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Intelligence africaine de la foi : Témoignage fascinant d’un esclave converti

 

C’est l’histoire de Charlie que rapporte Bruno Chenu dans son livre Le grand livre des Negro Spirituals. Près de trente années après sa fuite, Charlie rencontre son vieux maître par hasard en ville. Et voilà la conversation qui s’instaure entre les deux : «Charlie, vous rappelez-vous quand je vous lacérais le dos ?»

 

 

Et je répondis : « Oui, Maître ». « M’avez-vous pardonné ? » demanda le Maître. Charlie répondit : « Oui, je vous ai pardonné ». Et Charlie de poursuivre : il y avait un attroupement autour de nous car nous étions à peu de distance et nous parlions fort…Il me pose la question suivante : « Comment pouvez-vous me pardonner, Charlie ! » Je dis : « Maître, quand nous fouettons des chiens, nous le faisons parce qu’ils nous appartiennent. Ce n’est pas parce qu’ils ont fait quelque chose qui mérite le fouet mais nous le faisons parce que nous en avons le pouvoir. C’est ainsi que vous m’avez fouetté. Je vous ai servi, j’ai travaillé pour vous, je vous ai presque soigné et si quelque chose vous était arrivé, je me serais battu pour vous… J’avais l’habitude de vous conduire à l’église et de jeter un coup d’œil par la porte pour vous voir tous en train de célébrer, et vous n’avez pas raison cependant, Maître. Je vous aime comme si vous ne m’aviez jamais donné un coup, car le Dieu que je sers est un Dieu d’amour et je ne peux aller à son royaume avec la haine au cœur ». Il étendit la main sur moi, pleurant presque, et dit : «Charlie, viens me voir et je te traiterai bien. Je suis désolé pour ce que j’ai fait». Je dis : «D’accord, Maître, j’ai laissé le passé derrière moi». J’avais senti le pouvoir de Dieu et goûté son amour, et cette expérience avait tué tout esprit de haine en mon cœur, des années avant cette rencontre. Quand un homme a été mis à mort et rendu à la vie dans le Christ Jésus, il ne peut plus éprouver les mêmes sentiments que lorsqu’il était un serviteur du diable. Le péché met à mort mais l’esprit de Dieu donne la vie».  Quelle leçon tirer de ce témoignage de vie ? Charlie dit avoir pardonné parce qu’il a fait une expérience qui a chassé la haine de son cœur. Cette expérience décisive est la conversion au Christ Jésus. Comment comprendre cela dans la vie quotidienne des esclaves ? On sait que dans la démarche des méthodistes et des baptistes, la conversion est un événement. Pour les Eglises évangéliques, le salut s’exprime comme une nouvelle naissance. Quand on est converti, l’être ancien disparaît et un être nouveau émerge. Et cela est possible grâce à l’intervention de l’Esprit Saint. Le chemin que l’Evangile enseigne est de mourir et de renaître avec le Christ. Dans certaines situations, l’esclave converti éprouve même un sentiment de supériorité morale à l’égard de ses maîtres comme dans l’histoire que raconte Charlie. C’est le côté un peu «aristocratie spirituelle» des esclaves, pour reprendre une expression de James Baldwin. Ce qui est sûr, c’est que les convertis seront de véritables agents du changement dans les relations avec les maîtres propriétaires. En fait, convertis, ils vivront une liberté spirituelle qu’aucune interdiction ne pourra domestiquer. Comme disait un autre Noir : « Ils peuvent nous éloigner de l’Eglise, ils ne peuvent pas nous éloigner du Seigneur ».

 

P. Jean-Paul Sagadou

 

Assomptionniste

 

 

 

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