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Ministère de la Défense : « Le terrorisme monte, le budget baisse »

Au cours d’un panel sur le terrorisme, organisé le 23 novembre 2018  par l’institut Free Afrik à Ouagadougou,  le Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo, a pointé du doigt les incohérences du budget alloué à la Défense dont la part par rapport à la dépense publique est en baisse depuis 2015  alors que la menace sécuritaire est au plus haut.

 

 

« Pourquoi nous détestent-ils ? » Cette question qui sonne comme une  antienne de tous les peuples ou groupes pris pour cibles sans qu’ils en sachent vraiment la raison, les Burkinabè se la posent également depuis que le pays s’est retrouvé subitement en avril 2015 dans l’œil du cyclone terroriste. Devant un public hétéroclite composé, entre autres, d’étudiants, de chercheurs, de partenaires de Free Afrik, et de différentes personnalités, les trois panelistes, l’expert en sécurité, Sadou Sidibé et les chercheurs,  Mahamoudou Savadogo et Ra-Sablga Seydou Ouédraogo  ont, tour à tour, apporté un début de réponse. Premier à tenir le micro, Sadou Sidibé a expliqué que le mal terroriste au Burkina trouve ses racines en des facteurs  endogènes et exogènes. Dans le  premier type, le chercheur cite des facteurs politiques (corruption, défiance envers l’autorité de l’Etat, incivisme), socio-économiques (pauvreté, chômage, conflits pour l’accès au foncier et aux ressources naturelles, trafic de drogue) et socioculturels (montée des pratiques religieuses conservatrices). Se faisant plus précis, l’ancien gendarme, Mahamoudou Savadogo, a fait observer que si les forces du mal ont trouvé un terreau fertile à l’Est, c’est parce que c’est la deuxième région la plus pauvre du pays, où ils se sont posés en défenseurs des populations. Alors que les concessionnaires de chasse ont toujours interdit l’accès  des autochtones à leur domaine, les djihadistes rebattent les cartes, allant même jusqu’à prendre le contrôle des sites d’or et à y autoriser leur exploitation, alors que l’Etat proscrit l’activité.

Pour le directeur exécutif de l’institut Free Afrik, Ra-Sablga  Ouédraogo,  même si les facteurs exogènes, comme les enjeux géostratégiques que représentent le Sahel ou la crise libyenne, peuvent permettre d’expliquer le phénomène, les facteurs internes  sont plus déterminants. L’économiste se remémore l’ère Blaise Compaoré où le Burkina offrait gîte et couvert aux obscurantistes, cite, entre autres, la désorganisation de l’administration, de l’armée et du renseignement après la chute de l’ancien président, le problème de commandement et le manque d’équipement des FDS et indexe la frustration et le sentiment d’injustice des populations du Sahel  et de l’Est qui pensent être des laissé-pour-compte ou être flouées par l’Etat sans oublier les exactions dont elles sont victimes de la part de ceux qui sont censés les protéger. Le chercheur dénonce en outre un « débat public de mauvaise qualité » qui ne donne par la priorité au défi  sécuritaire qui est, selon lui, le plus grand auquel le pays doit faire face. Un fait évocateur  de cette situation, selon lui, c’est que pendant que le montant alloué chaque année au titre des fonds communs aux agents du MINEFID est en constante hausse, atteignant  près de 60 milliards de francs CFA en 2017, soit 4% des recettes fiscales, la part des dépenses militaires dans les dépenses publiques est, elle, en chute libre depuis 2015. Elle était évaluée à  5% de l’ensemble des dépenses en 2017 alors qu’elle se chiffre à 17% du côté de notre voisin malien lui aussi, en proie au narco-djihadisme. Il y a , estime-t-il, un paradoxe entre le discours politique qui érige la lutte contre le terrorisme en grande cause nationale et la réalité du budget qui  montre que vaincre le fléau n’est pas la première des priorités. Une partie de la solution passe donc,  soutient-il, par la construction d’un élan national pour la défense et la sécurité, la réforme et la mise à niveau des FDS  ainsi que la refonte du débat public pour donner la priorité au plus important.

Comme remède au mal,  Sadou Sidibé propose,  lui, l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent, le renforcement des capacités organisationnelles et opérationnelles des FDS, en particulier aux frontières, la restauration de l’autorité de l’Etat ainsi que la mise en  place de  programmes répondant aux besoins de base des communautés. Mahamoudou Savadogo pense pour sa part que pour couper les têtes de l’hydre, il faut commencer par impliquer les chefs traditionnels et donner du sens à l’identité nationale.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemardi, 27 novembre 2018 23:07

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