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Intelligence africaine de la foi : La théologie noire

 

D’après Bruno Chenu, la théologie du 20e siècle a parfaitement ignoré le christianisme noir. A aucun moment, elle n’a réfléchi sur le sens de la souffrance du peuple noir. Parce qu’elle a été trop du côté de la théologie dominante, la théologie blanche s’est trop accommodée de la colonisation et de l’esclavage pour prétendre pouvoir dire quelque chose de sensé sur les liens entre la négritude et l’Evangile de Jésus-Christ. Il revenait donc aux théologiens noirs d’élaborer une telle théologie en tenant compte de son « lieu » d’émission et de ses destinataires. Ils vont le faire. Parmi eux, l’un des plus éminents s’appelle James H. Cone. C’est le porte-parole le plus important de la Black Theology.

 

 

La première chose que va faire la théologie noire, c’est de s’opposer à la théologie blanche. En fait, pour se poser, elle choisit de s’opposer à la théologie dominante. Comment pouvait-il en être autrement ? La théologie blanche, comme l’histoire nous l’a montré, a travaillé pendant longtemps à justifier l’injustifiable, à savoir le racisme. Les théologies blanches ont monopolisé, falsifié et tordu la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Elles ont servi les intérêts et les politiques du peuple blanc. Comment s’étonner donc que la théologie noire réagisse violemment contre elles ? Pour James Cone, « aucun théologien blanc n’a pris l’oppression du peuple noir comme point de départ pour analyser la signification de l’Evangile aujourd’hui. Apparemment les théologies blanches ne voient aucun lien entre négritude et Evangile de Jésus-Christ ». Le même James Cone remarque qu’il « est théologiquement beaucoup plus rassurant d’écrire des essais et des livres sur l’authenticité et la non-authenticité de tel ou tel mot de Jésus, que d’entendre sa Parole de libération, appelant les humiliés à une existence libre ». La théologie blanche, par ses omissions, a contribué à « l’invisibilité » du peuple noir. Du coup, ce que la théologie noire va se donner comme tâche, c’est d’affirmer l’existence noire. Elle va se présenter comme une théologie qui passe de la négation à l’affirmation. Négation de la théologie blanche, affirmation de l’identité noire, de la négritude de Dieu. Dit autrement, c’est comme si la théologie noire se dressait à la face du monde et déclarait : « Regardez-nous ! Nous existons ! Nous sommes noirs mais nous vivons. Dieu lui-même affirme notre existence. » Ce que James Cone va faire, c’est de mettre en relation la négritude et l’Evangile pour donner sens à l’expérience particulière que les Noirs font de la souffrance et de l’oppression imposées par le racisme des Blancs. Et qui dit négritude aux Etats-Unis dit souffrance, ségrégation, discrimination, servitude. De ce fait, la théologie noire sera plus une théologie du Vendredi saint que du dimanche matin. Théologie de la négation et de l’affirmation, la théologie noire se présentera aussi comme une théologie de la libération. Elle porte les marques des chaînes de la traite et du fouet de l’exploitation et est à la fois un cri de souffrance et de revanche pour un avenir nouveau.

 

 

 

P. Jean-Paul Sagadou

 

Assomptionniste

 

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