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Affaire Rama La Slameuse : L’artiste déférée à la MACO

Elle avait promis de se rendre au Tribunal de grande instance de Ouagadougou en tenue d’Eve, mais sa tentative de s’exécuter une fois sur place  s’est soldée par un échec : elle a tout simplement été maîtrisée par des GSP, en tenue civile, qui l’ont menottée avant de s’engouffrer  avec elle dans le palais de justice. C’est cette scène qu’a donné à voir Rasmata Diallo, dite Rama La Slameuse, hier 24 juin 2019 à Ouagadougou, elle qui y a été initialement convoquée pour être inculpée pour des faits de blanchiment de capitaux par le juge d’instruction. Mais à l’issue de plusieurs heures d’attente, celle qui se revendique «la première femme slameuse du Burkina» a été déposée à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) sur ordre du parquet, selon des sources judiciaires. Explications.

 

Pour qui connaît les mouvements incessants des usagers du palais de justice de Ouagadougou, hier 24 juin 2019 devait être un jour normal. Mais il suffisait de voir le monde massé à l’entrée sud de l’enceinte et les filles qui y accouraient, banderole jaune au bras, pour se convaincre du contraire. C’était alors un jour avec un cachet particulier dû à Rasmata Diallo, alias Rama La Slameuse, qui avait, dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, menacé de s’y rendre nue et Coran en main pour prouver son innocence. Cette sortie faisait suite à la réception d’une convocation à inculpée pour des faits de blanchiment de capitaux.

Sur le coup de 8h10 mn, un cortège de trois véhicules arrive sur les lieux. Celui de tête est estampillé Gloria La slameuse, du nom de la fille de l’intéressée. Les deux autres, eux, portent le nom de Rama, qui sortira d’ailleurs de son Hummer, vêtue d’un blouson noir. Après quelques instants à deviser avec celles et ceux acquis à sa cause, elle se dirige et s’installe sur le capot de la voiture de tête pour se livrer à ce qu’elle avait promis de faire. Le manteau court à peine enlevé, elle se verra cernée d’hommes et de femmes qui n’entendaient pas laisser ce spectacle aboutir. Parmi eux, un binoclard au physique imposant maîtrise la situation. Une brève débandade a lieu, on aurait chargé cette partie de l’air avec du gaz à main.  «La première femme slameuse du Burkina », les deux mains entravées par des menottes, n’a d’autre choix que d’emprunter l’itinéraire qui lui est montré : la voie d’accès au palais.

8h25 mn : alors que le public de curieux et de fans de l’artiste attend de voir quelle sera la suite des événements, ils sont délogés par les GSP qui ne voulaient pas voir d’attroupement. «Pas de rassemblement », «on ne veut pas voir d’attroupement », sérine l’un d’entre eux, pendant qu’un pick-up de policiers fait la ronde. Dans les groupuscules, les échanges vont bon train. «Des gens ont fait pire que Rama, mais ils continuent de circuler librement» ; «Il faut la laisser profiter de son argent même si elle a fait du ‘’wack’’ (ndlr : pratiques mystérieuses, pour se faire beaucoup d’argent en l’occurrence), tout le monde n’est pas capable de le faire. Elle, elle a du cœur, du courage que d’autres n’ont pas eu». Mais ils ou elles ne sont pas nombreux à s’exprimer dans un micro. Mariam Djamila Tinto, elle, n’y va pas par quatre chemins pour nous livrer le fond de sa pensée. Pour cette élève en classe de 1re venue soutenir l’artiste, «un artiste a toujours besoin de faire le buzz pour mieux s’imposer», même si elle reconnaît qu’elle exagère parfois. «Ce n’est pas normal d’insulter les gens sur les réseaux sociaux, mais souvent elle ne  le fait pas gratuitement. Il y a des gens qui la provoquent. Comme elle est artiste, tout le monde suit ses réactions, sinon beaucoup font plus que cela», explique-t-elle avant de souhaiter des juges une certaine magnanimité.

 

«Je suis venue soutenir ma petite sœur»

 

Selon Mounira Ouoba, la coiffeuse de Rama La Slameuse, sa présence est justifiée par la volonté de «soutenir une petite sœur qui a des difficultés». Elle embouche la même trompette en estimant que ce sont les propos de la mise en cause qui sont les plus en vue. Elle ne saurait dire que sa sœur en fait trop dans les écarts langagiers puisqu’elle seule supporte les coups que lui assènent ses détracteurs. «Pour ce qui est de son comportement, chacun a un caractère différent, donc je ne peux pas dire qu’elle en fait trop», précise-t-elle. Elle ne sait rien du tout de l’infraction reprochée à sa cliente.

