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Déclaration de politique générale : Après les larmes, place à la sueur

Ça aura été finalement l’événement !

 

Hier lundi 18 février 2019, devant l’Assemblée nationale réunie en session spéciale, le tout-nouveau Premier ministre, Christophe Joseph Marie Dabiré, n’a pu retenir ses larmes alors qu’il était quasiment à la fin de sa déclaration de politique générale. Rituel républicain au terme duquel il a été soumis au vote de confiance du Parlement, ainsi que le prévoit l’article 63 de notre Constitution (Lire page 2).

Malgré la forte émotion qui le tenait à la gorge et aux yeux, le nouveau PM tenait à aller jusqu’au bout de sa lecture. Péniblement. Il a fallu que le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, lui suggère de marquer une pause pour mettre fin à son supplice.   

Le danger de cette séquence lacrymale est qu’elle a brouillé le message dont l’hôte du jour de l’hémicycle était porteur. Car beaucoup ne retiendront que ça, même si, par pudeur, la télévision qui retransmettait l’événement en direct a fait un black-out sur l’affaire.

Du coup, cette parenthèse émotionnelle du chef du gouvernement est diversement interprétée et accueillie par l’opinion.

Les mâles rugueux pour lesquels un homme ne doit pas pleurer en public y ont vu un signe de faiblesse symptomatique de l’impuissance d’un chef à faire face à l’adversité.

Pourtant, il ne faut pas accorder à cet incident plus d’importance qu’il n’en a vraiment. Car pour immense et noble que soit tout dirigeant, il reste fait de chair, de sang. Donc susceptible de laisser transparaître ses émotions comme tout être humain. Ça l’humanise. Nous devons le comprendre et l’accepter sinon il nous faudrait choisir des automates pour nous gouverner.

Mieux, pour les psychologues, écraser une larme est signe d’empathie, cette capacité à se mettre à la place d’autrui, à percevoir ce qu’il ressent. Et bien des hommes d’Etat, et non des moindres, ont publiquement éclaté en sanglots : on se souvient de Bill Clinton, de George Bush Jr ; et même de Poutine « le Terrible » qui semble sorti de la cuisse de Jupiter. Plus près de nous, on a toujours en mémoire les images d’Ibrahim Boubacar Kéïta et de Yayi Boni qui n’ont pu retenir leurs larmes l’un lors de l’assassinat à Kidal  de deux nos confrères français en novembre 2013, et l’autre en janvier 2015 à Paris lors de la manifestation en hommage aux victimes de l’attentat contre « Charlie Hebdo ».

Mais le champion en la matière toutes catégories demeure l’ancien président américain Barack Obama :

en effet, durant ses deux mandats (2008 à 2016), l’un des plus célèbres locataires de la Maison-Blanche a recouru, en moyenne une fois par an,  au mouchoir pour écraser cette larme qu’il a facile. Sans que cela entame en rien son capital de sympathie, encore moins remette en cause sa capacité à supporter une charge aussi lourde. Bien au contraire.

Qu’elles soient sincères ou simulées, les larmes, si paradoxal que cela puisse paraître, au-delà du signe de faiblesse auquel certains les associent, sont synonymes de force, de grandeur d’âme.

On aurait donc tort de vouloir noyer les aptitudes de dirigeant de Christophe Joseph Marie Dabiré dans une goutte de larme. Gardons-nous d’instruire un procès en incompétence contre le chef du gouvernement pour s’être laissé aller à quelque chose de bien humain.

Cela dit, on peut comprendre le sentiment de ceux que l’émotion du PM insupporte ou inquiète. Car quand un médecin  accouru au chevet d’un malade se met à pleurer, il y a de quoi se faire du sang d’encre. Mais enfin, ne voyons pas toujours les choses au tragique. Car après tout, le toubib Dabiré a prescrit un protocole de soins en cinq étapes qu’il pense adapté à la situation.

Attendons donc de le juger lors de son prochain passage à l’hémicycle, cette fois-ci pour délivrer son discours sur l’état de la nation.

Mais en attendant, il appartient au chef du gouvernement de passer des larmes à la sueur due à l’effort soutenu.

Alain Saint Robespierre 

 

Dernière modification lemardi, 19 février 2019 22:48

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