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Médias et cohésion sociale : Dans quel encrier tremper la plume ?

Alors que le tissu social se fissure de partout sous les coups de boutoir des forces du Mal, les journalistes burkinabè réfléchissent à leur rôle dans la consolidation du vivre-ensemble. « Médias et construction des valeurs de l’Etat-nation : défis et perspectives », c’est le thème de la conférence publique organisée par le ministère de la Communication le 7 juin 2019 au Conseil burkinabè des chargeurs (CBC). Cette activité s’inscrit dans le cadre global de la commémoration cette année du centenaire de la création de la Haute-Volta qui se tient sous le thème : « De la création de la Haute-Volta à la construction de l’Etat-nation burkinabè : leçons et défis ».

 

 

Face au public, composé en majorité d’hommes de médias et d’étudiants en journalisme, des sommités dans leur domaine : le président de l’association des historiens du Burkina, le Dr Pierre Claver Hien, le contrôleur général d’Etat, Luc Marius Ibriga, et un journaliste, membre du collège des conseillers du Conseil supérieur de la communication (CSC), le Dr Victor Sanou. Le panel était modéré par l’ancienne présidente du CSC Béatrice Damiba.

 

En préambule, le ministre de la Communication, Remis Dandjinou, jette un coup d’œil dans le rétroviseur pour en tirer cette analyse : « Depuis la période des indépendances, en passant par la période des Etats d’exception jusqu’à l’avènement de la démocratie en 1990, une certaine interaction entre événements historiques, changements des pouvoirs et médias montre à quel point l’histoire des médias est intrinsèquement liée à celle de notre pays ». Le pays étant à un moment charnière  où le vivre-ensemble est menacé par la montée de l’extrémisme violent et les affrontements communautaires, Remis Dandjinou a la conviction que les journalistes peuvent « influencer le cours de l’histoire ».

 

Il fait une appréciation en demi-teinte, avec une nuance positive, de l’attitude des scribouillards face aux enjeux du moment : « Les médias burkinabè jusque-là ont fait montre d’un professionnalisme exemplaire. Mais cela ne devrait pas faire perdre de vue les écarts constatés ces derniers temps dans certaines productions médiatiques, surtout au niveau des réseaux sociaux, qui contribuent à véhiculer des informations dans le mépris total de l’éthique et de la déontologie. Ce qui constitue aujourd’hui une menace sérieuse pour la paix et la cohésion sociale ». D’où tout l’intérêt de cette conférence dont l’un des objectifs, a-t-il dit, est de « sensibiliser les acteurs des médias à leurs rôle et responsabilité dans la construction de la paix et la cohésion nationale à travers le traitement de l’information ».

 

Le premier intervenant, le Dr Pierre Claver Hien, historien, maître de recherche au Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST), a entretenu le public de cette problématique : « L’Etat-nation en question : genèse, péripéties et défis de la cohésion sociale ». Rappelant brièvement la petite histoire de la naissance de la Haute-Volta, cette colonie constituée d’une mosaïque d’ethnies. Pour le conférencier, la nation étant le sentiment d’appartenir à une même communauté de destin et que l’Etat suppose l’existence d’un territoire, d’une population et d’institutions, le Burkina Faso est bel et bien un Etat-Nation.

 

Seul un cas de velléité sécessionniste, qui a fait long feu, a été noté : le Mouvement autonomiste de l’Ouest (MAO) qui rêvait d’une République du Kénédougou. Des événements comme Le combat pour la restitution de la colonie en 1947 et les deux guerres contre le Mali ont renforcé ce patriotisme et la fierté nationale, a soutenu l’historien. La nation se vit aussi, a-t-il ajouté, à chaque match des Etalons où la ferveur est grande autour des couleurs nationales. Mais le vivre-ensemble a été parfois secoué par les crises politiques qui ont jalonné l’histoire du pays et est aujourd’hui menacé par le terrorisme. Pour préserver la maison commune, le Dr Hien invite les Burkinabè à relire notamment leur histoire, à réformer le système éducatif, à cultiver le dialogue, la bonne gouvernance et  à œuvrer à une juste  répartition des richesses et à l’implication de tous dans la gestion de la chose publique.

 

« Une proto-Nation »

 

« Quel mécanisme de promotion de la justice par les médias dans la construction de l’Etat-Nation ? » Une question à laquelle devait répondre le contrôleur général d’Etat, Luc Marius Ibriga. Contrairement à son prédécesseur, le juriste estime que le Burkina n’est pas encore un Etat-Nation. « Nous sommes une proto-Nation, un Etat multinational », a-t-il avancé, expliquant cette situation par plusieurs facteurs dont la fragilité du socle de l’Etat, la non-appropriation de l’Etat colonial, l’affaiblissement des canaux classiques de contestation, l’absence de démocratie sociale, la décrédibilisation de la justice, l’effritement de la cohésion sociale et l’affaiblissement de la citoyenneté.

 

Pour pouvoir jouer leur rôle dans la promotion de la justice, un des éléments sur lequel doit se fonder une nation, le monsieur propre de la République affirme que les journalistes doivent se soumettre à des préalables. Ils doivent éviter selon lui la révérence face au pouvoir politique, d’une part, et d’autre part, faire preuve de prudence devant l’argent. Les journalistes doivent travailler à ce que les citoyens connaissent la justice et son fonctionnement, lui fassent confiance et la saisissent en cas de besoin.

 

Les 10 commandements du journaliste

 

Pour résumer sa présentation, qui a porté sur le « Rôle de la presse dans la promotion de la réconciliation et de la cohésion sociale », le dernier paneliste, le Dr Victor Sanou, a fait référence aux livres saints pour édicter ce qu’il a appelé les 10 commandements du journaliste. Aperçu : « reportages impartiaux et objectifs tu réaliseras » ; « articles partisans et unilatéraux, tu n’écriras pas » ; « neutralité, tu observeras » ; « Vie privée des personnes tu respecteras » ; « Subordination tu refuseras » ; « vérité des faits tu rétabliras à tout moment » ; « Rémunération illicite orientant le traitement de l’information tu rejetteras » ; « plagiat, calomnie, médisance, achat de conscience tu t’en garderas » ; « agit en ton âme et conscience ». Au moment où les liens sociaux ont pris un coup, les médias peuvent être d’après lui un puissant vecteur de reliance sociale en purgeant la société de ses pulsions destructrices, en consolidant la concorde et le vivre-ensemble.

 

 

Hugues Richard Sama

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