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Soudan : Une transition au milieu du gué

Le général l’a promis : il veut donner une suite favorable à la principale revendication des insurgés en transférant le pouvoir au peuple dès cette semaine. Il en a pris l’engagement au cours de sa première intervention télévisée depuis la destitution le 11 avril dernier d’Omar el-Béchir.


Transférer le pouvoir au peuple ? Oui. Mais à quel peuple exactement ? Là est la question, car le problème avec ces mouvements populaires, c’est que la queue est souvent bien longue de millions de manifestants, mais ils n’ont hélas pas toujours une tête, en tout cas, pas une seule. C’est le cas en Algérie où la situation née de la démission d’Abdelaziz Bouteflika n’évolue pas vraiment. C’est également le cas au Soudan. Encore que dans ce pays, il y a quand même l’association des professionnels qui tente tant bien que mal de fédérer tous les mouvements. Mais elle semble plus incarner le versant social et économique de la lutte que le versant politique. Chose qui complique la transition post-Béchir, puisque c’est désormais sur le terrain politique que le jeu doit se faire.

Preuve de la difficulté de l’APS à incarner cette alternative politique, alors que les Soudanais s’attendaient à une liste de personnalités susceptibles de composer le futur gouvernement civil, l’APS a suspendu cette annonce en même temps que les discussions entre les militaires et les leaders de la contestation. En cause, les garanties apportées par les militaires, qui ne seraient pas claires et suffisantes. Pire, la junte se serait même arrogé le droit de rejeter le nom de personnes pressenties par l’opposition pour créer cet introuvable gouvernement. Un droit de regard vécu comme une ingérence inadmissible. Si on ajoute à cela le fait que la soldatesque discuterait parallèlement avec des formations conservatrices, voire des partis islamistes jugés proches de l’ancien régime, on comprend que la machine de la transition soit passablement grippée. Autant dire que les manifestations quotidiennes sont loin d’être terminées, les croquants étant plus que jamais résolus à croiser le fer avec « l’enfant du régime », ainsi qu’ils dépeignent Al Abdel Fattah Burhan.

Ce qu’il faut craindre, c’est que le bras de fer entre la junte et les manifestants débouche sur le chaos, à moins que ce ne soit une situation à l’algérienne de ni guerre ni paix. Puisqu’à Alger, la situation constitutionnelle mise en branle avec la grande muette est au milieu du gué. Difficile donc d’avancer, impossible de faire machine arrière. Ce qu’il faut également redouter dans cette situation, c’est une chasse à la petite bête ouverte par les militaires pour mieux enfoncer le désormais pensionnaire de la prison de Kober. En témoignent ces 7 millions d’euros, ces 350 000 dollars et les 5 milliards de livres soudanaises, soit au total la rondelette somme de 100 millions d’euros qui auraient été découverts au domicile du despote déchu. Vraie découverte ou grosse manœuvre ? Une chose est sûre : Al Abdel Fattah Burhan et de nombreux autres galonnés de la haute hiérarchie militaire lapaient il y a encore peu dans ce bol de lait, qu’ils exhibent maintenant à la presse comme un trophée de guerre.

 

Issa K. Barry

Dernière modification lemardi, 23 avril 2019 20:46

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