Logo
Imprimer cette page

Une Lettre pour Laye : Ça plane pour l’armée burkinabè

 

Cher Wambi,

 

L’année 2019 a commencé dans le sang, encore le sang et toujours le sang. Ça pète de partout au point que les Forces de défense et de sécurité (FDS) ne savent même plus à quel saint se vouer ou plutôt vers quel front se tourner. Parmi les difficultés qui assaillent nos soldats dans cette lutte contre le terrorisme, il y a, tu le sais, le problème des moyens logistiques dont nos hommes ont besoin pour être efficaces sur le terrain.

 

 

Bien sûr, il faudra du temps pour résoudre convenablement cette difficulté, d’autant plus que le matériel de guerre coûte excessivement cher. Mais petit à petit, le gouvernement est en train de consentir des efforts énormes pour l’équipement de nos soldats, et cela est un geste louable qu’il convient de saluer à sa juste valeur.

 

Cher cousin, à ce propos, par une source bien introduite, je viens d’apprendre que le Burkina a commandé deux hélicoptères de combat russes, dont un est déjà livré ; l’autre le sera dans deux ou trois mois. Les deux appareils ainsi que les munitions qui vont avec auraient coûté quasiment 16 milliards de nos francs. Notre pays n’ayant pas d’équipage formé à ces types d’appareils, des instructeurs russes seraient arrivés à Ouagadougou pour assurer le transfert de savoir-faire. Vivement que nos pilotes soient vite aux commandes de ces hélicoptères pour enfin « terroriser les terroristes », comme on nous l’avait promis. J’espère en effet, cher cousin, que ces deux libellules de fer, en attendant d’autres, chinoises, nous seront très utiles dans le maillage du territoire national et nous aideront à avoir un atout décisif sur ces terroristes qui sont en train de nous pourrir la vie.

 

J’ai appris d’ailleurs, cher Wambi, toujours concernant la sécurité dans notre pays, qu’une unité canine serait également en gestation quelque part. Ces chiens nous seront très utiles dans la détection des mines. Comme tu le sais, cher cousin, ces fameux engins explosifs improvisés font  depuis quelque temps des dégâts énormes dans les rangs de nos forces de défense et de sécurité.

 

 

 

Cher Wambi, comme tu le sais, au procès du putsch manqué de septembre 2015, l’audition des accusés est pratiquement terminée. Il ne reste plus que deux personnes à entendre, le sergent Lamoussa Badoun et le commerçant Yacouba Kinda. Mais Seidou Ouédraogo, le président de la chambre de première instance du tribunal militaire, a décidé de disjoindre les dossiers de ces deux accusés. La raison en est que Badoun, dont l’audition avait été suspendue, se retrouve aujourd’hui sans avocat, son conseil jusque-là, Me Stéphane Ouédraogo, s’étant déporté. S’il faut lui  en commettre un d’office, cela pourrait retarder un peu le procès ; quant à Yacouba Kinda, il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international depuis mars 2017, mais c’est seulement en novembre 2018 qu’il a été alpagué, et sa citation à comparaître ne date que du 9 janvier 2019. Autant dire que son dossier est tout nouveau. Avec cette disjonction de procédure, Lamoussa Badoun et Yacouba Kinda seront jugés carrément après le jugement qui a cours à la salle des Banquets de Ouaga 2000.

 

Au sujet de ce procès, tu te rappelles, cher cousin, que l’audition du général de gendarmerie, Djibrill Bassolet, s’était terminée un peu en queue de poisson si bien qu’il n’avait pu prononcer son mot de fin. Eh bien,  j’ai pu m’en procurer une copie que je te propose ici in extenso.

 

« Monsieur le Président ;

 

Monsieur le Conseiller ;

 

Monsieur le Général et ;

 

Messieurs les Officiers supérieurs, juges assesseurs militaires ;

 

Vous m'avez, pendant près de deux semaines qu’a duré mon interrogatoire, permis de m’expliquer sur les chefs d’accusation de complicité à la sûreté de l’Etat, de meurtres, de coups et blessures volontaires et de trahison.

 

A mon humble avis, ce débat, assez vif par moments, ne fait que confirmer le constat que nous faisions, à savoir qu’aucune constatation, aucun fait matériel n’établit ma culpabilité, pas plus qu’aucune déclaration de témoin ou de coaccusé ne me met en cause.

