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Roch, trois ans après: Un gâteau d’anniversaire au goût amer

Mine de rien, ça fait déjà trois ans ! C’est en effet le 29 novembre 2015, après une année mouvementée suite à l’insurrection et au coup d’Etat, que Roch Marc Christian Kaboré a été élu, un « winvouka », comme on le dit chez les Mossis, communauté dont il est issu, autrement dit un coup K.-O. magistral par le score de 53% face à 14 candidats parmi lesquels son principal challenger, Zéphirin Diabré, qui s’en est sorti avec 29% des voix exprimées. C’était censé être le mandat de la rupture et du renouveau, à la fois sur les plans politique et économique après les 27 longues années de Blaise Compaoré et les vicissitudes politiques liées à l’insurrection, à la transition chaotique et au putsch.

Trois années après, le gâteau d’anniversaire a un goût plutôt amer. Non pas seulement, il est vrai,  du fait du pâtissier qui aura raté son œuvre, mais aussi parce que d’autres ingrédients exogènes sont venus, hélas, contribuer à faire rater la recette. Au premier rang de ceux-ci, la montée du terrorisme dont on avait en réalité eu un avant-goût sous la transition avec l’enlèvement, le 4 avril 2015, d’un agent de sécurité d’origine roumaine officiant dans une mine de manganèse dans le nord du pays. Mais ce n’était rien par rapport à la déflagration qui allait accueillir le nouveau régime, alors que le gouvernement venait à peine d’être formé, avec l’attaque du café-restaurant Cappuccino le 15 janvier 2016.

Trois années après, on n’est hélas pas sorti de ce cercle de feu, puisque le cancer s’est même métastasé au point de s’être propagé aujourd’hui à presque toutes les parties du pays, à commencer par la capitale Ouagadougou, frappée par deux fois : d’abord il y eut  l’attentat au café Aziz Istanbul (13 août 2017) et ensuite l’attaque simultanée de l’état-major général des armées et de l’ambassade de France (2 mars 2018).Ainsi donc, le Centre, l’Est, l’Ouest et surtout le Nord, particulièrement la province du Soum, où l’hydre a fini par s’installer, sont le théâtre d’attaques.

En novembre 2017, le bilan macabre faisait état de 80 attaques et de 133 morts, particulièrement dans les rangs de ceux qui sont chargés d’assurer notre sécurité.

Le péril sécuritaire aura donc dès l’entame été la grande tache noire… pardon… rouge, sur la copie de  Roch. Parviendra-t-on un jour à trouver une solution à ce mal qui nous ronge ? On s’interroge, car si le terrorisme n’est pas le fait du gouvernement, les réponses, à la fois politiques, sécuritaires et sociales, apportées se sont révélées jusque-là inopérantes. On a le sentiment qu’on tâtonne un peu et que tous les moyens ne sont pas mis à la disposition des FDS pour contrer cet ennemi invisible.

Et que dire de certains choix politiques sujets à caution ? Cela étant, pour ne rien arranger, les syndicats ont multiplié revendications sur revendications, obligeant Roch Marc Christian Kaboré à multiplier dangereusement les libéralités pour avoir la paix sociale, même si celle-ci par nature est toujours temporaire. L’Etat ayant toujours d’ailleurs l’art de retirer d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Pour avoir cadeauté quelque 200 000 fonctionnaires, ce sont les 22 millions de Burkinabè qui trinquent, avec notamment la récente augmentation du prix des hydrocarbures, que les cours du pétrole à eux seuls ne justifient pas en réalité, le locataire de Kosyam ayant besoin d’argent frais pour tenir les nombreuses promesses qu’il a faites.

Pour être juste, il faut reconnaître que nonobstant le contexte hostile dans lequel il s’est installé, nonobstant la surenchère syndicale, le nouveau maître du pays est quand même parvenu à poser des actes forts dans les domaines social et économique. Le bilan, il est vrai, reste à faire, mais l’on peut citer à ce propos la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, la disparition progressive des écoles sous paillote et la réalisation d’infrastructures routières.

Mais Roch et les siens ont beau se démener comme de beaux diables, ils semblent victimes d’une perception négative des Burkinabè pour qui, de Blaise Compaoré à Roch Marc Christian Kaboré, rien n’a vraiment changé. Il est vrai qu’il faut reconnaître que la gouvernance n’est pas toujours aussi vertueuse qu’on le voudrait, avec surtout ces petits et grands scandales qui éclatent de temps à autre. Le président du Faso, qui a d’ores et déjà proclamé être candidat en 2020, parviendra-t-il à gommer cette perception négative qui lui colle à la peau ? Là est la grande question. Alors que dès 2019, il aura déjà l’esprit à 2020.

 

Issa K. Barry

Dernière modification levendredi, 30 novembre 2018 01:35

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