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Dinosaures africains : Encore un de moins !

 

«A qui le tour?». Tel était le titre de notre édito du vendredi 5 avril 2019 après la démission d’Abdelaziz Bouteflika, poussé par la rue et l’armée, laquelle avait fini par voler au secours de la victoire populaire, après presque deux mois de manifestations ininterrompues. On a la réponse à notre question depuis hier.

 

 

Le scénario algérien s’est en effet joué à peu de choses près au Soudan, où l’armée a déposé Omar el-Béchir. Si donc en Algérie, c’est la solution constitutionnelle avec l’intérimaire Abdelkader Ben  Salah qui prévaut jusqu’à preuve du contraire, là, c’est un coup d’Etat en règle qui a été perpétré par les militaires qui, ces derniers jours, avaient clairement pris le parti du peuple insurgé qui campait devant le QG de l’armée.

 

Le glas a fini donc par sonner pour celui qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 30 ans. Partie de revendications sociales après l’augmentation du prix du pain et des produits pharmaceutiques par un Etat en faillite qui a perdu les ¾ de ses ressources pétrolières avec l’indépendance du Soudan du Sud, la contestation a très vite pris une tournure politique et est allée crescendo malgré le matraquage policier, les milliers d’arrestations et les dizaines de morts causées par les sicaires d’un régime aux abois qui entendait se maintenir, coûte que coûte, jouant la montre en escomptant un essoufflement du mouvement.

 

Mais si le despote en turban de Khartoum est parti, le problème des Soudanais n’est pas pour autant ipso facto résolu, puisqu’après avoir annoncé la destitution de l’autocrate, le ministre de la Défense, le général Awad Ibn Awf, a indiqué que le Conseil militaire allait administrer le pays durant une période transitoire de deux ans à l’issue desquels des élections seraient organisées. Comme dans le précédent algérien, on est partagé entre le soulagement suite au départ du président vomi et les craintes sur la conduite de la transition. Dans l’un ou dans l’autre cas, ce sont les militaires, qui ont aidé pendant des décennies celui qui est devenu par la suite indésirable, qui se sont donc eux aussi salis les mains, qui sont tout aussi comptables des dérives du système qui vont donc jouer les premiers rôles pendant la transition.

 

Le changement donc dans la continuité qui laisse dubitatif, surtout que deux ans, c’est plutôt long. Très vite, l’on peut prendre goût au pouvoir, et l’ivresse des sommets est vite arrivée, si bien qu’il est fort probable que ceux qui sont venus pour nettoyer les écuries d’El-Béchir, qu’ils ont pourtant contribué à salir, soient tentés de s’y coucher une fois le ménage fait. Autant dire que les croquants gagneraient à maintenir la pression pour au moins obtenir le raccourcissement de cette transition qui s’amorce, à défaut d’imposer à la soldatesque une autre formule, comme la formation par exemple d’un gouvernement d’union nationale.

 

Sale temps pour les dinosaures africains, une véritable espèce en voie de disparition sur le continent. Ils finiront bien tous par partir, un jour ou l’autre. Puisqu’ils pensent tous que ça n’arrive qu’aux autres, jusqu’à ce que la fatalité des longs règnes les frappe de façon impitoyable. Et ils sont encore quelques-uns, qu’ils s’appellent Paul Biya, Idriss Déby Itno, Yoweri Musseveni, Denis Sassou Nguesso, Teodoro Obiang, Ismaël Omar Guelleh, Isaias Afwerki, et qui savons-nous encore ? Reposons donc notre question : à qui sera-ce le tour ?

 

 

 

Issa K. Barry

 

Dernière modification ledimanche, 14 avril 2019 20:10

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