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Voyages des cinéastes au Burkina : La séquence qui ne se tourne pas comme il faut

 

26 février 2019 : la 26e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou bat son plein. Cependant, quatre jours après le début du festival, des plaintes des festivaliers tournent en boucle. La plus grande difficulté de cette édition reste le voyage des cinéastes.

 

 

Ce matin à la rue marchande logée au siège du FESPACO, seuls les exposants et les agents de sécurité sont visibles. Certains s’activent au nettoyage de leurs stands, d’autres allument de quoi chauffer les fonds des marmites ou faire de la grillade. La commission sécurité passe de stand en stand et s’entretient avec les exposants. « Quand les artistes se produisent sur scène, nous mettons les chaises hors des stands pour qu’ils suivent les prestations. Mais ils viennent de nous dire ce matin que cela n’est plus possible », nous confient-ils.

 

Dans le bâtiment administratif, un des bureaux ne désemplit pas. Il s’agit de celui qui abrite la commission chargée du transport et de l’hébergement que dirige François Akwabou. Les festivaliers défilent pour exposer leurs problèmes. Francis Tenek, cinéaste camerounais, auteur du film « Orly » qui traite de la prostitution passe en panorama à la 26e édition. Logé à Palace Hôtel, il dit ne pas savoir quand est-ce qu’on mange, ni qu’on mène les autres activités. « Nous ne sommes pas situés parce que nous n’avons pas le planning des activités. Nous n’avons pas de programme », a-t-il lancé avant de s’engouffrer dans le bureau pour exposer son problème.  Comme lui, un cinéaste anglophone se plaint que le programme des projections et des autres activités ne soit pas traduit en anglais.

 

Alors que le responsable du transport et de l’hébergement communique longuement au téléphone, certainement avec des cinéastes qui attendent encore leurs billets pour faire le voyage de Ouaga, nous nous retirons sous le hall du bâtiment pour le  laisser  gérer au mieux ses angoisses avant de nous recevoir. C’est dans cette foulée que le délégué général du FESPACO, Ardiouma Soma, fait son entrée sur les lieux et s’entretient avec quelques-uns de ses collaborateurs. « Le vrai problème cette année, ce sont les voyages. C’est vrai que chaque année on rencontre cette difficulté mais cette année, c’est plus grave », a-t-il confié à ses collaborateurs.

 

Y aurait-il des réalisateurs qui ont des œuvres en compétition et qui sont dans l’attente de leurs billets d’avion pour voler vers Ouaga, comme il se susurre ? A cette question, le président du comité national d’organisation, Yacouba Traoré,  sans être formel, dit ne pas croire que ce soit le cas. Pour lui, c’est normal qu’il y ait quelques problèmes parce que ce n’est pas facile de gérer un tel monde. « Avec environ  800 festivaliers, il va de soi que nous ayons des difficultés », a-t-il expliqué. Les problèmes de billets d’avion, fort heureusement, ne touchent pas toutes les délégations. Celle du Mali, forte de plusieurs personnes, est à l’abri de couacs organisationnels. Fatimata Coulibaly, appelée communément FC, réalisatrice comédienne à la Radio télévision nationale du Mali est satisfaite. « Sincèrement tout se passe bien. Nous avons une navette qui nous convoie aux différentes manifestations ». S’il y a des problèmes, pour elle c’est normal parce que, dit-elle, « quand il y a un monde fou comme ça, ce n’est pas facile d’organiser comme on le voudrait ».

 

Hormis les quelques difficultés organisationnelles qui ne peuvent d’ailleurs pas manquer dans toute œuvre humaine du fait des caprices des uns et des autres et bien d’autres facteurs, les activités de la 26e édition du FESPACO et celles entrant dans le cadre de son cinquantenaire se déroulent bien.

 

 

 

Lévi Constantin Konfé

 

 

 

Philippe Lacôte, réalisateur franco-ivoirien

 

«Le FESPACO,  c’est là où il y a de l’amour pour l’art »

 

 

 

Journaliste, projectionniste, distributeur  il a fini par devenir un réalisateur. Son premier long métrage de fiction est Run. Philippe Lacôte  n’a jamais mis les pieds dans une école de cinéma.  A l’occasion du FESPACO, il séjourne à Ouaga avec d’autres acteurs du cinéma ivoirien. Il nous a accordé un entretien le 25 février 2019, dans lequel il soutient que le FESPACO, « c’est un vrai lieu du cinéma où il y a l’amour de l’art ». 

 

 

 

A la 26e édition du FESPACO, vous n’êtes pas en compétition. Quel bon vent vous amène à Ouaga malgré la situation sécuritaire difficile du pays ?

 

 

 

Il faut sortir un peu de la logique de compétition.  En tant que réalisateurs africains c’est important pour nous le FESPACO.  Nous avons la chance de montrer nos films dans d’autres manifestations cinématographiques. Mais le seul endroit où  nous projetons salle pleine avec un public africain c’est au FESPACO. Il y a très peu de manifestations cinématographiques en Afrique comme le FESPACO avec  des salles de cinéma vivant.  C’est un vrai lieu du cinéma où il y a l’amour de l’art. En Afrique, le FESPACO est un aimant qui attire même des jeunes qui ont peu de moyens.

 

Je suis là aussi  à la demande du ministre  ivoirien de la Culture avec Isaach de Bankolé, Sidiki Bakaba, deux acteurs ivoiriens pour soutenir la délégation ivoirienne : Résolution.

 

 

 

Vous qui êtes un habitué des manifestations cinématographiques dans le monde, comment appréciez-vous le Festival panafricain du cinéma et de la télévison de Ouagadougou ?

 

 

 

Je trouve il qu’il y a trop d’hommages aux réalisateurs disparus. Je pense qu’il ne faut pas se glorifier tout le temps avec des hommages.  Ils ne sont pas des momies. Il faut que l’art reste vivant. Il faut regarder plus les jeunes. Pour les difficultés constatées par-ci par-là, cela arrive aussi dans d’autres festivals. Si ce ne  sont que des problèmes de billets d’avion, de chambres d’hôtel... Fort heureusement, c’est toujours compenser par la force du public. J’estime aussi qu’il faut  plus de master class pour les jeunes réalisateurs. Il y a la mémoire du cinéma africain qu’il faut diffuser. J’apprécie déjà les projections populaires.  Pour ce qui est de la qualité des œuvres, je n’en ai pas encore  vu beaucoup pour l’instant. Mais j’ai l’impression que cette année elles sont bonnes. J’ai été très marqué par le film de Michel Zongo, Pas d’or pour Kalsaka, le long métrage documentaire. C’est du très bon travail.

 

 

 

Run  votre premier long métrage de fiction qui vous a valu des lauriers traite de quoi ?

 

 

 

C’est l’histoire d’un jeune homme qui a trois vies. Run veut dire courir. A chaque fois, il fuit d’une vie à une autre. Dans sa première vie, il est assistant de faiseur de pluie. Dans sa deuxième vie, il est assistant d’une femme qui fait du concours.  Dans sa troisième vie, il est patriote dans le conflit politique ivoirien. A travers ce personnage, j’ai eu envie de revisiter l’histoire de la Côte d’Ivoire. Un film que nous avons tourné deux ans après la crise.  Les plaies étaient encore vives.

 

 

 

Après Run qui a été retenu en 2014 par la cinéfondation du Festival de Cannes, sur quel projet cinématographique travaillez-vous aujourd’hui ?

 

 

 

C’est  sur ‘’La nuit des rois’’. Comme toujours, c’est un sujet qui est à la frontière du social, du politique et du merveilleux. C’est l’histoire d’un jeune homme qui arrive à la prison d’Abidjan, la MACA. Dans cette prison, il y a un rituel. Il va être choisi pour raconter des histoires toute la nuit. Il raconte des histoires de survie dans cette prison. C’est très calqué sur les réalités de la MACA parce qu’il y a eu un vrai travail de documentation. Les récits de ce jeune homme nous envoient dans des royaumes imaginaires, mythiques, dans l’histoire des « microbes » qui sont des gangs de jeunes qu’on retrouve à Abidjan.

 

 

 

Propos recueillis par

 

Lévi Constantin Konfé

 

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