’existe pas, et nous attendons toujours de voir. Nous avons constaté qu’il y a 473 écoles qui ont été fermées, mettant à la rue 64 000 élèves et plus de 2000 enseignants. Qu’est-ce qu’ils sont devenus, ces gens-là ? Nous constatons que la vie devient de plus en plus chère, qu’on a augmenté les prix du carburant, de l’eau. Nous pensons que le CDP est le meilleur parti qui peut ramener une meilleure qualité de vie aux Burkinabè.

 

 

 

Boisbouvier : Donc avec le recul, vous dites, 27 ans de pouvoir, ça suffit. Blaise a eu tort de vouloir réviser l’article 37 de la constitution pour se maintenir ?

 

 

 

Komboïgo : Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je dis qu’à ce moment, ceux qui sont sortis souhaitaient qu’on ne révise pas l’article 37. Nous sommes partis pour voter une loi qui devait consacrer la modification de l’article 37. Je vous dis que, jusqu’à la fin du monde, on ne saura pas l’issue de ce vote puisqu’on n’a pu voter.

 

 

 

Boisbouvier : Donc, vous ne répondez pas par oui ou non. Vous vous dérobez à cette question quoi ?

 

 

 

Komboïgo : Pas du tout. Je réponds à votre question, Monsieur Boisbouvier (rires).

 

 

 

Boisbouvier : Le putsch avorté de 2015 mené par le Général Diendéré, vous êtes pour ou contre ?

 

 

 

Komboïgo : La prise du pouvoir par la force n’est pas  l’arme du CDP. Le CDP compte revenir au pouvoir en reconquérant le cœur des Burkinabè, en allant aux urnes. La meilleure manière  d’avoir l’autorité, pour pouvoir bien gérer un pays, c’est d’avoir les voix des Burkinabè. C’est pourquoi le CDP n’entend pas conquérir le pouvoir autrement que par les urnes.

 

 

 

Boisbouvier : Pourtant au moment de ce putsch, sur France 24, l’un de vos camarades, Léonce Koné, qui était vice-président du directoire de votre parti, a légitimé le putsch en disant, à propos du régime de transition, quand on se comporte de cette manière, ces choses arrivent.

 

 

 

Komboïgo : C’est son analyse. Ce n’est pas l’analyse du CDP.

 

 

 

Boisbouvier : Mais il était l’un des patrons du CDP quand même.

 

 

 

Komboïgo : Je suis le président du CDP. Je ne l’ai pas dit et après moi il y avait un vice-président qui ne l’a pas dit.

 

 

 

Boisbouvier : Est-ce qu’il n’a pas dit tout haut ce que vous pensiez bas ?

 

 

 

Komboïgo: Il aurait fallu qu’une instance se réunisse, que le bureau exécutif du CDP se réunisse pour porter la position du CDP. Cette réunion n’a jamais eu lieu.

 

 

 

Boibouvier : Certains disent que, malgré ses imperfections, le régime issu de l’insurrection de 2014 a au moins une qualité, il sait défendre la liberté d’expression.

 

 

 

Komboïgo : Oui, mais la liberté d’expression est battue en brèche aujourd’hui quand on sait qu’il y a des membres de la société civile qui sont attrapés et enfermés, je veux citer Pascal Zaïda, Naïm Touré et Safiatou Lopez. Ils nous ont combattus à l’époque, mais aujourd’hui ne peuvent même pas s’exprimer.

 

 

 

Boibouvier : En décembre 1998, sous le régime de Blaise Compaoré, notre confrère Norbert Zongo a été assassiné. Aujourd’hui, François Compaoré, le frère cadet du président de l’époque, est l’un des 4 inculpés dans l’affaire judiciaire. Est-ce qu’au moins aujourd’hui les journalistes n’ont pas la vie sauve ?

 

 

 

Komboïgo: Jusqu’à présent, je ne pense pas qu’il y ait une juridiction qui ait reconnu la culpabilité de François Compaoré ou de qui que ce soit.

 

 

 

Boisbouvier : Donc pour vous, l’affaire Norbert Zongo n’a rien à voir avec le régime Compaoré ?

 

 

 

Komboïgo : Ce n’est pas à moi de le dire. Je pense que ceux qui pensent que cela est en rapport avec le régime de Blaise sont allés devant les juridictions, puisqu’il appartient aux juridictions de dire le droit.

