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Soutien aux manifestants soudanais : L’armée a-t-elle changé son fusil d’épaule ?

Le glas a-t-il commencé à sonner pour Omar El-Béchir ? Il est peut-être encore trop tôt pour se prononcer de façon péremptoire. Mais ce qui s’est passé hier à Khartoum montre à quel point le régime vieillissant est particulièrement fragilisé.

 

Il y a peu, cela eût été inimaginable : un accrochage est en effet intervenu entre les forces de sécurité, qui voulaient disperser les manifestants qui occupent depuis plusieurs jours une place de la capitale, et l’armée. On a même assisté à des scènes de fraternisation entre les croquants et les soldats qui faisaient ensemble le V de la victoire. 

A l’image de l’armée algérienne qui a fini par épouser la cause des insurgés pour pousser Abdelaziz Bouteflika à la sortie, les militaires soudanais se sont-ils donc trouvé eux aussi leur Ahmed Gaïd Salah ? Une chose est sûre, ce 8 avril 2019 fera date.

L’incident d’hier intervient, rappelons-le, après une valse des bérets opérée dans la haute hiérarchie militaire  par le président El-Béchir  qui y a placé ses fidèles. Même si cela ne semble pas à l’évidence avoir intimidé le reste de la troupe, puisque après sa dernière réunion en date avec le chef de l’Etat, le Conseil militaire et sécuritaire a insisté, pas plus tard que dimanche, sur la nécessité d’ « écouter les réclamations des manifestants ». C’est ce qu’on appelle changer son fusil d’épaule ou retourner sa vareuse.

Il ne reste donc plus, pour terminer la manœuvre, qu’à mettre l’enturbanné de Khartoum en joug. C’est une autre paire de manches, il est vrai, mais quand la maison commence à se lézarder ainsi, c’est à n’en pas douter qu’elle n’est plus solide et qu’elle pourrait à tout moment être emportée par le moindre coup de vent.

En plus  de la contestation populaire qui n’est pas près de s’estomper, le général doit se faire du mouron sur la fidélité de sa Grande Muette, qui commence à devenir bruyante.

Comme c’est souvent le cas, le mouvement a commencé le 18 décembre 2018 par une lame de fond sociale et économique après l’augmentation du prix des produits de première nécessité tels le pain, dont le coût a triplé, avant de prendre inévitablement une tournure politique. Puisque après tout, la véritable cause de ces difficultés socio-économiques n’est autre que le chef de l’Etat lui-même, au pouvoir depuis 30 ans et qui, comme tant d’autres de ses pairs africains, ne semble pas pressé de faire valoir ses droits à la retraite. Il est vrai que le mandat d’arrêt international de la CPI qui lui pend au-dessus de la tête, telle une épée de Damoclès, est sans doute une raison supplémentaire pour lui de s’accrocher désespérément à son fauteuil présidentiel.

Le natif de Hosh Bonnaga finira pourtant lui aussi par être victime de cette fatalité des longs règnes qui se terminent bien souvent dans le sang, en prison ou en exil. Car ni l’état d’urgence décrété le 22 février dernier, ni les morts qui s’entassent depuis cinq bons mois (une cinquantaine de victimes), ni les arrestations par cargaisons entières, dont près de 2 500 rien que pour la seule journée de samedi, ni la coupure d’Internet ou la multiplication des barrages policiers pour empêcher les contestataires de rallier les lieux de rassemblement ne peuvent arrêter un peuple en colère, déterminé à se défaire des chaînes qui l’entravent depuis tant de temps. D’autant plus que l’actuel exemple algérien peut donner des idées, voire doper les manifestants et les amener à casser la canne du tyran.

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemardi, 09 avril 2019 23:03

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