9h15 : une brève altercation éclate entre une fille et un jeune homme à qui il est reproché de «filmer les gens sans leur autorisation». La tension monte d’un cran, celle qui s’estime lésée fait tout pour attirer l’attention du public. «Faut supprimer la vidéo», rouspète-t-elle, sur la défensive. Le jeune homme, qui semblait dépassé par les événements, lui, se veut relativement serein. Sa ligne de défense : la partie de la vidéo concernant la fille à l’accent étranger ne concernerait que son dos. Mais rien n’y fit. «La victime » persista et réussit à attirer l’attention d’un flic qui est venu remettre les choses à l’ordre, puisque la vidéo incriminée sera finalement supprimée.

10h45 mn : une fourgonnette de la police nationale stationne devant l’entrée. Une policière en descend dire quelques mots à un GSP avant que le groupe ne se dirige vers l’entrée donnant sur la maison de l’Avocat. Le véhicule étant plein de CRS dames,  il se susurre déjà que «Rama sera déposée, il n’y a rien à faire». Deux d’entre elles convergent vers le cabinet et reviennent sur leurs pas, les bras ballants. Les flics se positionnent en attendant toute instruction. Et l’attente de l’assistance recommence de plus belle. 

 

«Nous n’arrivons pas à la voir depuis le matin»

 

16h30 : le staff de l’artiste multiplie les va-et-vient entre son quartier général circonstanciel, installé devant la maison de l’avocat, et l’entrée principale du palais. «Depuis le matin, nous n’arrivons pas à la voir», nous confie le manager de l’artiste, Ibrahim Ouédraogo, qui précise pourtant que les échanges avec le juge ont été entrecoupés par plusieurs pauses. Un autre collaborateur de la Slameuse annonce la sortie de son avocat, Me Paul Kéré. «Il sortira d’un instant à l’autre parler à la presse», assure-t-il. Quelques instants plus tard, l’homme en robe noire sort effectivement et rejoint illico presto son véhicule, à bord duquel il échange quelques mots avec des membres du staff. L’accès à la cour est refusé. D’un signe de la main, l’avocat nous donne rendez-vous devant la porte du barreau. Mais ce sera un rendez-vous manqué, puisqu’en compagnie de quelques collabos de celle qui se fait appeler «La fierté nationale», son véhicule, à notre insu, passera par une porte dérobée. Au même moment, les membres du staff de l’artiste les uns après les autres lèvent l’ancre, laissant la place à une foule de croquants que les Officiers de police judiciaire (OPJ) n’ont pas tardé à disperser.

Depuis la porte d’accès menant à la maison de l’Avocat, nous apercevons le bus géant de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) stationné devant l’entrée ouest du palais. En file indienne, des prévenus, mains liées, s’y engouffrent. Rama était-elle du groupe ? Personne pour répondre à cette question qui était sur toutes les lèvres. «Allez ! libérez les lieux ! Il n’y a plus rien à voir ici», ordonne un des maîtres de la sécurité des lieux.  «Mais puisque nous n’avons pas vu Rama ressortir !», se permet de réagir un confrère à qui l’OPJ a répondu avec ironie en ces termes : «On ne vous a pas dit que l’être humain peut se volatiliser ? Il se peut donc que Rama se soit volatilisée». Quelques minutes plus tard, le véhicule des prévenus qui attirait tous les regards curieux file en trombe.  Rama y est en partance pour la MACO, sur la base d’un mandat de dépôt décerné contre elle par le procureur du Faso (voir encadré).

Aboubacar Dermé

Bernard Kaboré

 

Encadré :

Les faits qui lui sont reprochés

 

Selon des sources judiciaires, Rasmata Diallo a été initialement entendue par le juge d’instruction qui au finish ne l’a pas déposée pour les faits de blanchiment de capitaux, mais l’a placée sous contrôle judiciaire. Elle a par la suite été entendue par le parquet où le procureur du Faso lui a opposé ses propos contre la police en 2018, le refus d’obtempérer, l’outrage à agents, la menace de mort (la dernière vidéo publiée), le discrédit d’un acte judiciaire ; le fait de rébellion et d’atteinte à la vie privée (des plaintes qui avaient été déposées contre elle). C’est donc ces infractions mises bout à bout qui lui ont valu d’être déférée à la MACO.

A.D.

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