 

Puisque moi-même j’ai été emprisonné en 2015 parce que moi-même, on m’a faussement accusé d’avoir soutenu le putsch, mais après deux ans d’instruction, la justice m’a blanchi complètement.

 

 

 

Boisbouvier : En 2020, qui sera le candidat de votre parti CDP ? Son président, c’est-à-dire vous-même ?

 

 

 

Komboïgo : Le CDP a des manières de choisir et il appartiendra aux instances de choisir les candidats du CDP à la présidentielle et également aux législatives.

 

 

 

Boisbouvier : Depuis l’issue de votre dernier congrès, en mai dernier, Blaise Compaoré est le président d’honneur de votre parti et doit valider le nom du futur candidat pour 2020. Est-ce à dire que depuis son exil d’Abidjan, il reste l’homme qui tire toutes les ficelles du CDP ?

 

 

 

Komboïgo: Non, nous pensons simplement que Blaise est un homme qui a complètement donné la moitié de sa vie à servir le Burkina, qui a géré le pays pendant 27 ans, qui est pétri d’expériences. On a voulu lui faire honneur en lui permettant également de donner son avis sur le choix du prochain candidat à la présidentielle. Mais nous pensons que c’est un homme très réservé, très posé et qu’il ne s’y immiscera pas d’une manière désordonnée comme vous le pensez, qu’il laissera faire les instances.

 

 

 

Boisbouvier : Mais d’après votre congrès de mai dernier, il valide le nom de votre futur candidat, il valide votre futur programme. C’est fort, il a un pouvoir.

 

 

 

Komboïgo : Non, c’est parce que nous ne voulons pas l’écarter. Il doit également avoir son avis, le CDP reste un parti de Blaise Compaoré.

 

 

 

Boisbouvier : Votre parti est divisé entre ceux qui veulent s’émanciper de Blaise Compaoré et ceux qui veulent lui rester fidèles, Vous, vous êtes dans la deuxième catégorie, celle des fidèles ?

 

 

 

Komboïgo : Je ne vois pas un seul membre qui veut s’émanciper de Blaise Compaoré dans le CDP. Nous avons dit que Blaise ne souhaite pas revenir à la direction du parti, encore moins à la direction du pays. Blaise est un homme politique comme tant d’autres. Je veux parler de Mélégué Traoré, de Yéro Boli, de Topan Sané, d’Arsène Bognessan Yé et j’en passe, qui sont là et des personnes-ressources toujours avec nous qui peuvent nous pousser à aller de l’avant en évitant les erreurs du passé.

 

 

 

Boisbouvier : Donc pour vous, Blaise peut revenir dans l’action du quotidien comme avant octobre 2014 ?

 

 

 

Komboïgo : Je ne le lui ai pas demandé.

 

 

 

Boisbouvier : La dernière fois que vous l’avez vu à Abidjan, qu’est-ce qu’il vous a dit ?

 

 

 

Komboïgo : Il m’a souhaité bon courage. Il sait que ce n’est pas facile. C’est la première fois que notre parti vit l’opposition, il sait que nous avons des épreuves, il faut continuer le travail, il a confiance en nous.

 

 

 

Boisbouvier : C’est après le congrès de mai dernier ?

 

 

 

Komboïgo : Juste après le congrès et une deuxième fois encore.

 

 

 

Boisbouvier : récemment ?

 

 

 

Komboïgo : Oui.

 

 

 

Boisbouvier : Il va revenir au pouvoir ?

 

 

 

Komboïgo : Je ne le lui ai pas demandé. Je ne crois pas que ce soient les ambitions de Blaise Compaoré, il ne l’a pas dit. Par contre, revenir dans son pays, vivre comme un citoyen normal et contribuer par ces conseils avisés au développement du pays, ça, oui.

 

 

 

Boisbouvier : Mais il est poursuivi par la justice de son pays, notamment dans le dossier Thomas Sankara.

 

 

 

Komboïgo : Ecoutez, sur le dossier Thomas Sankara, s’il doit répondre, il répondra. Si on estime qu’il faut une justice transitionnelle où on permet aux uns et aux autres pas de faire table rase mais de dire la vérité sur Thomas Sankara et permettre une réconciliation, nous sommes tout à fait favorables.

 

 

 

 

 

Propos retranscrits par

 

Alima Séogo Koanda

 

 

 

Dernière modification ledimanche, 18 novembre 2018 21:17

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut