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Consommation de tabac et de drogues : Arrêter ou finir par casser sa pipe

 

 

L’affirmation de soi, le désir de liberté ou le besoin d’identification. Ce sont, entre autres, les raisons qui poussent les jeunes à tomber dans le piège de la cigarette ou des drogues dont ils finissent par devenir dépendants. Malgré le bon vouloir de certains, difficile de sortir de ce cercle « vicieux » ; heureusement que qui veut peut. Et selon le Pr Georges Ouédraogo, pneumologue et tabacologue en service à l’hôpital Yalgado, quel que soit le nombre d’années mis à fumer, on peut toujours arrêter pour peu qu’on en ait la volonté. Il n’y a absolument rien de bon dans la cigarette ou dans les drogues, explique-t-il dans cette interview réalisée le lundi 1er juillet, où il ne manque pas de partager des recettes pour écraser définitivement sa clope.

 

 

 

 

A partir de vos consultations, quel état des lieux pouvez-vous faire de la consommation de tabac et de drogues au Burkina ?

 

 

 

Le phénomène prend des proportions grandissantes : en 2013, une enquête fixait la prévalence de la consommation de tabac à 19,8%, soit environ 12% pour la cigarette. Mais au fil des années, on s’est rendu compte qu’outre la consommation de tabac, il y a la consommation de la drogue, qui tend à se généraliser, notamment au niveau des jeunes, que ce soit dans les établissements primaires ou ceux d’enseignement secondaire, voire supérieur. De plus en plus de jeunes consomment le cannabis. A   côté de ça, il y a d’autres formes de consommation, comme la chicha ou la pipe à eau, auxquelles les jeunes s’adonnent. A notre niveau, nous constatons que le phénomène prend de l’ampleur malgré tout ce que l’on voit comme sensibilisation.

 

 

 

Est-ce que fumer de la cigarette ou de la drogue, c’est répondre à un besoin de l’organisme ?

 

 

 

Non, pas du tout. Les besoins naturels, c’est, entre autres, boire, manger, se vêtir, dormir et faire du travail physique. Le créateur, à mon sens, n’a pas prévu par exemple que l’être humain utilise la cigarette ou d’autres types de drogues. Je dis toujours à mes étudiants que si le créateur avait voulu que ce soit une consommation naturelle, il allait prévoir aussi des voies de sortie et permettre à l’organisme d’en tirer ce qui est bénéfique. Les déchets allaient partir ailleurs comme on le voit pour les aliments où il y a des voies d’entrée et d’extraction. On enlève ce qui est utile et le reste est rejeté 24h après. Consommer du tabac ou de la drogue, ce n’est pas naturel. L’organisme n’a pas besoin de cela pour se développer et être utile à la personne.

 

 

 

Mais pourquoi certaines personnes qui consomment le tabac ou la drogue ont du mal à arrêter de le faire ?

 

 

 

Vous touchez là le nœud du problème. Au fond, on commence pour faire semblant, à faire comme les autres, on imite les pères, un artiste, des amis ou un enseignant qu’on admire et après ça devient une habitude et après l’habitude, une servitude. C’est un cercle vicieux. Par exemple, si on prend le cas du tabac, il y a une dépendance qui se développe. Cette dépendance se développe aussi concernant les autres drogues. Pour ce qui est du tabac, c’est la nicotine qui va créer la dépendance. Ce qui fait que l’organisme va être perturbé dans son fonctionnement. Quand vous tirez la première bouffée de cigarette, en moins de sept secondes la nicotine va se fixer au niveau du cerveau et perturber un peu le fonctionnement des neurones. Pourtant, c’est le cerveau qui gère tous nos gestes et comportements ; ce qui fait que ça va créer avec le temps une certaine dépendance et on ne peut pas s’en priver. La « victime » est consciente que ce n’est pas bon mais elle en est dépendante. Quand elle n’en consomme pas, il y a des signes de sevrage qui se manifestent  et la personne est poussée vers la substance soit du tabac soit de la drogue. C’est la dépendance donc qui fait qu’il est difficile aux gens de s’en sortir.

 

 

 

Pourtant si l’on se décide, on peut arrêter définitivement de fumer…

 

 

 

Selon la littérature scientifique, 75% des fumeurs de cigarettes disent qu’ils vont arrêter. Il n’y a que 35% qui décident d’arrêter, et il n’y a que 5% qui arrivent à le faire sans aide. La volonté d’arrêter peut aboutir au fait d’arrêter. Dans  nos hôpitaux, il y a un accompagnement, que se soit au service de pneumologie ou de psychiatrie, pour aider ceux qui se décident à arrêter. Et avec cet accompagnement, on arrive à multiplier par quatre les chances de succès. On atteint 20 à 25% de personnes que l’on arrive à aider à arrêter de fumer. Ceux qui le veulent peuvent simplement d’eux-mêmes venir en consultation,  on va estimer leur dépendance et adapter cela à leur prise en charge afin qu’ils réussissent.

 

 

 

Quels sont les moyens de sevrage dont vous disposez ?

 

 

 

Il y a plusieurs moyens. Mais on utilise notamment les substituts nicotiniques (comme je vous l’ai dit, c’est la nicotine qui crée la dépendance) pour adapter les doses et permettre à la personne au finish de se séparer de la cigarette. Les substituts nicotiniques sont sous forme de chewing gum, de bonbons à sucer ou encore sous forme de pâte qu’on colle à la peau. Pour que ça marche, il faut utiliser les deux formes.

