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Affaire Aliou Sall : Le tout n’est pas de démissionner

Aliou Sall a donc fini par démissionner de son poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) où il avait été nommé en septembre 2017.

 

A l’époque, cette nomination par son frère de président avait fait des vagues à cause de la forte odeur de népotisme qu’elle exhalait. Mais ce n’était rien comparé à la marée noire dans laquelle « monsieur frère » est englué depuis quelque temps.

A l’origine de l’affaire dite Petro-Tim, qui a rebondi début juin, une enquête de la BBC dans laquelle le frère cadet du président sénégalais Macky Sall est accusé d’avoir reçu, en 2012,  250 000 dollars de pot-de-vin de Franck Timis, par le biais d’Agritrans, une société à responsabilité limitée dont il est actionnaire. Et ce, en échange de l’attribution de concessions d’exploration gazière et pétrolière  à Petro-Tim, la société dirigée par le sulfureux homme d’affaires franco-roumain.

Le maire de Guédiawaye avait beau se défendre, criant à la cabale politique et jurant la main sur le cœur n’avoir pas reçu le moindre radis, la tempête n’a fait que s’accentuer, au point que le chef de l’Etat avait dû s’en expliquer  en marge de la prière du Ramadan.

Seraient-ce donc de simples manigances politiciennes dont la véritable cible serait Macky Sall qui vient de triompher sans gloire pour avoir vaincu sans péril ses challengers lors de la présidentielle de février 2019 ?

Quoi qu’il en soit, cette affaire est  suffisamment embarrassante pour Macky Sall, surtout si la culpabilité de son frère venait à être confirmée. Tout laisse d’ailleurs penser que ce départ d’Aliou Sall de la CDC,  qui a dû être discuté avec son «koro», est aussi une manière de protéger le chef de l’Etat des effets néfastes de cette affaire qui peut pourrir tout son mandat. Mais Aliou Sall ne sera pas ipso facto lavé de tout soupçon juste parce qu’il a rendu le tablier, comme l’y poussait une bonne partie de la classe politique et de la société civile, pour « laver son honneur sali » par « cette  campagne visant à me déshumaniser, à me présenter comme le méchant face au bon, celui qui s’abreuve du sang et de la sueur du peuple sénégalais, le personnage sans foi ni loi qui nargue un peuple exsangue », peut-on en effet lire dans sa lettre de démission rendue publique hier. Il faut espérer pour lui et son frangin de président que la justice fera son travail sans entrave aucune  et qu’il sera blanchi le moment venu s’il n’a vraiment rien à se reprocher.

En attendant ce « Petro-gaz gate »  repose une fois de plus la question de l’immixtion de la famille dans les affaires de l’Etat. Ce n’est pas Abdoulaye Wade, l’ancien président sénégalais, qui dira le contraire, lui qui a contribué à la perte de son fils Karim, aujourd’hui exilé au Qatar, quand il en a fait son ministre du « Ciel et de la Terre». C’est alors que ses angoisses ont commencé. Hier donc le fils, aujourd’hui le frère. Et que dire de François Compaoré qui est sans doute l’un de ceux qui ont contribué à la chute de son grand frère Blaise Compaoré, balayé par une insurrection populaire en octobre 2014, ou encore de la descendance d’Eduardo dos Santos, à commencer par Isabel, qui a entamé une véritable descente aux enfers dès que le patriarche a cédé le fauteuil ? On peut encore citer Saïd Bouteflika, le régent d’Alger, ou la pétillante Leila Trabelsi, et on en oublie d’autres.

On le voit, c’est souvent une mauvaise affaire de mêler la famille aux affaires de l’Etat sur fond de petites et grandes magouilles. Et sur ce plan, les pères des indépendances, dans bien des cas, ont su éviter ce mélange de genres en tenant éloignés enfants, frères et sœurs du pouvoir.

 

Hugues Richard Sama

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