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Yirgou trois mois après : 130 suspects identifiés, 0 arrestation

 

Cent un jours après le massacre de Yirgou, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) donne de la voix. Au cours d’une conférence de presse tenue le jeudi 11 avril 2019, soit trois mois après les tragiques événements, il constate avec amertume qu’aucun des « 130 suspects sérieux identifiés » de ce massacre n’est inquiété par la justice. La question de la prise en charge des déplacés, les événements d’Arbinda ainsi que les exécutions sommaires en ont été les points essentiels.

 

 

 

 

Une affiche noire,  tachetée de rouge et portant les noms des victimes et de leurs localités d’origine, est déployée sous le hall de l’immeuble en finition. Taaté, Gasseliki, Toekedogo, Margou, Yirgou, Madou, Sago pour ne citer que ces villages fait partie des vingt où 210 Peuls, selon le Collectif, ont été massacrés. Trois mois après ce premier jour de l’an sanglant, le CISC dénonce un manque de volonté de l’Etat de punir le « commando » de l’expédition punitive, constitué de kolgwéogo. « Aucun suspect n’a été arrêté alors que certains sont connus et continuent de se déplacer librement avec des armes, sous le regard complice ou impuissant de nos FDS », a affirmé, irrité, le secrétaire général dudit collectif, le Dr Daouda Diallo. Pour étayer ses propos, le responsable du Collectif, citant le procureur  du Tribunal de grande instance de Kaya, qui a la charge du dossier Yirgou, a affirmé qu’au stade actuel de l’enquête, 130 suspects sérieux  ont été identifiés comme ayant participé au massacre.

 

Alors que rien n’a encore été fait pour rendre justice aux  suppliciés du  1er janvier,  le Collectif a fait  aussi cas de nouvelles tueries dans les rangs des déplacés. « Ces milices enlèvent,  torturent et tuent certains déplacés quand l’envie leur vient… C’est le cas de Sadou Dicko, qu’elles ont tué le 24 février 2019 », a-t-il dénoncé. Pour échapper à leurs bourreaux, les communautés peules ont fui et trouvé refuge dans d’autres localités. Désargentés et sans assistance, ces déplacés se retrouvent dans une détresse humanitaire et sécuritaire. C’est le cas de ceux de la commune de Kelbo, où le CISC dit dénombrer 5000 déplacés, dont 2100 victimes de Yirgou, entassés et sans assistance.

 

 

 

L’Etat doit cesser de sous-traiter la sécurité, la justice

 

On n’a pas fini de panser les plaies de Yirgou ni de dénoncer la mollesse de l’Etat dans ce dossier qu’Arbinda aussi se signale avec 62 morts, voire une centaine, selon le CISC.  « Les milices n’ont pas hésité à récidiver avec la même atrocité après l’assassinat d’un chef religieux. Des membres de la milice et une partie de la population ont organisé une expédition punitive contre d’autres citoyens qu’ils considèrent comme des terroristes. C’est la communauté peule qui est visée. Des membres de la communauté fulsé ont été également exécutés, confondus par leur faciès aux Peuls », a-t-il expliqué. Revenant un peu sur ce qui s’est passé ce jour, Daouda Diallo a expliqué qu’après l’inhumation du Cheik Ouerm, trois Peuls qu’il avait lui-même pris dans sa famille ont été attaqués et tués sur le champ par ceux qui étaient à l’enterrement. Par la suite, ce sont des koglwéogo ameutés qui ont perpétré le reste des tueries des Peuls d’Arbinda. « La réaction de l’Etat n’a pas été à la hauteur des attentes. La stigmatisation d’une communauté ne saurait être une stratégie dans la lutte contre le terrorisme, car aussi bien dans les communautés mossi, touareg, bobo que sénoufo, il y a des égarés. Aussi, nous appelons l’Etat à cesser de sous-traiter des questions régaliennes telles que la sécurité et la justice. Il doit assurer la sécurité de l’ensemble des Burkinabè  sans exception », a argumenté le Dr Diallo. Pour lui, cette manière de faire peut pousser certains dans les bras des terroristes. En outre, il a attiré l’attention des autorités sur l’existence de pactes entre certaines milices et des contrebandiers tels que des  trafiquants de drogue et d’armes et des bandits de grand chemin.

 

Plus de cent jours après les événements de Yirgou, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés avait beaucoup à dire : Arbinda, la gestion des déplacés et enfin les exécutions sommaires. Sur ce dernier aspect, le collectif est formel : pour lui, il n’est pas question que dans un Etat de droit une personne soit arrêtée à son domicile et froidement exécutée sans autre forme de procès, qu’on soit en état d’urgence ou non. Cependant la structure tient à préciser qu’elle n’a pas la prétention de dire qu’il s’agit toutes de personnes innocentes. Seulement,  le  faciès ne devrait pas servir de critère.

 

 

 

Lévi Constantin Konfé

 

 

 

 

 

Encadré :

 

Le procureur général ‘’déboute’’ le CISC

 

 

« Nous tenons à dénoncer un autre fait. En effet, le 05 mars 2019, le CISC a rencontré le ministre de la Justice, qui nous a assuré que deux enquêtes étaient en cours relativement aux présomptions graves d’exécutions sommaires… Nous avons indiqué au ministre que nous disposons d’éléments que nous souhaitons mettre à la disposition des enquêteurs. Il nous a été indiqué que l’enquête judiciaire est conduite sous la responsabilité du Procureur général et qu’on pouvait se référer à lui. Dès le 07 mars 2019, les faits à notre connaissance ont donc été dénoncés au Procureur général. Quelle ne fut notre surprise d’entendre le procureur général nous indiquer qu’en raison de l’état d’urgence, il n’est pas compétent pour connaître de ces faits ».

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