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Gestion du pouvoir d’Etat : Dis-moi ton âge … je te dirai quel dirigeant tu es

Le cardinal Christian Tumi est Camerounais. Grande figure de l’Eglise catholique de son pays et natif de la région anglophone, en proie à une volonté sécessionniste, il n’a généralement pas sa langue dans sa poche, et les plus hautes autorités, Paul Biya en tête, ont toujours scruté avec méfiance chacune de ses initiatives et  de ses interventions.

 

Du reste, lui qui a toujours prôné le dialogue réfute avec véhémence son présupposé soutien aux Ambazoniens, qui se revendiquent d’un futur Etat qui s’appellera l’Ambazonie, rappelant d’ailleurs que, jeune prêtre, il fut un des rares étudiants de la zone anglophone à avoir exigé de poursuivre ses études dans une université francophone. Pour la petite anecdote, afin de vite se mettre à niveau dans la langue de Molière, il apprenait 50 nouveaux mots par jour.

Forte tête, pour ne pas dire religieux casse-cou, mélange d’Abbé Pierre et de Nicolas Hulot, il n’hésitait pas à rentrer dans sa région natale, malgré le risque d’être tué ou enlevé par les sécessionnistes. Il a fallu la prise en otage de John Fru Ndi, l’énigmatique opposant qui a donné bien des cauchemars   au locataire du palais d’Etoudi, pour qu’il hésite par deux fois avant de prendre le chemin du village.

Eh bien, c’est cette forte personnalité que Jeune Afrique a interviewée dans son avant-dernière livraison, et le journaliste lui a demandé, comme c’est souvent le cas quand il se prête à cet exercice, s’il n’aurait pas des ambitions politiques. Voici sa réponse : «Un bon président aujourd’hui ne devrait pas avoir plus de 50 ans. Et les ministres, pas plus d’une quarantaine d’années. On ne peut pas sortir de notre situation de sous-développement sans moderniser. Et pour moderniser, il faut associer les jeunes à la conduite des affaires. Ils comprennent mieux le monde contemporain. Un homme de mon âge (88 ans) n’a plus la force de gouverner un pays où les jeunes représentent 70% de la population». Qui est ce vieillard de 86 ans qui tousse à Mvomekâa ?

J’ai la faiblesse en effet de partager la même opinion. Dans ce monde en accéléré où tout va vite et où la politique 2.0 est presque la règle, confier la gestion du pouvoir à des sexagénaires ou septuagénaires qui ont leur avenir derrière eux  me paraît problématique. Dans ma petite tête en effet, j’ai beau chercher le souvenir d’un dirigeant qui a pris le pouvoir après la cinquantaine et qui s’est révélé grand bâtisseur, je n’en trouve pas. Que les lecteurs viennent à mon secours si je me trompe. De toutes les façons, s’il s’en trouvait un ou deux bons exemples, il s’agirait d’exceptions qui confirmeraient la règle. Ce n’est pas pour rien que le Blanc a inventé la retraite.

Encore que d’aucuns pourraient rétorquer que c’est parce que l’évêque n’a pas jusque-là goûté aux vertiges du trône qu’il ose pareille sortie. Avouons avec eux qu’il y eut en effet moult dirigeants qui ont fait pareils vœux pieux quand ils se sentaient un peu loin d’être frappés par la limite d’âge. La date butoir arrivée,  ils ont osé le grand écart au risque de provoquer l’accident. Le prétexte est tout trouvé : des chantiers à achever ou l’appel pressent d’un hypothétique peuple à renouveler le bail.

Ça vous rappelle quelqu’un ? Si ! Le Nigérien Mamadou Tandja qu’a tenté de freiner dans son élan un Blaise Compaoré qui l’avait prévenu qu’il allait droit dans le mur. Ironie de l’histoire, quand l’heure a sonné, le même qui se voulait donneur de leçons de conduite exemplaire s’est révélé être un véritable brûleur de feux en tentant vaille que vaille de modifier l’article 37 de la Constitution, oubliant les coups de sifflets stridents du policier. La suite, on la connaît…

Cela dit, il faut se garder d’envoyer trop vite au rebut, pour ne pas  dire au cimetière, les aînés, car c’est passé un certain âge qu’ils peuvent diriger conséquemment après avoir accumulé une somme d’expériences intellectuelles, politiques et surtout humaines. Et s’il est vrai que «dans la barbe de certains vieillards gît la bêtise», pour citer  un écrivain burkinabè, que vieillesse ne rime pas toujours avec sagesse, il est tout aussi vrai que jeunesse n’est pas synonyme de compétence.

 

Issa K. Barry

Dernière modification lemercredi, 24 juillet 2019 20:06

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