 

 

 

Et la cigarette électronique ?

 

 

 

Elle est surtout utilisée en Europe pour amener les gens à cesser de fumer mais actuellement on n’en connaît pas suffisamment les effets néfastes. On s’est rendu compte que ça peut en tout cas aider à arrêter de fumer même si elle peut aussi être un mode d’entrée dans la consommation de la cigarette classique pour les jeunes, car avec la cigarette électronique on peut ajouter de la nicotine dans le liquide.

 

 

 

On ne le dira pas assez, le tabac ou la drogue exposent à un paquet de maladies. Quelles sont quelques-unes d’entre- elles ? 

 

 

 

Il n’y a rien de bon dans le tabac. Ce n’est pas bon pour la personne qui fume ni pour la personne qui partage le même environnement que le fumeur. Là on parle de tabagisme passif, car la personne va être exposée aux mêmes maladies que le fumeur : vous avez les cancers de la langue, des lèvres, de la gorge, des poumons. Dernièrement, j’ai suivi un patient qui avait un cancer des amygdales. Tout l’organisme est touché en quelque sorte. A côté des cancers, il y a les maladies cardio-vasculaires et les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Si on va plus loin, ça peut toucher les organes de reproduction, entraîner l’impuissance sexuelle, la stérilité de la femme ou avoir des effets sur le fœtus si la femme est enceinte et continue de fumer : Il s’agit, entre autres, du retard de croissance, du faible poids à la naissance ou des avortements à répétition. Il y a d’autres maladies qui touchent le tube digestif  telles que les ulcères. Même la peau peut être touchée. C’est le cas des rides qui apparaissent très précocement. Chez certains fumeurs, vous verrez la coloration qui change au niveau des mains, de la gencive ou des dents. Il y a d’autres perturbations parce qu’il y a dans le tabac ou la drogue des substances qui perturbent l’équilibre de la circulation de l’oxygène dans l’organisme. Il y a ce que l’on appelle le monoxyde de carbone qui dégrade la richesse de l’oxygène. La personne est peu oxygénée même si elle respire. Le monoxyde de carbone va entrer en compétition avec l’oxygène. Il aura des problèmes respiratoires. Malheureusement les gens ne s’en rendent compte que trop tard, car les maladies n’apparaissent pas rapidement. Ça met du temps.

 

Dans le cas de la chicha, les gens utilisent le même bec pour fumer alors qu’il y a des maladies transmissibles telles que la tuberculose et l’hépatite.

 

 

 

Les industries du tabac sont désormais tenues, et ce à partir de ce 1er juillet, d’apposer des images choquantes sur les paquets de cigarettes. Pensez-vous vraiment que cela peut contribuer à une meilleure sensibilisation ?

 

 

 

Je pense que cela a été décidé suite à des études. Il a été démontré dans beaucoup de pays qu’apposer des images qui peuvent choquer aide à réduire l’attrait de la cigarette et en réduire du même coup la consommation. C’est le cas en Europe, où ils ont commencé avant nous, et dans certains pays en Afrique de l’Ouest ou centrale. Vraiment ça fait réfléchir par deux fois les gens qui fument. On a remarqué qu’il y a une diminution de la consommation. Je m’en réjouis, car cela fait longtemps que nous luttons pour que ça arrive.

 

 

 

Y a-t-il des gestes simples à adopter pour quelqu’un qui veut arrêter de fumer ?

 

 

Si quelqu’un veut arrêter de fumer, il faut qu’il soit motivé. J’encourage les gens à arrêter de fumer même si cela fait 50 ans qu’ils fument.  Décidez-vous d’arrêter, et pour soutenir cette volonté essayez de mettre en place une stratégie personnelle. Arrêter ce n’est pas facile, je le reconnais. Les envies vont toujours venir. Mais je dis toujours aux patients que ce n’est pas parce qu’on a envie d’une chose qu’on succombe à l’envie. Il faut réfléchir à d’autres types d’envie devant lesquelles on résiste. Par exemple si vous êtes assis et que l’envie vous prend, levez-vous et changez d’endroit. Si vous êtes avec des amis qui commencent à fumer, écartez-vous du groupe, essayez de boire un verre d’eau, récitez des phrases du genre: ‘’moi j’ai arrêté de fumer’’. Ce sont des recettes qui marchent et ça ne dure que deux à trois minutes. Je confesse que la vague qui va revenir sera plus forte, mais il faut y résister et petit à petit elle va diminuer. Au fur et à mesure que vous développez cette attitude, vous allez vaincre l’envie. Si vous n’arrivez pas à le faire, nous sommes là pour estimer votre dépendance, donner des conseils personnalisés, car au fond vous fumez la même chose, mais vous ne vous ressemblez pas. Face à la cigarette, on n’a pas les mêmes réactions. Au niveau de l’unité de sevrage de l’hôpital Yalgado, nous pouvons les accueillir pour donner des conseils. Nous espérons bientôt développer une assistance à distance, par téléphone, pour discuter un peu plus avec les jeunes, mais c’est un processus qui est entre les mains du ministère de la Santé. Nous espérons que d’ici peu, ce sera possible. Il n’est jamais tard d’arrêter de fumer, et c’est toujours bénéfique.

 

 

Alima Séogo née Koanda

 

Tél. : 79 55 55 51

 

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