 

L’accusation, dans l’impossibilité d’administrer la moindre preuve, se cramponne à des éléments sonores dont nous vous avons largement démontré le caractère illégal et les origines douteuses. Il est ahurissant qu’une justice puisse utiliser de tels enregistrements manipulés comme seuls éléments de preuve dans un procès pénal.

 

Au total, Monsieur le Président, je clame mon innocence comme je l’ai fait dès le premier jour de mon arrestation et au début de l’acharnement politico-judiciaire dont je suis victime.

 

Qu’il me soit permis de témoigner ma grande satisfaction et ma reconnaissance :

 

- au Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire ;

 

- à la Cour de justice de la CEDEAO pour avoir décidé de me faire bénéficier de l’assistance de mes avocats étrangers que la justice militaire avait évincés ;

 

- à tous ceux qui se sont mobilisés à l’intérieur comme à l’extérieur du Burkina Faso pour m’apporter leur soutien et me soulager d’une privation de liberté dont le caractère arbitraire ne fait plus l’ombre du moindre doute.

 

Monsieur le Président, au cours du débat, je me suis refusé à répondre à certaines questions uniquement pour des questions de principe. En effet, discuter de mes soi-disant propos contenus dans des enregistrements sonores aux origines douteuses n’est pas convenable. J’ai préféré, comme je l’ai fait tout au long de la procédure judiciaire, me démarquer d’une manœuvre irrégulière aussi flagrante.

 

Je me suis également abstenu de répondre aux questions des avocats des parties civiles pour éviter les propos passionnés à connotation fortement politique qui auraient inutilement surchauffé les esprits et dégradé la qualité de notre débat qui se veut strictement judiciaire.

 

Je voudrais, néanmoins, réitérer toute ma compassion aux familles des personnes disparues ainsi qu’aux blessés. Je reste persuadé que la meilleure formule pour les soulager de leurs souffrances est que l’Etat, qui est le premier responsable de l’ordre et de la paix publics, répare les préjudices qu’ils ont subis en attendant que la procédure judiciaire, s’il y a lieu, identifie et punisse les responsables de meurtres, des coups et blessures volontaires et autres dégradations des biens qui les ont éprouvés ; indépendamment des poursuites relatives à l’attentat à la sûreté de l’Etat.

 

Monsieur le Président, tout au long de ce débat, j’ai concentré mes efforts sur ma défense afin de vous démontrer que je n’ai en aucune manière commis les infractions qui me sont reprochées. J’ai aussi tenté avec votre indulgence de présenter mon analyse de la situation politique et militaire qui a abouti au coup de force du 16 septembre et des jours suivants.

 

Même en ces moments ultimes de procès pénal, je reste persuadé que la force du dialogue aurait permis de préserver la cohésion et le caractère opérationnel de notre armée au regard surtout de la situation d’insécurité que connait le Burkina Faso. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Je formule le vœu que les différents protagonistes se retrouvent pour consolider le socle précieux de notre armée, basé sur la discipline rigoureuse et la solidarité fraternelle.

 

En tout cas, pour tous mes coaccusés civils comme militaires qui sont essentiellement victimes des turbulences politico-militaires et de leurs règlements de comptes, j’ai envie de dire : quel gâchis !

 

Monsieur le président,

 

Messieurs les membres du tribunal,

 

Je voudrais terminer en vous remerciant pour votre sens de l’écoute et votre patience. Je souhaite que vous demeuriez lucide et vigilant pour la suite. Puissent les vertus de la vraie justice anéantir les affres de l’intrigue et de la manipulation politicienne !!! »

 

 

 

Cher Wambi, ceux qui fréquentent la salle des Banquets de Ouaga 2000 pour suivre les audiences du procès du putsch manqué ont certainement remarqué l’absence,  ces dernières semaines, de Me Mathieu Somé, l’avocat du général Gilbert Diendéré. Cette absence lui a été, en fait, imposée par la maladie : victime d’occlusion intestinale, il a été admis d’urgence à la clinique du Cœur où il a été opéré dans la foulée. Il continue à faire ses pansements et se porte beaucoup mieux aujourd’hui. D’ailleurs hier, j’ai pu lui rendre visite à son cabinet en fin de matinée. Durant une heure, nous avons échangé sur l’évolution du procès du putsch manqué dont l’audience est suspendue du 17 au 20 janvier 2019.

