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Congrès constitutif du RHDP : Ces absents …si présents

Ce fut une grand-messe pendant laquelle les petits plats furent mis dans les grands pour assurer un show médiatique événementiel. Combien étaient-ils exactement, ces dizaines de milliers de partisans d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), convoyés des quatre coins de la Côte d’Ivoire pour porter sur les fonts baptismaux ce nouveau parti ? 30 mille, 50 mille ou plus ? En tout cas le stade Félix-Houphouët Boigny avait fait le plein de son monde et les organisateurs du congrès constitutif du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pouvaient gloser de satisfaction.

 

 

Maintenant que cette messe est dite, il reste à s’interroger sur la configuration future de l’échiquier politique ivoirien à un an de l’élection présidentielle ; et cela, à la lumière des sermons qui y ont été délivrés, à la vue de la brochette d’invités présents mais surtout des absences remarquées. Pour sûr, la naissance du RHDP, avec le Rassemblement des républicains (RDR) comme noyau central, qui phagocyte l’Union pour la démocratie et le progrès en Côte d’Ivoire (UDPCI), une fraction du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et d’autres partis moins connus, est un relief dans ce remodelage en cours. Un relief qui ne sera pas sans impact sur l’ensemble du paysage, non seulement parce que ce parti unifié a échoué à rassembler tous les houphouétistes mais aussi parce que les opposants de toujours à Alassane Dramane Ouattara, le père fondateur du RHDP, ne resteront pas les bras croisés à le regarder rebattre seul les cartes du jeu politique ivoirien.

 

C’est pourquoi il conviendrait d’appeler le jamboree politique du week-end dernier à Abidjan assises unitaires des partisans d’ADO, car pour l’unité de tous les houphouétistes, il faudra repasser. En effet, c’est connu, Henri Konan Bédié, longtemps dauphin constitutionnel de l’emblématique père de l’indépendance ivoirienne, est aujourd’hui en rupture de ban avec ceux qui se revendiquent ses héritiers politiques. Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale, se fait également désirer au RHDP, et tout indique que ses relations sont de plus en plus distendues avec le président de la république, père fondateur du RHDP.

 

Henri Konan Bédié et Guillaume Soro ont donc brillé par leur absence au congrès constitutif du nouveau parti, créant à leur manière l’événement dans l’événement. Ils étaient des absents bien présents, dans les discours officiels et les conciliabules officieux des congressistes. De fait, en refusant d’apporter leur soutien à ADO dans son initiative de création du RHDP, ils assument les lignes de fracture qui se sont fait jour lors des élections régionales et municipales de 2018 et prennent date pour de nouvelles alliances en perspective.

 

Des perspectives qui n’enchantent guère Alassane Dramane Ouattara, lequel se montre mauvais joueur en critiquant ouvertement sans le nommer le Sphinx de Daoukro lors de son allocution à la clôture des assises du nouveau parti. Oubliant qu’Henri Konan Bédié a refusé de fondre le PDCI dans le RHDP pour dénoncer, entre autres, son non-respect de la parole donnée, celle de passer la main à un présidentiable du PDCI en 2020. Le père fondateur du RHDP a eu l’inélégance de rappeler que le successeur de Félix Houphouët-Boigny avait joué à l’apprenti-dictateur sur le dos de l’ancienne direction du RDR dont la plupart des cadres furent emprisonnés.

 

Soit, mais cela ne l’a pas empêché de s’allier à ce dernier en 2010 pour conquérir le fauteuil présidentiel. La victoire acquise, ADO n’avait jamais tari d’éloges sur celui qu’il appelait affectueusement son grand frère au point de faire baptiser du nom d’Henry Konan Bédié le troisième pont sur la lagune Ebrié. Il faut croire que ces moments de relations fusionnelles entre les deux hommes cèdent le pas à une période d’hostilité politique ouverte dont on ne saurait prédire l’épilogue.

 

Que dire alors des nouveaux rapports entre le président ADO et Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ? Ils sont sur une pente glissante et on y sent un chantage éhonté. Celui qui consiste à dire à Guillaume Soro : soit tu adhères au RHDP, soit tu rends le tablier de président de l’Assemblée nationale. Message bien reçu par l’enfant terrible de Ferkessédougou qui, en se mettant en congé de ses fonctions de président du Parlement la veille du congrès constitutif du nouveau parti présidentiel, indique clairement qu’il préfère se démettre au lieu de se soumettre au diktat d’une adhésion au forceps au RHDP. Quoi qu’il en soit, dans cette démission attendue, celui qui fut l’éminence grise de l’aile politique de la rébellion qui a pavé la voie pour l’élection d’ADO en 2010 joue sa carrière politique.

 

Il voudrait s’émanciper du parrainage pesant d’ADO qu’il ne s’y prendrait pas autrement. S’émanciper pour mieux faire éclore ses propres ambitions politiques avec de nouveaux alliés ?  Pourquoi pas ? De là à dire qu’il ne faut pas exclure la création d’un nouveau parti politique au service de ses ambitions ni une prochaine alliance avec le PDCI et peut-être avec le Front populaire ivoirien  de Laurent Gbagbo, il y a un pas vite franchi. 2020 n’est pas loin, et cette triple alliance Bédié-Soro-Gbagbo ne relève pas de la science-fiction. C’est une éventualité qui pourrait faire mal à n’importe quel dauphin d’ADO issu du RHDP : en effet, que ce soit  Amadou Gon Coulibaly, Hamed Bakayoko ou Kablan Daniel Duncan du RHDP, face à une alliance Bédié-Soro-Gbagbo, il pourrait  se faire tailler les croupières.

 

Voilà qui explique qu’ADO, qui avait annoncé vouloir passer la main à une nouvelle génération, se montre hésitant à abandonner l’arène politique. Au contraire, au grand dam de ses lieutenants, qui subliment leurs ambitions dans de perceptibles luttes de clans, il semble se retrousser les manches, à 77 ans, pour donner la réplique à une alliance éventuelle entre ces trois bêtes expérimentées de la faune politique ivoirienne : Bédié, Soro, Gbagbo. Aura-t-il le punch nécessaire pour ne pas se faire déboulonner ? Rendez-vous en  2020 et vivement des élections apaisées, équitables et transparentes !

La rédaction   

Dernière modification lelundi, 28 janvier 2019 23:15

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