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Commune de Saaba : Nuisances sonores …Forever

A Saaba, commune jadis réputée pour son calme et ses viandes exotiques,  si ce n’est l’occupation d’un espace vert qui provoque la colère noire des riverains,  c’est  un maquis qui rend la vie impossible à des riverains. Forever One, c’est le nom d’un bar restau, situé au beau milieu d’une zone d’habitation, qui perturbe la tranquillité du voisinage. Dans la nuit  des  9, 10 et 11 mars 2019  nous avons vécu en live cette nuisance sonore dans cette zone.

 

‘’Forever One’’, vous connaissez ? Si la réponse est non, embarquez avec nous pour une virée nocturne.  De l’échangeur de l’est,  direction la commune rurale de Saaba. Après la station de pompage de l’ONEA, au feu tricolore de l’essencerie  OTAM, virons à droite. Roulons  jusqu’après la gendarmerie. A quatre cents mètres environ  d’une station Shell flambant neuve, à votre droite, vous trouverez un Sap sap food. Nous y sommes  presque. Forever One est à cent pas de là dans le même alignement.  Ses locaux sont peints à la chaux  en jaune et vert. Ses murs sont tapissés d’images, de mets et de messages divers : «Pour vos anniversaires… Pour vos mariages», peut-on lire.  A l’intérieur, les services d’un bar et d’un restaurant vous sont offerts.  Comme dans bien de maquis on y rencontre, des filles de tous les teints, de toutes les tailles et de toutes les formes.  Confidence d’un client : «Elles sont renouvelées  tous les six mois». Le décor ainsi campé est bien celui d’un bar restau qui se veut moderne. Mais ce n’est pas pour ça qu’on parle de Forever One. La préoccupation des riverains, c’est le boucan qu’on y fait jusque tard dans la nuit au mépris de la tranquillité des populations.

 Samedi 9 mars 2019, il est 22 heures passées de quelques minutes.  Au lendemain de la Journée internationale de la femme, le lieu de détente grouille de monde.  Certains sont en couple. D’autres en groupes. Sur la piste de danse, un homme, casquette bien vissée,  sort quelques phases au rythme du featuring  de Dez Altino et de Lady Ponce sous  «l’appâtâme» qui fait office de piste de danse.  Six baffles fixés sur des trépieds crachent de la musique.  Pas besoin d’un sonomètre pour savoir qu’on est au-delà  du seuil auditif.  C’est un véritable tapage nocturne. Sur les tables, rien ne résiste à la puissance des décibels. Tout bouge, tout vibre en vous. Certaines filles, désœuvrées,  sont affalées sur des tables. D’autres tiennent compagnie à certains clients pour s’occuper. Rasta, le Dj du bar, est inspiré : rien que de la musique burkinabè. Les Dagara, les Bissa, les Gourounsi, les Gourmantché sont servis. « Merci aux hommes civilisés qui accompagnent la culture burkinabè », lance-t-il.  A partir de minuit, il va pour un autre registre, du rétro Zouglou. La piste a plus d’occupants. Au moins  une dizaine de personnes, clients et serveuses du bar y compris,  se trémoussent. Le temps passe mais le volume reste invariable. Pas un décibel de moins. A quelques minutes de 1 heure du matin, heure à laquelle se ferme le maquis, le volume de la musique est resté tel que nous l’avons trouvé.

Le lendemain, dimanche 10 mars, Forever One n’a plus sa clientèle de la veille. Mais il est aussi bruyant que les autres jours. Après quelque trente minutes dans le bistrot, nous  nous rendons dans les cours voisines. C’est comme si on était toujours dans le toquet. Dans une des habitations, le chef de famille nous conte  sa galère et celle des enfants des proches venus chez lui poursuivre leurs études : «Un jour je suis rentré  et je les ai tous trouvés  avec du coton dans les oreilles. Je leur ai demandé : qu’avez-vous fait pour avoir tous des maux d’oreille ainsi. Ils m’ont répondu que ce n’était  pas pour des otites mais pour minimiser l’excès de musique qui les empêche d’étudier ».   Agacé par cette situation, il a depuis ce jour   reloger ailleurs les étudiants. Conséquence pécuniaire non négligeable,  en moyenne 40 000 francs qu’il débourse pour le loyer de ces ‘’déplacés’’ sans compter leur restauration et leur déplacement. «J’ai suffisamment de place chez moi pour loger ces enfants. Hélas,  depuis un an et demi personne ne dort en haut. Nous sommes tous au rez-de-chaussée pour limiter les nuisances », s’offusque-t-il. Un autre voisin nous  a aussi expliqué qu’à l’époque où sa fille faisait la terminale, c’est au prix d’allers-retours au maquis qu’il obtenait parfois  le calme qu’il faut pour étudier. Aujourd’hui, tous les enfants sont  ailleurs, mais il effectue  la même navette : rappeler  sans cesse à l’ordre le Dj du bar pour avoir un temps de répit.

 

Le maire s’en lave les mains

 

Pour des raisons de bon voisinage, les riverains hésitent à passer à la vitesse supérieure en  demandant la fermeture ou la saisie du matériel de sonorisation.  Depuis trois ans les riverains du maquis ne manquent pas la moindre occasion de rappeler à l’ordre le propriétaire des lieux. Une des victimes nous a confié du reste  qu’ils ont adressé une correspondance à la mairie de Saaba pour se plaindre de ce tintamarre. Mais il n’y a jamais eu de retour ou une quelconque action pour les rappeler à l’ordre.  Rencontré le lundi 18 mars, le chef du service technique de la municipalité, Kohi Kam, dit pourtant n’avoir  pas eu connaissance de cette correspondance. Il n’exclut pas cependant qu’elle puisse être restée dans le circuit sans parvenir à qui de droit. Certaines  victimes de ce tapage nocturne ont une autre explication. C’est parce que certains responsables même de la mairie, et pas des moindres, avaient leurs habitudes. «Il se susurre que nos plaintes n’iront pas loin car ils ont avec eux le maire de la commune», soupirent-ils. Est-il avéré que l’édile est pour quelque chose dans ce boucan ? Joint au téléphone, le bourgmestre jure  la main sur le cœur n’y être pour rien. «Je ne suis pas un gérant de bar et je n’en suis pas le propriétaire», s’est-il contenté de dire comme pour s’en laver les mains. Soit ! Mais ne peut-il pas au moins user de son influence et de son autorité pour ramener à la raison ceux qui empêchent les autres d’étudier ou de se reposer à moins de ne pas se préoccuper de la quiétude de ses administrés ?  Malgré notre insistance pour  rencontrer le premier magistrat de la commune,  nous n’avons pas eu gain de cause.

Ces nuisances sonores, Rasta, artiste  musicien et gérant du maquis restau, les a reconnues à demi-mot, lui qui fait office de DJ  il y a environ un an.  Il se souvient avoir été interpellé sur le sujet deux ou trois fois par des riverains du maquis. «Il y a un monsieur qui logeait juste à côté. Il est déjà venu me voir pour qu’on diminue parce qu’ils avaient un nouveau-né et que c’était difficile pour eux avec la musique», a rapporté l’artiste musicien Rasta.

Le seul souhait des riverains de Forever One est de retrouver la quiétude qui régnait il y a de cela trois ans avant l’implantation du bar restau.

 

Lévi Constantin Konfé

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