 

Dernière chose sur ce sujet, cher Wambi, pour l’audience du lundi 21 janvier, le tribunal a décidé du retour à la barre pour une audition complémentaire des cinq accusés qui ont procédé à l’arrestation des autorités de la Transition : il s’agit de l’adjudant-chef major Eloi Badiel, de l’adjudant Jean Florent Nion, du sergent-chef Roger Koussoubé, dit « Le Touareg », du sergent-chef Laoko Mohamed Zerbo et du caporal Sami Da.

 

En fait, cet exercice serait en réalité le début des confrontations dans ce procès pour mieux démêler  l’écheveau judiciaire qui nous tient en haleine depuis onze mois.

 

 

 

Cher Wambi, je te propose maintenant de feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante qui y a consigné cette semaine les éléments que voici.

 

 

 

 

 

-Suite à une dénonciation de probable tentative de fraude d’or, sur instruction du procureur général, la brigade antifraude de l’or s’est déportée, le 30 décembre 2018, pour saisir, sceller et déposer des containers chargés de charbon fin de la mine Essakane au port sec de Bobo-Dioulasso. Après les vérifications des documents et les auditions des premiers responsables de la mine Essakane, un rapport d’enquête a été déposé auprès du Procureur général le 7 janvier 2019. Le ministère des Mines a soutenu par voie de presse que cette opération d’expédition de charbon fin est conforme à la loi minière, notamment à l’article 46 de la loi 036/2015 portant Code minier et que la société a obtenu toutes les autorisations nécessaires pour ce faire. Le dossier est depuis entre les mains du Procureur général. Mais à Essakane, on s’inquiète du temps que met le parquet à vider cette affaire. Y a-t-il une enquête complémentaire à faire ? En tout cas tous les regards sont rivés sur le bureau du Procureur.

 

L’impatience d’Essakane s’explique par le fait que la marchandise, dont la valeur est estimée à plus de 7 milliards de FCFA et était en transit pour le Canada via le port d’Abidjan, est aujourd’hui bloquée depuis 2 semaines, ce qui cause un énorme préjudice financier et moral à Essakane, navire amiral de l’exploitation minière au Burkina Faso.

 

 

 

 

 

-Le 9 janvier 2019, des forces de défense et de sécurité ont encerclé le marché de Djibo et procédé à des fouilles.  Leur irruption  a semé la panique au sein des populations. Cette opération de sécurisation est peut-être une des manifestations de l’état d’urgence décrété par le gouvernement pour contenir la menace terroriste. Mais n’y a-t-il pas lieu de communiquer à l’endroit  des populations des régions concernées   sur les implications  d’un état d’urgence afin  qu’elles comprennent, par exemple, qu’en vertu de cette mesure nouvelle, les FDS peuvent débarquer chez elles à n’importe quelle heure sans mandat de perquisition pour  des raisons sécuritaires ?  Dans cette situation, la première guerre que les FDS doivent gagner  est celle de la communication. Cette arme, si elle est mal exploitée, peut se  retourner contre lesdites FDS et même la population.

 

-Le Conseil des ministres en sa séance du mercredi 16 janvier 2019 a adopté deux  rapports  portant indemnisation des paramilitaires (policiers, douaniers,  agents des eaux et forêts,  gardes de sécurité pénitentiaire) ainsi que des agents publics de l’Etat et des collectivités territoriales ayant subi des préjudices dans l’exercice ou en raison de l’exercice de leurs fonctions en cas d’attaques terroristes.

 

On ne peut que saluer une telle mesure, qui comble un vide dans la prise en charge des victimes de la guerre sale que nous font les prétendus djihadistes depuis presque  quatre ans. On aura remarqué cependant que  les gendarmes et les militaires sont absents de cette liste. Est-ce parce que ces derniers, dont la vocation première est la défense de l’intégrité du territoire national étaient déjà  visés dans leurs statuts par ces dispositions ? C’est fort possible.

 

Une chose dérange quand même dans ces décrets : en effet ils semblent discriminatoires  puisqu’ils ignorent royalement les agents du privé  qui peuvent  pourtant, eux aussi, remplir  des missions de service public comme c’est le cas, par exemple, des journalistes. Car les balles des terroristes ne font pas de distinction entre fonctionnaires, paysans, ouvriers et autres. Imaginons par exemple-on touche du bois- qu’au cours d’une mission officielle de l’état-major général des armées dans le cadre de la lutte contre les illuminés, le véhicule transportant les journalistes  tombe dans une embuscade ou saute sur une mine artisanale (à Dieu ne plaise !) . Va-t-on se contenter d’indemniser les journalistes des médias d’Etat et laisser leurs confrères du privé à leur triste sort en leur disant « débrouillez-vous avec vos patrons » alors qu’ils étaient embarqués dans la même galère ? N’y aurait-il pas une injustice quelque part si on devait assister à des situations pareilles ? 

