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Réhabilitation hôtel de ville Bobo: «Notre projet a été volé avec la complicité du maire» (Judicaël Traoré, secrétaire général du collectif Balai citoyen)

Ce n’est plus le parfait amour entre certaines organisations de la société civile de la ville de Sya. Lesquelles n’hésitent pas à utiliser les réseaux sociaux pour étaler leurs divergences sur la place publique, et même à adopter quotidiennement des comportements qui frisent de véritables règlements de comptes. L’un des sujets qui divisent les OSC de la ville est ce projet de réhabilitation de la mairie de Bobo-Dioulasso. Plusieurs actions ont d’ailleurs été menées dans ce sens sans l’implication du collectif Balai citoyen qui, pourtant, revendique la paternité du projet. Son secrétaire général, Judicaël Traoré, que nous avons rencontré n’est pas passé par quatre chemins pour dénoncer le comportement « indigne » de certains membres d’OSC et dénoncer la composition du comité de suivi qui, dit-il, n’inspire nullement confiance. C’est ce qui ressort de cette interview qu’il nous a accordée en début de semaine. Lisez plutôt !

 

 

Les OSC de plus en plus ne font pas bonne figure dans la ville de Sya. Qu’en est-il exactement ?

 

Depuis en effet la fin de l’insurrection et les élections qui ont suivi, la plupart des responsables de la société civile sont noyés. Les masques sont finalement tombés et on a découvert les vrais visages de beaucoup d’entre eux. On s’est rendu compte que tel ou tel responsable d’OSC roulait pour tel parti politique ou tel opérateur économique ou même telle personnalité influente de la société. Ils ne sont plus crédibles aux yeux des gens et par conséquent ne peuvent plus influencer la vie sociopolitique de notre pays. J’en arrive même à me demander s’il existe encore une OSC crédible à Bobo et même au Burkina. Nous avons reçu pas mal d’échos après l’insurrection et on s’est finalement rendu compte que beaucoup d’OSC n’avaient à leur tête que des escrocs.

 

A Bobo particulièrement, bon nombre d’OSC ne parlent plus le même langage et certaines même se regardent en chiens de faïence. Les raisons de cela ?

 

C’est déplorable, ce que nous vivons aujourd’hui. C’est la preuve que beaucoup de responsables d’OSC ne sont en réalité que des imposteurs. C’est leur intérêt égoïste qui est en train de prendre le dessus sur l’intérêt général. On s’est regroupé au départ avec une même vision et des objectifs communs. Mais au fil du temps, des divergences ont commencé à apparaître parce que tout simplement certains leaders ne voient que leur seul intérêt. Et cela est bien triste pour la survie de nos organisations. Beaucoup d’entre elles (les organisations) aujourd’hui sont en train de vivoter si elles ne sont pas mortes. Parce qu’en définitive, les premiers responsables manquent cruellement de crédibilité et même de personnalité. On s’engage ensemble dans une cause commune et après on se rend compte que de principaux acteurs commencent à baisser les bras. Parce que tout simplement ils ont été manipulés ou qu’ils ont reçu des pots de vin pour démobiliser la troupe. Cela a même fini par créer la méfiance entre certaines OSC de la ville.

 

Justement, l’un des sujets qui divisent les OSC de Bobo est ce projet de réhabilitation de la mairie centrale. Qu’en est-il exactement ?

 

Je peux dire que je suis coauteur et coacteur de ce projet. Parce qu’en tant que secrétaire général du collectif Balai citoyen, nous avons tous contribué à la rédaction de ce projet. Juste après l’insurrection, nous avons jugé bon de nous regrouper pour apporter notre contribution à la reconstruction des édifices publics qui ont été endommagés. C’était pour nous un devoir de participer à bâtir Bobo-Dioulasso qui est notre ville à tous. L’idée a été favorablement accueillie par tous et on a décidé d’aller ensemble. C’est ainsi que nous avons mis ensemble en place le collectif Balai citoyen en avril 2015, et très rapidement nous avons rédigé le projet de réhabilitation de la mairie en mai 2015 avec comme point essentiel la mobilisation financière et sociale. Ledit projet a été soumis au président de la délégation spéciale (PDS) qui assurait l’intérim du maire jusqu’aux élections municipales. Il a soumis le projet au conseil qui a délibéré là-dessus. En retour le PDS nous a félicités de cette initiative. Il nous a même assuré que le document a été unanimement salué et approuvé par l’ensemble du conseil et qu’il serait transmis au futur maire. Mais à notre grand étonnement, nous avons appris qu’un de nos membres avait déjà rendu visite unilatéralement au maire Boureima Sanou après son élection avec ledit projet.

