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BEPC 2019 : Le «candidat» insolite du Zinda

 

C’est le jeudi 6 juin 2019 qu’a commencé l’administration des épreuves écrites du BEPC, du BEP et du CAP sur l’ensemble du territoire national. Pour cette session, 304 096 candidats convoitent le BEPC. Dans la plupart des centres de composition où nous avons promené nos micros, rien n’a entaché le bon déroulement de l’examen. Cependant, au lycée Philippe Zinda Kaboré, un homme à « l’accoutrement bizarre » a été interpellé par les forces de l’ordre, déjà sur le qui-vive.

 

 

 

 

Grosse frayeur ce jeudi matin au lycée Philippe Zinda Kaboré. Il est un peu plus de 8h 25mn, alors que les candidats ont entamé la deuxième épreuve du jour, lorsque les forces de l’ordre interpellent dans l’aire de composition un individu dont « l’accoutrement bizarre » a suffi à le faire considérer comme un suspect. Le monsieur, grand et mince, barbe grisonnante, porte un pantalon vert-kaki. Il porte un sac à dos et un bonnet de laine couvre ses dreadlocks. Suspecté, il est aussitôt apostrophé, puis encerclé par un bataillon de FDS dont certains sont munis de cordelettes et un autre avait un pistolet sanglé à la hauteur de sa cuisse. L’individu vide par terre l’entier contenu de son sac dont on distingue deux bidons contenant un liquide. « L’opération sac vide » terminée, l’infortuné, qui n’a pas été inquiété est vite éjecté du lycée. Plus de peur que de mal. Mais, il quitte les lieux tout amer. Il nous explique brièvement comment il s’est retrouvé dans cette « zone interdite ». « J’ai vu une dame qui rentrait avec du haricot. Je voulais en acheter pour 150 FCFA pour emporter. Elle me dit que si ce n’est pas à l’intérieur du lycée, elle ne trouvera pas de sachet. C’est ainsi je me suis retrouvé dans l’enceinte. Je ne savais même pas qu’il s’y déroulait un examen. », raconte-t-il, rouge de colère. Puis subitement, il nous lance : « Ne me questionnez plus, ce que je viens de vivre me suffit ». Il ne semble pas près d’oublier de sitôt sa mésaventure.

 

 

 

L’aire de composition interdite d’accès

 

 

 

Le proviseur du lycée Philippe Zinda Kaboré explique, qu’avec le contexte sécuritaire difficile, l’aire de composition est formellement interdite à toute personne étrangère qui n’a pas été autorisée. « Ce monsieur a été interpellé parce qu’il avait quand même une allure bizarre. En plus, il est accoutré, a beaucoup de sacs au dos et il traverse la cour en style rasta. Les forces de l’ordre ont vérifié son identité et l’ont reconduit dehors. Pour des questions de sécurité, personne ne doit avoir accès à l’aire de composition des candidats, peu importe qui tu es, si tu n’es pas un acteur de l’examen », prévient Alexis Kyélem. Des mises en garde qui éviteraient à d’autres personnes de se faire suspecter.

 

Si les FDS sont autant sur le qui-vive, c’est aussi parce que le contexte actuel l’exige. En effet, rien que ce 5 juin, veille du début des épreuves, leurs collègues de la Kompienga ont repoussé une attaque contre un convoi transportant les épreuves du BEPC.

 

 

 

« Le sujet de SVT a été bizarre »

 

 

 

Hormis cette fausse alerte, les épreuves suivent leur cours normal au lycée Philippe Zinda Kaboré qui accueille quelque 2 000 candidats répartis dans 5 jurys.  Dans la matinée, les élèves ont rejoint les salles de classe et les épreuves ont été administrées normalement et sereinement. Alexis Kyélem, proviseur du lycée Zinda et chef du centre de composition de l’établissement, rassure : « Tout se passe bien comme prévu dans les différents jurys. Les surveillants sont là, les membres des secrétariats aussi. Nous sommes en train de prendre la vitesse de croisière. »

 

La plupart des candidats apprécient positivement les épreuves de la mi-journée. Sauf celle des Sciences de la vie et de la terre qu’ils trouvent difficile à traiter. « L’épreuve de SVT a été difficile. Sinon les autres matières sont abordables », a jugé Fofana Kassoum. Mohamed Zouma et Djamila Compaoré, eux, jugent que le sujet de SVT a été « bizarre ». S’agissant de la dictée, elle comportait des « mots difficiles ». Mais, tous gardent l’espoir de décrocher le précieux sésame qui ouvre la porte du second cycle.

 

Au complexe scolaire le Bon berger (sis à Karpala) où une autre équipe s’est rendue, il n’y a rien de spécial à signaler. Pour Parfait Soubeiga, responsable du centre qui ne compte qu’un seul jury dont il est d’ailleurs le président, tout se passe à merveille. Le professeur certifié de philosophie a quand même relevé le fait qu’ils ont enregistré 15 absents sur 399 candidats répartis dans huit salles de composition. « De plus, il y a eu quelques difficultés car certains n’ont pas cherché au préalable leur jury ou leur salle. Ce matin, il a fallu bouger pour les orienter vers leurs jurys. D’autres aussi ont laissé leur Carte nationale d’identité à la maison, parfois c’est le nom qui a été mal écrit mais au final tout est rentré dans l’ordre ».

