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Mahamadu Buhari/Macky Sall : Certitudes et angoisses de présidents en sursis

 

La campagne électorale au Sénégal prend fin ce vendredi à minuit. Les 7 millions d’électeurs sénégalais sont appelés aux urnes dimanche prochain pour départager les 5 candidats en lice. Avant eux, 84 millions d’électeurs nigérians sont convoqués dans 120 000 bureaux de vote pour élire leur président, leurs gouverneurs et leurs députés.

 

 

 Le Sénégal et le Nigeria appartiennent tous à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), région où, toute réserve faite, la démocratie prend ses quartiers plus qu’ailleurs en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, au Sénégal comme au Nigeria, le président sortant est candidat à sa propre succession pour un deuxième et dernier mandat. Dans l’un et l’autre des deux pays, nous avons donc à faire à des présidents en sursis à la tête de l’exécutif. Là s’arrêtent les similitudes entre Mahamadou Buhari et Macky Sall. Poussée plus loin, la comparaison des deux processus électoraux laisse voir des différences auxquelles ne sont pas étrangères les réalités géographiques mais surtout politico- historiques des deux pays : en effet, le gigantisme de la superficie de l’un, le Nigeria, jure avec la modeste taille de l’autre, le Sénégal. Ainsi au Sénégal, s’ils sont environ 7 millions d’électeurs à devoir départager seulement 5 présidentiables, au Nigeria, ils sont 73 candidats à se disputer les voix de plus de 84 millions d’électeurs.

 

Parmi les 72 autres prétendants à la magistrature suprême au Nigeria, l’un, Abubakar Atiku, ancien vice-président de l’Etat fédéral, donne un mauvais sommeil au président sortant, Mahamadu Buhari. De fait, plus d’un observateur crédite le premier cité d’une bonne campagne électorale à même de lui valoir un satisfecit dans les résultats des urnes. Originaire du nord du pays comme Mahamadu Buhari, Abubakar Atiku lui dispute ce fief qui avait assuré son élection en 2015 pendant qu’au sud, l’appui de personnalités comme l’ancien président Olesegun Obasanjo a fait mousser grandement ses chances de gagner cette présidentielle. C’est dire qu’au Nigeria, malgré la pléthore de candidats, deux poids lourds, le président sortant et l’ancien vice-président, émergent du lot. A défaut de sondages crédibles, on se réfère volontiers au baromètre de la mobilisation des foules aux meetings de ces deux candidats, à leurs réseaux de soutien et aussi à leur aura pour jauger leurs chances de remporter la victoire.

 

Ce challenger sérieux que constitue Abubakar Atiku pour Mahamadou Buhari fait dire qu’au Nigeria le scrutin présidentiel de demain n’est pas joué d’avance. Au contraire, il comporte une bonne dose d’incertitudes angoissantes quant à la réélection de Mahamadu Buhari et à de possibles graves perturbations du scrutin. Non seulement le bilan de son premier mandat n’est pas des plus reluisants, sa longue maladie et les attaques de Boko Haram ne lui ayant pas facilité la tâche, mais encore les problèmes logistiques invoqués par la Commission électorale indépendante (INEC) pour reporter in extremis les élections la semaine dernière l’ont desservi. De fait, bien d’électeurs sont en courroux et rendent le président sortant et son gouvernement comptables de ce report assimilé à un symptôme des graves problèmes structurels de gouvernance qui assaillent le Nigeria et que l’équipe Buhari s’est montré incapable de résoudre. En conséquence, un vote sanction contre son parti n’est pas à exclure. Chose qui en ajoute aux incertitudes du camp Buhari quant à sa victoire. Pis, il redoute des fraudes et à 72 heures du scrutin, il en appelait à la vigilance des Forces de défense et de sécurité pour faire échec aux desseins d’éventuels fauteurs de troubles qui seraient tentés de dérober des urnes. Son appel sera-t-il entendu ?

 

Au Sénégal, le camp Macky Sall pourrait lancer le même appel à la vigilance aux Forces de défense et de sécurité. Abdoulaye Wade n’a-t-il pas appelé les Sénégalais à brûler les urnes pour empêcher l’élection présidentielle de se tenir ? Mais à Dakar plus qu’à Abuja, le président sortant est serein. Macky Sall s’est en effet donné la peine de débroussailler le champ de sa réélection bien en amont. C’est connu, au moyen de procès retentissants, il a embastillé ses concurrents les plus sérieux, Khalifa Sall et Karim Wade. Il s’est comme taillé alors des adversaires de moindre calibre dans une présidentielle sur mesure qu’il compte gagner dès le premier tour. Par ailleurs, il a un bilan qui pèse lourd en matière d’investissements dans les infrastructures, la lutte contre le chômage, la pauvreté et la mauvaise gouvernance. Il s’en est d’ailleurs prévalu tout au long de la campagne électorale, proclamant urbi et orbi que la cause de sa réélection dès le premier tour est entendue. Une certitude qui jure avec la détermination de ses adversaires de le contraindre à un second tour risquant pour sa réélection.

 

 Quoi qu’il en soit, on le voit bien, au Nigeria et au Sénégal, d’une présidentielle à l’autre, on a deux présidents en sursis qui ont des certitudes et des angoisses différentes quant à leur sort face aux résultats des urnes. Entre un Mahamadu Buhari qui pèche par excès d’angoisse et de méfiance et un Macky Sall débordant de certitude et de sérénité, on attend de voir. En tout cas, pourvu que les scrutins dans les deux pays tiennent la promesse d’une Afrique de l’Ouest qui expérimente avec un certain succès l’enracinement de la démocratie. On croise alors les doigts pour qu’alternance ou pas, l’après-scrutin épargne au Nigeria et au Sénégal ces crises postélections qui endeuillent les populations, décrédibilisent les résultats et écornent la légitimité des vainqueurs.

 

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification ledimanche, 24 février 2019 21:42

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