Menu

Corruption dans la santé : «Le système est gangrené du plus petit brancardier au MCD» (Sagado Nacanabo, secrétaire exécutif adjoint du REN-LAC)

 

Dans le rapport général 2017 du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), le secteur de la santé occupe la 13e place. Mais les plaintes récurrentes et les dénonciations des populations montrent que les rackets des malades et autres actes corrupteurs des agents de santé sont criards.  Pour un domaine social aussi sensible et prioritaire, le REN-LAC a voulu comprendre davantage la situation en menant une étude plus poussée dans le secteur. Les résultats de cette étude intitulés « Présomptions de corruption et pratiques assimilées dans le système et les services de santé au Burkina » ont été présentés à la presse le 9 décembre dernier à l’occasion de la commémoration des Journées nationales de refus de la corruption (JNRC). Et selon le secrétaire exécutif  adjoint du REN-LAC, Sagado Nacanabo, avec qui nous avons échangé le mardi 11 décembre sur le document, les résultats ont été plus révélateurs que les plaintes. Et c’est tout le système sanitaire, du simple brancardier au M-CD ou au médecin spécialiste, qui est corrompu.

 

 

Selon lesecrétaire exécutif adjoint du REN-LAC, Sagado Nacanabo, c’est suite aux plaintes récurrentes des populations, soit directement au REN-LAC ou à travers la presse, notamment dans les émissions interactives, que sa structure a décidé de mener cette étude. Une enquête a alors été menée courant octobre 2017 dans six régions administratives, dans de grandes villes comme Ouaga, Bobo, Ouahigouya, Titao, Tenkodogo, Zabré, Dédougou, Nouna, Gaoua et Batié. Les cibles étaient des utilisateurs (malades et accompagnants) des services publics de santé (centres de santé, laboratoires d’analyses), les partenaires sociaux et les agents de santé eux-mêmes. Selon Sagado Nacanabo,les résultats ont été plus révélateurs que les plaintes reçues.

 

«Les résultats ont montré qu’il y a la corruption dans les services de santé, à tous les niveaux, dans toutes les localités. Toutes les catégories socioprofessionnelles en sont concernées. Du plus petit brancardier au médecin spécialiste », a-t-il diagnostiqué.

 

Disséquant les données, il a indiqué qu’il y a deux catégories de corruption : la petite corruption et la grande.

 

        

 

Les blocs chirurgicaux fonctionnent comme une mafia

 

 

 

La première catégorie est considérée comme toute pratique utilisée par des agents de santé pour soutirer de petites sommes d’argent ou d’autres avantages indus des usagers. Ce sont, entre autres actes, les rackets, la vente directe de produits au malade, les surfacturations des médicaments, le détournement des médicaments subventionnés au profit des pharmacies privées et le non paiement à la caisse d’analyse médicale, d’imagerie ou de prise en charge. « Dans un centre de santé, sur 36 personnes, 16 ont attesté, suite à un entretien de sortie, qu’ils ont fait l’objet de rackets de la part du personnel », a relevé le SE adjoint du RENLAC. 

 

L’enquête a aussi montré qu’au Burkina, il y a des services de chirurgie où l’on opère des malades qui ne sont même pas enregistrés au bloc opératoire comme devant être opérés, c’est-à-dire que ces malades ne passent pas à la caisse s’acquitter des frais d’intervention. La plupart des blocs chirurgicaux du Burkina, dira monsieur Nacanabo, fonctionnent comme une mafia. « Dans ces services, on utilise même des métaphores comme hernie alimentaire pour montrer qu’il mangent dedans. Même les chefs ne savent pas combien de personnes ont été opérées. Les sommes d’argent reviennent à ceux qui posent l’acte, comme un bonus. Le grand mal, c’est que la hiérarchie en est au courant mais semble incapable d’y trouver un remède », a-t-il regretté.

 

Le partenariat avec les délégués médicaux favorise aussi la corruption, en ce sens que ces derniers donnent des présents sous diverses formes, financent des congrès ou payent des équipements aux agents de santé en contrepartie de la prescription des produits qu’ils commercialisent ; ainsi les agents de santé ont une obligation de résultats et prescrivent coûte que coûte ces produits.    

 

Une autre pratique corruptrice, c’est le détournement de malades des services de santé publics vers le privé.

 

                     

 

Les 10% des M-CD

 

 

 

Quant à la grande corruption, elle est définie comme « l’ensemble des pratiques conçues dans les milieux politico-administratifs pour abuser de l’autorité à des fins privées et/ou individuelles ». C’est dire qu’elle concerne de grosses sommes d’argent ou d’autres payements en nature (commissions, pots-de-vin, détournements). Elle touche de grandes boîtes du système sanitaire comme la CAMEG et des services comme la  DGPLM.

 

« Tout le monde a suivi la crise à la CAMEG. Ça cache de grands intérêts, une affaire de ristournes aux coûts de milliards. Mais il y a l’opacité dans la gestion de cette boîte dont le chiffre d’affaires annuel s’élève à une trentaine de milliards, sinon plus », a relevé Sagado Nacanabo.

 

Au niveau de la Direction générale de la pharmacie, du médicament et des laboratoires (DGPLM), il existe un conflit d’intérêt : « Vous imaginez, vous, un responsable de cette structure qui ouvre parallèlement, par prête-nom interposé, un laboratoire et fabrique un produit dont sa structure a besoin ? Dans ce cas, il devient juge et partie, en quelque sorte il vend quelque chose que lui-même achète. Il fait des commandes à des centaines de millions à lui-même », a-t-il encore dénoncé.

 

A ces pratiques s’ajoute la gestion des crédits délégués par les districts. Selon l’adjoint de Claude Wetta, l’Etat vote un budget annuellement pour faire fonctionner ces districts. Mais concernant les marchés octroyés, que ce soit les marchés de crédits délégués ou les autres marchés, les fournisseurs versent un certain pourcentage aux districts. Le montant n’est pas officiel, mais ce qui est courant, c’est 10% du marché. Et ce sont les médecins-chefs de districts (MCD) qui prélèvent ces 10%.   

 

Les actes de corruption dans le secteur de la santé sont dus à de nombreuses failles dans le système, notamment une mauvaise organisation, a conclu monsieur Nacanabo.

 

A l’entendre, l’inspection chargée même de combattre la corruption est négligée, et ne peut pas faire grand-chose contre. Il a donc invité les décideurs politiques à une meilleure organisation des services de santé pour lutter contre la corruption.

 

 

Alima Séogo née Koanda

 

Tél. : 79 55 55 51

 

Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut