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Sommet G5 Sahel à Ouaga : Rencontre sur un champ de bataille

Ils ne pouvaient pas trouver meilleur cas de travaux pratiques pour leur rencontre au sommet.

 

« Ils », ce sont les chefs d’Etat membres du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) qui se réunissent aujourd’hui 5 février 2019 à Ouagadougou dans un contexte marqué par une flambée inouïe des actes terroristes au Burkina Faso. Au point que le pays a désormais l’image d’une cité assiégée par des hordes qui s’en prennent indistinctement aussi bien aux symboles de l’Etat qu’aux populations civiles.

Et depuis quelque temps, les Burkinabè se couchent, horrifiés par l’attaque de la veille puis se réveillent, se demandant : « Qu’est-ce qui s’est passé encore et où ?»

C’est cette psychose qui rythme désormais le quotidien des hommes et des femmes de notre pays qui, face à l’impuissance de la force publique, s’en remettent à la protection divine, comme le recommandent les évêques.

Pas plus tard qu’hier lundi, c’est Kaïn, village situé à une cinquantaine de kilomètres de Ouahigouya (Nord), qui a reçu la funeste visite d’hommes armés. Laissant sur leur passage une quinzaine de morts, dont des femmes et des hommes froidement abattus dans leurs concessions.

Le même jour, en fin de journée, un individu, armé de machette, a gravement blessé plusieurs personnes dans la grande mosquée de Gaoua avant d’être neutralisé. Acte isolé ou action terroriste ? Au moment où nous bouclions la présente édition, les motivations de l’auteur n’avaient pas encore été établies.

La semaine qui vient de s’écouler aura été des plus infernales pour les Burkinabè et celle en cours ne débute guère sous d’heureux auspices avec le drame de Kaïn.

Jugez-en vous-mêmes :

-                dimanche 27 janvier, attaque du marché de Sikiré (Sahel) soldée par une dizaine de morts ;

-                lundi 28 janvier, assaut contre le camp du Groupement des forces antiterroristes (GFAT) : quatre militaires tués ;

-                mercredi 30 janvier : tirs à l’arme lourde sur le détachement militaire de Kompienbiga (Est) ;

-                nuit du mercredi 30 janvier : largage d’obus sur Zanta (Centre-Est) ;

-                nuit du jeudi 31 janvier : plasticage d’une inspection de l’enseignement primaire à Djibo (Sahel) ;

-                 dimanche 3 février : incendie de la mairie, de la préfecture et du poste de l’Environnement de Massila (Sahel) ;

-                nuit du dimanche 3 février : Le poste de gendarmerie de Siniéma (80 km de Banfora) a été pris pour cible par des «individus armés non identifiés», expression la plus usitée actuellement pour les désigner.

Une récurrence à donner le tournis, même aux esprits les plus aguerris et qui, au rythme où vont les choses, finira par instituer la rubrique « Attentat » dans leurs colonnes.

Toute l’armée semble désarmée, c’est le cas de le penser,  face à l’hydre tentaculaire qui nous enserre de toutes parts et de tout temps.

Plus que jamais, le Burkina Faso est devenu le ventre mou de ce G5 Sahel dont la présente rencontre de haut niveau se  tient « sous le signe de la vision articulée sécurité/développement ».

Mais avant Ouagadougou, qui abrite le cinquième Sommet du Groupe, bien des rencontres du genre se sont tenues dans les capitales des autres Etats membres, sans compter celles organisées en marge des Assemblées générales de l’ONU. Mais sur le terrain, force est de constater que la réponse militaire tant espérée tarde toujours à produire les effets escomptés. Faute essentiellement de ressources financières.

Il y a un an, à la faveur de la table ronde des bailleurs de fonds à Bruxelles, on avait pensé que la question cruciale du nerf de la guerre, indispensable à la mise en marche de la machine de guerre, avait sinon déjà été résolue, du moins des chances de l’être rapidement.

La force conjointe, rappelons-le, a besoin de 420 millions d’euros, soit  273 milliards de francs CFA.

Mais il faut croire qu’il y a eu plus de promesses et d’effets d’annonce que de véritable manne financière coulant à flots,  tant et si bien que l’idée généreuse de la création du G5 Sahel est encore au stade embryonnaire.

On comprend pourquoi à Ouagadougou il sera de nouveau question du suivi de la mobilisation des contributions pour la Force conjointe et de son opérationnalisation, ainsi que des sujets liés au développement durable et intégré du G5 Sahel. 

Et si, dès le lancement, ça coince au niveau du financement, qu’en sera-t-il de sa pérennisation ?

Mais comme on ne le sait que trop, la réponse au terrorisme est moins militaire que multidimensionnelle. Les deux mamelles nourricières de l’extrémisme étant la pauvreté et l’ignorance. Ce qui revient à dire qu’il faut refonder la pratique de la gouvernance dans nos Etats et dont les dirigeants actuels ne sont pas, il est vrai, les seuls responsables. Et là, c’est une autre guerre dont l’issue relève de la seule volonté politique de nos gouvernants plutôt que du soutien des partenaires étrangers.

Qu’est-ce que ce cinquième Sommet, au-delà des assommants discours technocratiques, apportera-t-il de concret sur les plans militaire et socio-économique dans cette guerre contre le terrorisme au Sahel ? De quoi accouchera le conseil de guerre de Ouagadougou ?

Roch Marc Christian Kaboré, Ibrahim Boubacar Kéïta, Mohamed Ould Abdel Aziz, Mahamadou Issoufou et Idriss Déby Itno, 80 millions de vos compatriotes attendent de vous voir à l’œuvre. Particulièrement vous, le chef de l’Etat burkinabè qui prendra la tête de la présidence tournante du G5 Sahel dès aujourd’hui pour une durée d’un an.

Avec la recrudescence des attaques terroristes dont son pays est l’objet, on espère qu’il saura insuffler une nouvelle dynamique à la lutte contre l’extrémisme et inciter ses homologues à suivre ses pas. Ne dit-on pas que tout soldat marche au rythme de son chef ?

 

Alain Saint Robespierre

Dernière modification lemardi, 05 février 2019 23:07

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