 

Et quelle a été votre réaction ?

 

Nous avons tout de suite cherché à rencontrer l’intéressé, qui est Diafodé Kaba Alexandre. Mais il essayait toujours de nous éviter. Nous sommes passés par les réseaux sociaux pour l’interpeller, mais il est resté muet. Et ce fut ensuite des passes d’armes entre des OSC sur les réseaux sociaux. Et pendant qu’on réfléchissait sur la conduite à tenir, nous avons appris qu’un comité de suivi du projet a été mis en place avec la bénédiction du maire de la commune. Et dans ce comité figurent des OSC qui ont été vomies par leur base. Alors que dans le projet il est clairement dit qu’aucun membre d’OSC ne doit figurer dans le comité. Donc tout de suite, vous comprenez les intentions réelles de ces personnes que je considère comme des traîtres. Et parmi ces traîtres, il y a Moses qui a été chassé du mouvement en rouge, Eloi Sawadogo de la Ligue des jeunes et bien d’autres.   

 

Pourtant les choses évoluent normalement concernant ce comité, qui a même organisé une opération de collecte de fonds.

 

La soirée de collecte de fonds à laquelle vous faites allusion a été un échec. Et les autorités municipales, principalement le maire de la commune, le savent très bien. Cela pourrait s’expliquer à mon humble avis par la configuration du comité : dans ce bureau, il y a des gens qui n’inspirent pas du tout confiance et qui sont connus pour leur maladresse et leur roublardise. Seulement 40 millions, somme de rien du tout dans la mise en œuvre de ce projet de plus d’un milliard. Et même que, dans ces quarante millions dont je parle, il y a des promesses de contribution qui peuvent ne pas être tenues. C’est vous dire qu’il y a problème. Je dirais que le projet a été usurpé par des malhonnêtes pour mieux en profiter au détriment de l’intérêt général. C’est ce qui explique la faible mobilisation des Bobolais autour du projet.

 

Est-ce qu’il faut alors penser que le projet de réhabilitation de la mairie de Bobo est plus que jamais compromis ?

 

Tout dépendra de l’organisation qui sera mise en place. Car il faudra surtout travailler à rassurer les éventuels souscripteurs sur la transparence qui doit entourer la gestion des fonds collectés. Dans le projet, nous avons suggéré la création d’un fonds logé au Trésor public et qui sera alimenté par la collecte. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Et même que le comité organise des collectes au marché avec des sachets plastiques sans qu’on sache réellement combien a été perçu et où est l’argent. C’est pour ça d’ailleurs que nous avons proposé la mise en place d’un comité de veille composé cette fois d’OSC et du RENLAC. Mais nous n’avons pas été suivi dans ça. Et puis entre nous, 1 milliard quatre cents millions pour des travaux de réhabilitation d’une mairie dans une ville comme Bobo, je trouve que c’est beaucoup. Avec cette somme, j’aurais souhaité qu’on nous parle de la construction d’un nouveau bâtiment, plus moderne et mieux équipé. Mais pour une simple réfection, c’est trop.

 

Est-ce que vous avez cherché à rencontrer le comité ?

 

Il n’y a pas de contact entre le comité et nous. Mais nous continuons à travailler pour recadrer les choses. Il est par exemple déplorable que, pour un projet d’une telle envergure, on collecte des fonds à l’aide de sachets plastiques par l’entremise de tierces personnes dans le marché. Je pense qu’il y a de l’arnaque, et il faut que les populations ne se laissent pas abuser. Monsieur Sanfo, qui est un des membres du comité, m’a demandé de rencontrer le président Mamadi Camara. Je lui ai dit que je ne pouvais pas le faire parce que je suis issu d’un groupe. S’il veut bien me rencontrer, c’est avec l’ensemble des membres du collectif. Et depuis plus rien.

 

Et qu’entendez-vous faire pour vous faire entendre ?

 

Nous pensons qu’il faut une refondation du comité. Il faudra forcément revoir sa composition et ses méthodes de travail pour espérer convaincre le maximum de gens d’adhérer au projet. Il est vrai que la commune doit assurer l’essentiel du financement soit un milliard. Et les 400 millions sont à rechercher. Pour nous il faudra revoir à la baisse le montant. Nous n’allons pas baisser les bras, car il s’agit de l’avenir de cette ville qui nous a vu naître et que nous aimons tant. Bobo ne saurait être la chasse gardée de quelques individus qui n’ont d’yeux que pour leurs intérêts égoïstes.

 

                   Propos recueillis par

Jonas Apollinaire Kaboré  

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