 

 

 

« Un examen au rabais »

 

A 10h30, nous profitons de la pause de quinze minutes dont les jeunes bénéficient après les épreuves de dictée, de langue et d’expression, pour recueillir leurs points de vue quant au déroulement de cette première étape. « C’était plutôt abordable », lance Houryata Yaogo, élève au groupe scolaire Yiguia-Bangré. « Le français est la matière dans laquelle je me débrouille le mieux », explique l’adolescente de 16 ans avant d’ajouter : « J’envisage la suite avec beaucoup d’espoir. C’est vrai que je redoute un peu l’épreuve de physique-chimie qui constitue en quelque sorte ma bête noire mais je suis confiante vu que j’ai un niveau moyen en classe ». En attendant, la jeune fille profite de ce laps de temps pour jeter un dernier coup d’œil à ses leçons de SVT (Sciences de la vie et de la terre). Pendant ce temps, Edgard Ghislain Christom Yougbaré tente de trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Lorsque nous l’accostons, l’élève au lycée Albert Einstein n’hésite pas à nous dire que l’examen commence bien. « On rend grâce à Dieu pour cela. Depuis hier je suis plein d’énergie. Je me suis bien réveillé ce matin, je n’ai pas du tout été paniqué », soutient-il, le sourire aux lèvres.

 

 

 

« Nous n’avons pas reçu le matériel à temps »

 

 

 

Au lycée Réveil où nous sommes arrivés autour de onze heures, l’ambiance n’est pas aussi particulière que ça. Les candidats sont toujours en salle pour l’épreuve de SVT. Tout de suite, Emmanuel Kaboré, président du jury 24 et par ailleurs responsable du centre, se met à notre disposition pour toute information utile. « Nous avons deux jurys, 24 et 25, et huit salles par jury. Nous n’avons pas constaté d’incident particulier. On a enregistré 37 absences dès la première épreuve », a-t-il déclaré d’entrée de jeu. A la question de savoir s’il y a eu des difficultés, notre interlocuteur dira : « Nous n’avons pas reçu le matériel (stylo et autres) à temps. Ce n’est que ce matin qu’on les a reçus alors que le travail de secrétariat a commencé depuis hier. Il a fallu que l’établissement trouve le nécessaire en attendant ». Emmanuel Kaboré a conseillé aux candidats de rester sereins, car, à son avis, certains sont parfois anxieux et stressés. A l’en croire, les épreuves qu’on leur donne ne sont pas au-delà de leur capacité. C’est d’ailleurs cette raison qui avait poussé Parfait Soubeiga,président du jury 29, à dire que le gouvernement semble avoir accommodé les épreuves au niveau des élèves.

 

En effet, pour le professeur certifié de philosophiequi travaille au lycée municipal Nicolas De Preux, il n’est pas nécessaire de comparer le niveau des anciens à celui de la nouvelle génération pour constater qu’il y a une certaine décrépitude. « Si on devait appliquer la même rigueur que les années passées, je me demande quel résultat on pourrait avoir », s’est interrogé notre interlocuteur, enseignant depuis dix ans. A la question de savoir si cette situation ne met pas en danger l’avenir de tout le pays, le doctorant va répondre en rappelant la citation de Mao Tsé Toung, chef de la Révolution chinoise, qui disait que pour tuer un Etat, il n’est pas nécessaire de prendre des armes mais de s’attaquer à son système éducatif. « Lorsque le système éducatif a du plomb dans l’aile, ça affecte de facto le niveau de la ressource humaine. Néanmoins, je pense qu’on ne doit pas être totalement pessimiste. Je demeure convaincu que dans cet océan de désordre apparent, il y a quelques gouttes d’eau qui restent conscientes, qui ont de la qualité et je pense qu’avec elles on va voir ce qu’on peut faire pour le pays, sinon le niveau des élèves est quand même très inquiétant », a conclu Parfait Soubeiga.

 

 

 

« Repenser le système éducatif »

 

 

 

Pour sa part, Emmanuel Kaboré a formulé des recommandations pour une meilleure résolution du problème. « Je pense qu’il y a un phénomène qui doit être combattu et il s’agit des mouvements d’humeur qui ont lieu pendant l’année scolaire et qui mettent en péril l’ensemble du système », a déclaré l’éducateur, estimant aussi qu’il est plus que nécessaire de repenser le système éducatif dans son ensemble. Le fait par exemple de laisser passer automatiquement les élèves dans les petites classes de l’école primaire est à éviter, selon lui, car, parfois, les enfants sont sans niveau et cela ne peut qu’avoir des conséquences par la suite. « Nous pensons qu’il faut un peu plus de rigueur », a-t-il souligné.

 

 

 

Hadepté Da

 

Zalissa Soré

 

 

 

 

 

Encadré

 

 

 

Le texte de la dictée est un texte du journaliste et écrivain Baba Hama

 

 

 

Dictée : La plaine commune

 

Un vent frais soufflait sur la plaine. Le ciel d’un bleu azur était chargé par endroits de fins nuages blancs. Le sable, d’un jaune ocre, virait peu à peu au vert là ou quelques herbes précoces avaient poussé. Les pique-bœufs avaient commencé à migrer vers le sud à tire d’ailes par vagues successives. Certains soirs, l’horizon se faisait menaçant comme si un orage se préparait. Les signes ne trompaient pas, l’hivernage était proche. Les bergers savaient aussi lire ces signes annonciateurs de la saison des pluies. Bientôt, il leur faudrait lever leur camp car les cultivateurs sédentaires allaient eux aussi se remettre au travail. C’est ainsi depuis la nuit des temps. Bergers et agriculteurs se relayaient sur cette plaine sablonneuse.

 

 

 

D’après Baba Hama, Kalahaldi, la patte de charognard

 

Ed. L’Harmattan, 2014,P.85

 

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