 

 

 

-Décidément, les Canadiens sont dans la tourmente ces derniers temps au Burkina. Depuis mi-décembre 2018, la Sherbrookoise Edith Blais et son ami italien Lucas Tacchetto, qui avaient quitté Bobo-Dioulasso pour Ouaga  avant de rallier le Togo où ils devaient participer à un projet humanitaire, sont en effet portés  disparus. Que leur est-il arrivé ? Ont-ils été enlevés ? Sont-ils toujours vivants ? Ces questions, jusque-là, demeurent sans réponses. Alors que le mystère qui entoure ces deux disparitions n’est pas levé, voilà qu’on apprend qu’un autre Canadien, Kirk Woodman, qui avait été enlevé le 15 janvier 2019 au Burkina, a été tué. Un drame qui va renforcer la méfiance de nombreux pays occidentaux envers le Burkina, des pays qui déconseillent déjà cette destination à leurs ressortissants. Hélas !  « Nous travaillons avec le gouvernement du Burkina Faso et d’autres partenaires internationaux afin d’en rechercher les responsables et de les traduire en justice », a déclaré hier à Ottawa Chrystia Freeland,  la ministre canadienne des Affaires étrangères.   Son homologue burkinabè de son côté a rendu public le communiqué de presse suivant : « C’est avec une vive émotion et une grande tristesse que nous avons appris la mort du Canadien Kirk Woodman, enlevé par des individus non identifiés dans la nuit du 15 au 16 janvier 2019  à la base vie de la société de prospection minière Productive Discovery dans le village de Tiabangou, commune de Mansila, province du Yagha, dans la Région du Sahel.

 

Le corps qui a été retrouvé sans vie le 16 janvier 2019 aux environs de 15 heures dans la localité de Beiga- Salmoussi, département de Gorom Gorom a été identifié par les proches collaborateurs de Kirk Woodman.

 

Le Gouvernement du Burkina   condamne avec la dernière énergie ce lâche assassinat et assure qu’une enquête est ouverte et toutes les mesures seront prises pour en retrouver et punir les coupables.

 

Le Gouvernement partage la douleur de la famille, des proches et du gouvernement canadien et leur présente ses condoléances les plus attristées ».

 

 

 

Alpha Barry

 

Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération

 

 

 

 

 

 

 

-Aujourd’hui vendredi 18 janvier 2019 de 16h à 18h, Monique Ilboudo, auteur bien connu depuis les années 90, dédicacera son dernier roman, Si loin de ma vie,  à la librairie Livres et loisirs, sise côté ORCA et Bingo, ancienne zone Boinsyaaré de Ouagadougou.

 

Rappelons qu’au titre des fictions, l’auteur a déjà publié Le mal de peau et Murekatete.

 

 

 

-Ce sont tous des hommes et des femmes patrons d’entreprises qu’ils ont fondées ou qu’ils dirigent avec bonheur, parfois pour le compte de grands groupes internationaux. Forts des valeurs de solidarité qui font d’eux des patriotes soucieux du rayonnement du Burkina Faso et du reste de l’Afrique, ils ont opté, par le biais de la création d’une association, de mettre en contact les investisseurs des quatre coins du monde. Mieux, ils ont la noble intention de créer des emplois pour les jeunes, notamment les Burkinabè de l’extérieur. L’assemblée générale constitutive de leur structure, Investisseurs Sans Frontière (ISAF), se tiendra ce vendredi 18 janvier à 18h dans la salle de réunion du conseil national du patronat, situé sur Kwame Nkrumah (face à CORIS Bank). Pourvu seulement que les nobles idéaux qui seront couchés sur le papier se traduisent sur le terrain en autant de pierres concrètes pour la construction du Faso, voir de tout le continent.

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle  n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

Dernière modification ledimanche, 20 janvier 2019 17:10

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

© 2011-2014 - Observateur Paalga - Tous droits réservés I Conception: CVP Sarl.